SOYONS DE VRAIS AMANTS, JUSTES ET ORDONNES ! (Le prophĂšte Mich’a) – Par RONY AKRICH

Une mĂšre peut-elle traĂźner son propre fils devant la Cour de Justice ?
Est-ce mĂȘme imaginable ?
Pourtant, les textes prophĂ©tiques n’hĂ©sitent pas Ă  nous mettre en garde et, beaucoup plus souvent, Ă  nous expliquer les raisons dramatiques des effets secondaires comme des chĂątiments. Une conduite dĂ©viante, des comportements pernicieux, provoquent le CrĂ©ateur, sinon l’évĂšnement humain, nul ne le supporte plus.
Les peuples, et IsraĂ«l tout particuliĂšrement, sont ainsi menĂ©s manu militari devant les tribunaux de l’Histoire afin d’ĂȘtre jugĂ©s. Pour les croyants, Dieu lui-mĂȘme juge et agit, pour les autres, l’élan vital inhĂ©rent Ă  l’existence ne peut accepter un devenir contrariĂ©.
Le prophÚte Michée est le témoin de son époque. Conscient des leçons du passé et porteur des espoirs du futur, il tente de stopper la descente aux enfers. Son enseignement du présent sera simple et succinct non seulement pour sa génération mais, aussi, pour les générations à venir, les masses étant rarement trÚs élaborées.
« Michee le Morashti » est un prophĂšte biblique. Il prophĂ©tise entre 737 et 696 avant l’ùre vulgaire en JudĂ©e.
Selon la tradition, il serait l’auteur du Livre qui porte son nom. Il est contemporain des prophĂštes IsaĂŻe, Amos et OsĂ©e. MichĂ©e est originaire de Moresheth-Gath, au sud-ouest de la JudĂ©e, paysan et proche du petit peuple, il devient le porte-parole de Dieu durant les rĂšgnes des rois Yotam, Ah’az et H’izkiaou. Ses propos et prophĂ©ties sont essentiellement orientĂ©s vers JĂ©rusalem et Ă  l’encontre du royaume d’IsraĂ«l au nord. Il critique le peuple pour sa malhonnĂȘtetĂ© et son idolĂątrie, leur annonce la proche destruction de JĂ©rusalem et de Samarie, la ruine puis la restauration future de l’état de JudĂ©e.
MichĂ©e est trĂšs certainement un enfant du terroir, un garçon de la campagne, pour qui la grande citĂ© n’avait rien d’allĂ©chant.

« Tout cela Ă  cause de l’infidĂ©litĂ© de Jacob et des prĂ©varications de la maison d’IsraĂ«l. A qui imputer l’infidĂ©litĂ© de Jacob ? N’est-ce point Ă  Samarie ? A qui les hauts-lieux de Juda? N’est-ce point Ă  JĂ©rusalem ? » (MichĂ©e 1: 5)

Ce n’est pas le quotidien citadin en soi qui offense MichĂ©e mais plutĂŽt la dĂ©gĂ©nĂ©rescence d’une population envahie et inondĂ©e par l’idolĂątrie sans foi ni loi. Il fustige leurs abus de pouvoir, leurs pratiques commerciales iniques, leur lutte infĂąme contre les pauvres, une confiance exacerbĂ©e en leur puissance militaire et la Providence divine malgrĂ© leur outrecuidance infatuĂ©e.

« Malheur Ă  ceux qui mĂ©ditent l’iniquitĂ© et prĂ©parent le mal sur leurs couches, pour l’accomplir dĂšs la pointe du jour autant que cela est en leur pouvoir! Ils convoitent des champs et les volent, des maisons et s’en emparent. Ils usent de violence envers les hommes et leurs demeures, envers les propriĂ©taires et leurs domaines. Eh bien! dit l’Eternel, voici je mĂ©dite, moi, contre cette engeance une calamitĂ© oĂč vous enfoncerez jusqu’au cou: vous ne marcherez plus la tĂȘte haute, car ce sera un temps de malheur. » (MichĂ©e 2: 1-3)
Les prĂȘtres se laissent porter par le jubilatoire, les faux prophĂštes cĂšdent Ă  la raison du peuple jouissif et les rois accordent protection et largesse aux nantis.

« Ecoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob et seigneurs de la maison d’IsraĂ«l, qui dĂ©testez la justice et pervertissez tout ce qui est droit! Ils bĂątissent Sion au moyen de meurtres et JĂ©rusalem au moyen d’iniquitĂ©s. Ses chefs rendent la justice pour des prĂ©sents, ses prĂȘtres donnent leur enseignement pour un salaire, ses prophĂštes prononcent des oracles Ă  prix d’argent, et ils osent s’appuyer sur l’Eternel et dire: « Certes l’Eternel est au milieu de nous, aucun mal ne nous atteindra! » Eh bien! À cause de vous Sion sera labourĂ©e comme un champ, JĂ©rusalem deviendra un monceau de ruines, et la montagne du temple une hauteur boisĂ©e. » (MichĂ©e 3: 9-12)

IsraĂ«l est censĂ© ĂȘtre le peuple de l’Alliance, prĂ©sumĂ© dĂ©fendre et affirmer le sens et le rĂŽle de l’altĂ©ritĂ© au sein de la nation, supposĂ© devenir l’identitĂ© modĂšle pour toutes les nations et pouvoir ainsi conduire le monde vers le projet CrĂ©ateur.
Eh bien non!
Ils sont avides de plaisirs, insatiables de besoins, ils sont creux d’idĂ©es, nonchalants de mĂ©moire, belliqueux par bĂȘtise et sots par idĂ©al.
Alors Dieu s’en mĂȘle et les poursuit.
Imaginez le traumatisme de tous ces riches bougres face Ă  l’austĂ©ritĂ© du personnage et de ses propos acerbes, lors de leur venue hebdomadaire au Temple de JĂ©rusalem pour cĂ©lĂ©brer le Shabbat. Il chapitre tout un chaque-un sans hĂ©sitation et sans gants:

« Ecoutez donc ce que dit le Seigneur: « LĂšve-toi, plaide [ma cause] devant les montagnes, que les collines entendent ta voix! » Montagnes, Ă©coutez le litige du Seigneur, et vous gĂ©ants, fondements de la terre! Car l’Eternel est en procĂšs avec son peuple, il est en discussion avec IsraĂ«l: » (MichĂ©e 6: 1-2)

Certes, ce n’est plus guĂšre la langue de bois, suave de bigoterie, dont ils ont l’habitude de se repaitre Ă  travers la litanie des Psaumes, mais un langage acidulĂ© dans la bouche de l’avocat gĂ©nĂ©ral :

«Entendez, entendez. Dieu convoque les montagnes et la terre à témoigner devant le tribunal céleste puis mettre en accusation le peuple devant eux :
« O mon peuple ! Que t’ai-je fait ? Comment te suis-je devenu Ă  charge ? Expose [tes griefs] contre moi. Est-ce parce que je t’ai tirĂ© du pays d’Egypte et dĂ©livrĂ© de la maison d’esclavage ? Parce que je t’ai donnĂ© pour guides Moshe, Aaron et Myriam ? O mon peuple! Rappelle-toi seulement ce que mĂ©ditait Balak, roi de Moab, et ce que lui rĂ©pondit Bilaam, fils de Beor ; de ChittĂźm Ă  Guilgal, tu as pu connaĂźtre les bontĂ©s de l’Eternel! MichĂ©e 6: 3-5)

Depuis la sortie des camps de concentration Ă©gyptiens jusqu’à ce jour, les enfants d’IsraĂ«l gĂšrent et ordonnent, bon an mal an, le bon ou le mauvais dĂ©roulement de leur histoire. Malheureusement, ils se fourvoient beaucoup plus souvent dans les mĂ©andres de leur quotidien, analysent mal, rĂ©agissent mal et finissent par s’y perdre totalement.
Ils n’ont aucun souvenir de leurs pĂ©rĂ©grinations, aucune mĂ©moire collective du salut qui fut le leur. Dieu n’est vraiment plus prĂ©sent ici, l’ingratitude rĂšgne en maitre absolu.
L’auditoire est offusquĂ©, critique mĂȘme. Ils sont lĂ , dans le Temple, revĂȘtus de leurs plus beaux vĂȘtements de Shabbat, les mains pleines d’offrandes, de bĂȘtes pour le sacrifice:
Enfin Michée, que nous veux-tu ?
Ne faisons-nous point ce que l’Eternel demande, nous Lui vouons un culte sans ambages ? Vois notre piĂ©tĂ©.
N’est-ce donc pas assez ? Devrions-nous ĂȘtre plus prodigues pour calmer Sa colĂšre?
Alors ils demandent :

