Il y a deux mots hĂ©braĂŻques que nous disons souvent pendant et avant cette pĂ©riode de fĂȘtes, exprimant un sentiment merveilleux lorsque nous saluons les autres â que ce soit Ă la synagogue, dans un parking ou entre amis et en famille, parce ces deux mots reflĂštent nos espoirs pour cette nouvelle annĂ©e.
Ces deux mots hĂ©braĂŻques sont bien sĂ»r vous lâavez tous compris, Shana Tova et pourtant, nous les avons presque toujours mal traduits.
Peut-ĂȘtre, est ce parce que les Juifs cĂ©lĂšbrent deux «nouvelles annĂ©es» â Rosh Hashanah et le 1er janvier que la salutation  » Bonne annĂ©e » que nous avons tendance Ă utiliser mais ce nâest pas ce que veut dire Shanah Tova.
âShanah tovaâ nâa presque rien Ă voir avec le bonheur. Au lieu de cela, âShanah tovaâ signifie vraiment âune bonne annĂ©eâ, et il y a une diffĂ©rence entre notre annĂ©e Ă©tant âheureuseâ et notre annĂ©e Ă©tant âbonneâ.
Et je dirais que nous ne devrions pas nous concentrer sur «ĂȘtre heureux». Au lieu de cela, nous devrions nous concentrer sur «faire du bien».
Maintenant, je peux dĂ©jĂ entendre une objection : ne voulons-nous pas ĂȘtre heureux ? Y a-t-il quelquâun ici qui souhaiterait moins de bonheur cette annĂ©e ? Eh bien, bien sĂ»r, si nous avions le choix, nous prĂ©fĂ©rions plutĂŽt ĂȘtre heureux que dâĂȘtre triste. Mais cela dĂ©pend aussi de ce que nous entendons par le mot «heureux».
GĂ©nĂ©ralement, nous dĂ©finissons le «bonheur» comme «un sentiment agrĂ©able», mais voici la chose : les sentiments viennent et les sentiments passent. Alors oui, nous espĂ©rons que cette annĂ©e aura de nombreux moments de plaisir. Mais nous savons aussi que cette annĂ©e apportera des moments de tristesse, dâanxiĂ©tĂ© et de luttes.
En fait, il existe mĂȘme des recherches importantes qui montrent que nous nâavons quâun contrĂŽle limitĂ© sur la façon dont nous sommes heureux.
Sonya Lyubomirsky, professeur de psychologie et auteur du livre The How of Happiness, nous dit quâil existe trois facteurs principaux qui dĂ©terminent notre niveau de bonheur.
La premiĂšre partie est gĂ©nĂ©tique â notre «point de consigne de bonheur», comme on lâappelle. Tout comme les gĂšnes de certaines personnes les rendent plus ou moins Ă©levĂ©s que dâautres, la gĂ©nĂ©tique joue Ă©galement un rĂŽle dans notre maquillage psychologique, ce qui influence naturellement ce que notre «bonheur de base» a tendance Ă ĂȘtre.
Selon la recherche, nos tendances gĂ©nĂ©tiques reprĂ©sentent environ la moitiĂ© de notre niveau de bonheur â et la moitiĂ© de notre bonheur est quelque chose dont nous nâavons absolument aucun contrĂŽle.
La deuxiĂšme partie de lâĂ©quation du bonheur est les circonstances de la vie â sommes-nous associĂ©s ou cĂ©libataires ? Combien dâargent avons-nous ? Sommes-nous en bonne santĂ© ou malades Ce sont les domaines oĂč nous avons tendance Ă investir beaucoup de notre temps, de notre Ă©nergie et de nos ressources.
Nous essayons de faire des Ă©conomies. Nous allons Ă la salle de gym. Nous essayons de mieux manger. Pourtant, mĂȘme une rĂ©flexion superficielle de lâannĂ©e derniĂšre nous montre combien de chance implique notre tentative de changer nos circonstances. Nous avons peut-ĂȘtre essayĂ© dâĂ©conomiser de lâargent â mais nous avons dĂ©couvert que lâatterrissage Ă©tait Ă©tonnamment difficile. Nous sommes peut-ĂȘtre allĂ©s Ă la salle de gym et nous avons mangĂ© mieux, mais nous avons Ă©tĂ© Ă©purĂ©s par une maladie que nous nâavons jamais vu venir.
Nous pouvons faire de notre mieux pour essayer dâamĂ©liorer notre situation, mais nous savons que dans ce domaine, nous nâavons quâune influence limitĂ©e.
Mais ce qui est surprenant, câest quâil sâavĂšre que les conditions de vie ne reprĂ©sentent que 10 % de notre niveau de bonheur. Bien quâil y ait toujours un choc initial lorsque nos circonstances changent de maniĂšre spectaculaire â Ă la fois pour le bien et pour le mal â dans quelques mois, leur pouvoir diminuera gĂ©nĂ©ralement. Pourquoi donc ?
Parce que nous, les humains, avons ce quâon appelle «lâadaptation hĂ©donique», ce qui est juste une façon folle de dire «quoi quâil en soit, nous avons tendance Ă nous habituer».