« Mais quel hommage offrirai-je au Seigneur ? Comment montrerai-je ma soumission au Dieu suprĂȘme ? Me prĂ©senterai-je devant Lui avec des holocaustes, avec des veaux ĂągĂ©s d’un an ? Le Seigneur prendra-t-il plaisir Ă  des hĂ©catombes de bĂ©liers, Ă  des torrents d’huile par myriades ? Donnerai-je mon premier-nĂ© pour ma faute, le fruit de mes entrailles comme rançon expiatoire de ma vie ? » (MichĂ©e 6: 6-7)

Surtout pas, malandrins !
Ce ne sont lĂ  que des effets de manches, des procĂ©dĂ©s puĂ©rils du culte. Sans une vĂ©ritable cohĂ©rence entre votre formulation ostentatrice de la Foi et vos sincĂšres valeurs et vertus intĂ©rieures, vous ne serez rien d’autre que de beaux parleurs oĂč l’essentiel fait dĂ©faut et votre religion, un persiflage insignifiant aux oreilles de Dieu.

« Homme, on t’a dit ce qui est bien, ce que le Seigneur demande de toi : de rendre la justice, d’aimer l’Amour et de marcher humblement avec ton Dieu ! »  (MichĂ©e 6: 8)

Nous touchons ici au message prophĂ©tique par excellence, il rĂ©sume les thĂšmes centraux d’IsaĂŻe, JĂ©rĂ©mie, Amos et OsĂ©e. Tous l’on dit, Ă©noncĂ© et affirmĂ©, mais notre cher et tendre prophĂšte-paysan, MichĂ©e, l’a dit mieux que quiconque !
C’est aussi simple que cela, alors pourquoi ne pas le faire ?
« Justice ! » (Tsedaka).
Dieu, le prophĂšte ou qui que ce soit nous adjure d’ĂȘtre juste, le verbe « Etre » souligne non seulement l’idĂ©al mais aussi la pratique.
Ce n’est pas un concept, c’est une Ă©thique.
C’est une Ă©norme philosophie car c’est quelque chose que tu dois faire pour ĂȘtre vrai.
Ce n’est pas un Ă©tat passif, une non-ingĂ©rence, un pacte de non-agression, c’est un engagement actif dans le monde.
La justice concerne la parité de régime pour tous.
La justice concerne l’égalitĂ© des chances pour tous.
La justice consiste Ă  assurer, Ă  tout le monde, une part Ă©quitable Ă  la Providence divine, que nul n’en soit exclu.
La justice conçoit la vie simplement, elle accepte d’avoir assez et partage avec ceux qui n’ont pas assez.
La justice nous concerne tous et toutes.
Le juste n’est juste que s’il s’ajuste et se confond avec le manque, la Bible s’embarrasse moins d’amortir les effets de l’injustice que d’en exclure les causes.

«Le droit !» (Mishpat). Lui se conjugue avec son jumeau insĂ©parable, (Tsedeka), «Justice», il signifie ĂȘtre intĂšgre avec Dieu, intĂšgre avec les Hommes, intĂšgre mĂȘme avec l’ensemble de la CrĂ©ation.

Vous ne pouvez pas ĂȘtre proche de Dieu sans vous soucier d’ĂȘtre proche du peuple pour lequel Dieu a le cƓur si familier.
Le droit est donc lĂ  oĂč la religion devient soit un vĂ©cu existentiel, soit juste un culte tellement dĂ©risoire. Il reconnaĂźt la corrĂ©lation fondamentale et la complĂ©mentaritĂ© de toutes choses en Dieu.
Impossible de vivre sans danger, Ă  nos seuls propres frais, nous dĂ©pendons d’autres crĂ©atures qui par leur vie et leur mort nous permettent de survivre. Pour exister, nous devons rompre, chaque jour, avec une partie des cellules de notre corps, verser le sang de la CrĂ©ation en quelque sorte.