Lâauteur et lâĂ©conomiste comportemental Dan Ariely lâexplique bien :
Si vous ĂȘtes dĂ©jĂ allĂ© Ă une matinĂ©e et que vous ĂȘtes allĂ© du cinĂ©ma sombre au parking ensoleillĂ©, le premier moment Ă lâextĂ©rieur est lâun des plus brillants, mais vos yeux sâajustent relativement viteâŠ
[De mĂȘme, lorsque nous passons Ă une nouvelle maison, nous pouvons ĂȘtre ravis des planchers de bois franc Ă©tincelants. AprĂšs quelques semaines, ces facteurs disparaissent en arriĂšre-plan.
Quelques mois plus tard, nous ne profitons pas autant des planchers de bois franc.
Tout comme nos yeux sâadaptent aux changements de lumiĂšre et dâenvironnement, nous pouvons nous adapter aux changements dâattentes et dâexpĂ©rience.
(Ariely, The Upside of Irrationality, 158-159, 168-169)
Donc, alors que nous pourrions essayer de changer notre situation cette annĂ©e pour âĂȘtre heureuxâ, il faut se rappeler que non seulement il nây a quâun contrĂŽle fini, et non seulement nous devrions investir beaucoup de temps et dâefforts pour les changer, mĂȘme si nous rĂ©ussissons, ils nâauront que peu dâimpact sur notre niveau de bonheur.
Donc, si 50% de la gĂ©nĂ©tique et 10% sont des circonstances de la vie, quel est lâautre 40% ? Il sâavĂšre que les 40% restants de notre bonheur consistent en des actions simples que nous choisissons de faire. Quelles sont ces actions ? Ce sont ceux que vous attendez probablement Ă entendre : exprimer votre gratitude. Pratiquez des actes de gentillesse.
Soyez pleinement présent dans vos actions et avec ceux qui vous entourent.
Et ce qui est intĂ©ressant, câest que grĂące Ă ces comportements, nous rĂ©orientons la façon dont nous percevons cette annĂ©e. Bien que ces actions reprĂ©sentent 40% de ce qui nous rend heureux, ils reprĂ©sentent prĂšs de 100 pour cent de ce que cela signifie pour nous de « faire le bien ». Exprimer sa gratitude, pratiquer des actes de gentillesse, Ă©tant pleinement prĂ©sent â ces types dâactions nous rendent un peu mieux pour nous et notre monde. Donc, en ce qui concerne cette nouvelle annĂ©e, nous ne devrions pas poser la question : «Est-ce une bonne annĂ©e ?» La recherche suggĂšre quâune grande partie de cette Ă©quation est hors de notre contrĂŽle direct.
Donc Ă la place, nous devrions nous demander : «Comment allons-nous faire de lâargent cette annĂ©e ?»
Maintenant, si cela ressemble un peu à «lâauto-assistance morale», câest comme ça. Et ce nâest peut-ĂȘtre pas si grave. Plus tĂŽt cette semaine, Megan McArdle, journaliste pour Newsweek et Daily Beast, a Ă©crit une piĂšce intitulĂ©e «Quâest-ce qui est incorrect avec les livres dâauto-assistance ?» Elle note que les gens les dĂ©nigrent souvent parce que les leçons quâils offrent sont Ă©videntes â soyez gentil avec votre conjoint, Ă©conomisez plus, donnez des commentaires constructifs aux membres de votre Ă©quipe, mangez moins et faites plus dâexercice. Et bien sĂ»r, cela est vrai, pas par une faute particuliĂšre des auteurs, mais parce quâil y a trĂšs peu de rĂ©volutions dans les affaires humaines.
Les faits fondamentaux de vivre, de sâentendre avec les autres et de mourir nâont pas vraiment changĂ© tant quâils ont Ă©tĂ© discutĂ©s pour la premiĂšre fois dans des titres dâauto-assistance Ă succĂšs comme la Bible, la Thora.
Mais cela ne signifie pas quâils ne supportent pas de rĂ©pĂ©ter ⊠[Et s] les messages ne peuvent ĂȘtre entendus que lorsque nous [nous] sommes prĂȘts.
(McArdle, âQuâest-ce qui ne va pas avec les livres dâauto-assistance ?â The Daily Beast, 13/09/12).
De mĂȘme, les messages des High Holy Days sont ceux que nous entendons tout le temps : rĂ©flĂ©chissez Ă nos actions de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e. Soyez gentil avec les autres. Soyez gentil avec nous-mĂȘmes. Faites une restitution pour les erreurs que nous avons commises. Pardonnez.
Ce sont des messages que nous entendons chaque année parce que ce sont des messages qui se répÚtent.
Mais peut-ĂȘtre encore plus important que les mots dont nous parlons, câest la façon dont Rosh Hashanah nous oblige Ă faire ce quâon appelle le  » hechbbon hanefesh  » une remise en question de soi, de notre Ăąme. Une blague parmi beaucoup de gens qui travaillent dans le monde juif espĂšre que les fĂȘtes seront reportĂ©es ou mĂȘme annulĂ©es parce que ânous ne sommes tout simplement pas prĂȘts pour euxâ. Mais câest le point, que nous soyons prĂȘts pour eux ou pas, le but des fĂȘtes est de nous placer dans une mentalitĂ© particuliĂšre.
Elles sont conçues pour nous confronter Ă la question : « Quels sont les messages que nous avons vraiment besoin dâentendre et sommes nous enfin prĂȘts Ă faire attention? »
Et des siĂšcles de sagesse juive ont accumulĂ© de nombreux messages sur la façon dont nous faisons le bien. En effet, la vision du judaĂŻsme de «lâauto-assistance» ne vise pas Ă nous «aider», câest la façon dont nous aidons les autres et amĂ©liorons ce monde. Comme le Dr Byron Sherwin et le Dr Seymour Cohen lâexpliquent dans leur livre CrĂ©ation dâune vie Ă©thique juive :
PlutĂŽt que de dĂ©montrer comment accumuler de la richesse pour [nous-mĂȘmes], la littĂ©rature Ă©thique juive traite de la façon dont la richesse peut ĂȘtre utilisĂ©e pour le bĂ©nĂ©fice des autres. PlutĂŽt que dâoffrir des stratĂ©gies sur la façon de manipuler les autres pour faire [notre] volontĂ©, il se concentre sur la meilleure façon de vivre une vie corrĂ©lative avec la volontĂ© divine.
PlutÎt que de nous enseigner comment prononcer un discours, il est préoccupé par la façon de parler sans nuire aux autres⊠(Sherwin et Cohen, xi)
Nous ne jugeons pas cette annĂ©e comment nous nous sommes sentis. Nous ne le jugeons pas si nous Ă©tions «heureux» ou non. Au lieu de cela, comme le dit notre machzor, «le son du Shofar [devrait] Ă©veiller la voix de la conscienceâŠÂ» (Gates of Repentance, 64-65). Nous devrions juger cette annĂ©e le «bon» que nous pouvons faire; comment nous pouvons construire, entretenir et rĂ©parer nos relations â Ă nous-mĂȘmes, Ă lâautre et Ă Dieu.
Si nous pouvons le faire, si nous nous concentrons sur «faire le bien», alors nous pouvons Ă©galement repenser ce que «ĂȘtre heureux» pourrait ĂȘtre ? Selon la dĂ©finition du «bonheur» de, Russ Harris, auteur du livre The Happiness Trap, nous rappelle que le bonheur vrai, profond et durable nâest pas un moment de plaisirs fugaces. Comme il le dit, si nous prenons des mesures sur les choses qui ont vraiment de lâimportance dans nos cĆurs, adoptez des directives que nous considĂ©rons comme prĂ©cieuses et dignes, clarifiez ce que nous dĂ©fendons dans la vie et agissons en consĂ©quence, nos vies deviennent riches et pleinement significatives, et nous ressentons un puissant sentiment de vitalitĂ©. Ce nâest pas un sentiment Ă©phĂ©mĂšre â câest un sens profond dâune vie bien vĂ©cue.
(Harris, 5)
En fin de compte, câest Ă propos de ce que sont ces grands jours saints. Nous ne cherchons pas une bonne annĂ©e, mais une bonne nouvelle annĂ©e â et cela signifie âune annĂ©e de bontĂ©â. Nous devons concentrer notre attention et nos actions sur ce qui «nous considĂ©rons comme prĂ©cieux et dignes» et nous amener à «prĂ©ciser ce que nous dĂ©fendons dans la vie et agissons en consĂ©quence â. Et parce quâil est naturel et facile de traverser les jours et les mois de lâannĂ©e sans rĂ©flĂ©chir sur nos actions, Rosh Hashanah nous oblige Ă considĂ©rer le genre de vie que nous construisons, et de se demander non pas comment nous pouvons âĂȘtre heureuxâ, mais comment nous pouvons âfaire du bienâ.
Adonai Eloheinu vâelohei avoteinu vâimoteinu, Adonai notre Dieu et Dieu de nos ancĂȘtres, alors que nous rĂ©flĂ©chissons lâannĂ©e derniĂšre et regardons vers la nouvelle, rappelez-nous de remercier nos moments joyeux et des plaisirs simples que nous expĂ©rimentons. Rappelez-nous le genre de vie que nous vivons, de sorte que ce soit une vie de compassion et de justice. Et rappelez-vous que nous devrions Ă©valuer cette annĂ©e en termes non pas sur la façon dont nous nous sommes sentis, mais sur la façon dont nous avons contribuĂ© Ă amĂ©liorer nous-mĂȘmes et notre monde. Comme le dit notre machzor, «Nous attendons avec espoir, en remerciant le miracle quotidien du renouvellement. Pour la promesse du bien Ă venir. â(Gates of Repentance, 52) Que la promesse de cette annĂ©e juive soit que nous apportons un peu plus de bontĂ© envers nous-mĂȘmes, envers les autres et notre monde.
Amen, et Shanah Tovah, que ce soit une bonne année pour nous tous.
Rabbi Geoffrey A. Mitelman
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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