S’occuper de soi-mĂȘme, comme du monde, est en soi une nĂ©cessitĂ© pour l’équilibre de l’HumanitĂ©, si nous le faisons consciemment, passionnĂ©ment, adroitement, avec dĂ©fĂ©rence, cela devient une consĂ©cration de la vie.
En agissant avec insuffisance, impatiemment, brutalement, de maniĂšre dĂ©vastatrice, alors se créé une profanation, un Ă©chec
 face Ă  un tel sacrilĂšge nous nous condamnons Ă  la solitude spirituelle et morale et devenons les victimes de notre propre histoire.
Des lustres durant, jusqu’à aujourd’hui, la terre rĂ©ussit Ă  fournir assez de nourriture pour tous, suffisamment d’espace pour tous nous abriter, assez de richesses pour subvenir Ă  tous nos besoins. Pourtant, des enfants meurent de faim, des sans-abri errent et des pauvres souffrent car 10% de la population mondiale contrĂŽlent, encore et toujours, ce dont ont besoin les 90% restants.
Si nous sommes dans le top 25 des pays les plus riches et industrialisĂ©s, remercions Dieu, nous sommes bĂ©nis!! NĂ©anmoins le CrĂ©ateur pleure et s’interroge: oĂč sont donc le droit et la justice pour toute ma CrĂ©ation?!

L’autre terme est « Amour » (‘hessed). Dieu exige que nous octroyons l’amour, mais tout d’abord que nous puissions aimer l’amour pour nous-mĂȘme avec nous-mĂȘme. Il est lui aussi un idĂ©al, un vocable enracinĂ© dans la relation d’Alliance d’IsraĂ«l avec Dieu et de Dieu avec IsraĂ«l. Il signifie fidĂ©litĂ©, loyautĂ©, constance, engagement durable et vĂ©ritĂ©, il s’agit de rester fidĂšle au dessein Divin et Ă  Son peuple, apprendre le vivre ensemble, ĂȘtre indulgent et savoir pardonner.
La derniĂšre exigence de Dieu, selon MichĂ©e, est de marcher humblement dans Ses voies. L’HĂ©breu nous livre un substantif intĂ©ressant au verbe ‘aller, marcher’ c’est le terme de « halach’a » c’est Ă  dire ‘Loi’, en clair cela signifie que la Loi est dynamique puisqu’en marche.
Marcher implique ici un accompagnement continu, une présence constante, aller avec Dieu indique que nous habitons nos vies vis-à-vis de Lui, avec cette perpétuelle expérience de la Présence Divine, nous ne sommes donc jamais seuls ou abandonnés.
Nul ne pense Ă  se cacher de Dieu, nous n’essayons pas non plus de le partager autour d’une pensĂ©e occasionnelle ou de l’écrouer dans l’enceinte de notre prison pour mieux le visiter quand bon nous semble.

Nous ne pouvons le rĂ©duire Ă  la fonction de valet personnel ou bien le domestiquer afin qu’il devienne le gardien de notre bon devenir.
La profusion de dĂ©lices et de splendeurs multiples qui nous sont octroyĂ©s dans ce monde, concerne l’Homme, seule crĂ©ature Ă  pouvoir savourer tout le beau, le bon et le bien pour ce qu’ils sont. Le CrĂ©ateur induit des valeurs bouleversantes lors de la rencontre de l’Homme avec le sentiment esthĂ©tique, une invite Ă  la manifestation de tout l’ĂȘtre spirituel-moral de la CrĂ©ature. En effet, cette grĂące de la nature se dessine sous tous les contours de l’espace et s’épanche au monde entier, le sentiment de plaisir ressenti ici est l’un des premiers moyens de dĂ©fendre l’Homme d’une violence absolue.
L’enchantement m’envoute au vu des charmes de la nature et des rimes de la forme, ils composent cette passerelle vers ce qui est spirituellement et moralement mirifique. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč l’harmonie et la grĂące ne sont pas prises en considĂ©ration, l’Homme devient trop pĂ©dant et rustre.
Le sentiment qui donne Ă  une personne la joie de l’amour, du droit et de la justice est liĂ© au sentiment de symĂ©trie et de consonance dans la sphĂšre de la moralitĂ©.
Le mal et l’immoral naissent et Ă©closent au sein de ce quelque chose de brisĂ©, oĂč le dĂ©sordre, l’injustice et la haine trouvent un terrain propice au ‘monde dĂ©senchanté’.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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