Chine-Iran : mauvaise nouvelle pour IsraĂ«l, mais ça pourrait ĂȘtre pire

Lorsque les dĂ©tails d’un accord Ă©conomique et de sĂ©curitĂ© de 25 ans de plusieurs milliards de dollars entre l’Iran et la Chine ont Ă©tĂ© divulguĂ©s l’étĂ© dernier, le titre du Jerusalem Post disait : « Le projet d’accord Chine-Iran est une mauvaise nouvelle pour IsraĂ«l. »

Maintenant que le ministre iranien des Affaires étrangÚres Javad Zarif et son homologue chinois Wang Yi ont signé samedi un accord à Téhéran, cela ne veut toujours rien dire de bon en ce qui concerne Israël.

Ce qui est plus important que le contenu de l’accord pour le moment, c’est le message qui est envoyĂ© Ă  l’époque, et ce message est que PĂ©kin et TĂ©hĂ©ran se moquent des États-Unis.

Comme l’a dĂ©clarĂ© lundi Carice Witte, directrice exĂ©cutive de SIGNAL, un groupe de rĂ©flexion qui s’occupe des relations sino-israĂ©liennes, «c’est une dĂ©claration Ă  100% pour les États-Unis».

Comme l’explique le Dr Shira Efron, conseillĂšre spĂ©ciale de la RAND Corporation, la maniĂšre dont cet accord est mis en Ɠuvre a beaucoup plus Ă  voir avec «les calculs chinois vis-Ă -vis des États-Unis qu’avec sa dĂ©pendance rĂ©elle et sa grande l’intĂ©rĂȘt pour l’Iran en soi ».

La Chine avait auparavant Ă©tĂ© plus hĂ©sitante dans ses relations avec l’Iran, Ă  la lumiĂšre des sensibilitĂ©s amĂ©ricaines, mais les Ă©vĂ©nements rĂ©cents ont poussĂ© PĂ©kin Ă  jeter la prudence au vent.

La semaine derniĂšre, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union europĂ©enne et le Canada ont sanctionnĂ© de hauts responsables chinois impliquĂ©s dans les principales violations des droits humains des musulmans ouĂŻghours au Xinjiang, notamment l’internement massif, la stĂ©rilisation forcĂ©e et autres. Cela s’est produit quelques jours aprĂšs la confrontation verbale de Wang avec le secrĂ©taire d’État amĂ©ricain Antony Blinken en Alaska au dĂ©but du mois. La Chine a rĂ©pondu aux mesures occidentales en sanctionnant les dĂ©fenseurs de la libertĂ© religieuse.

PĂ©kin y voit une autre façon de s’attaquer aux États-Unis, a expliquĂ© Witte.

Wang a critiquĂ© les États-Unis pour leurs politiques Ă  l’égard de son pays et de l’Iran dans une dĂ©claration de sa rencontre avec le prĂ©sident iranien Hassan Rohani samedi : «Les États-Unis devraient rĂ©flĂ©chir aux dommages Ă  la paix rĂ©gionale et Ă  la stabilitĂ© internationale causĂ©s par le retrait [de l’accord nuclĂ©aire de 2015 entre les puissances mondiales et l’Iran], rĂ©flĂ©chissez aux pertes qu’il a causĂ©es aux pays concernĂ©s, supprimez les sanctions unilatĂ©rales contre l’Iran dĂšs que possible et abolissez les mesures juridictionnelles de grande portĂ©e contre la Chine ».

L’Iran reste sous les sanctions de « pression maximale » mises en Ɠuvre par l’administration Trump depuis 2018, alors que le prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden cherche Ă  revenir au JCPOA, comme on l’appelle l’accord nuclĂ©aire iranien de 2015. L’administration Biden a dĂ©clarĂ© qu’elle ne rejoindra le JCPOA que si l’Iran se conforme Ă  nouveau, et jusqu’à prĂ©sent, il a tenu la ligne face au dĂ©fi iranien.

Rohani est restĂ© sur le message, rĂ©pĂ©tant ce que lui et d’autres responsables iraniens disent depuis des semaines : qu’ils ne reviendront pas au JCPOA Ă  moins que les États-Unis ne suppriment d’abord les sanctions.

« Il ne devrait y avoir aucune condition prĂ©alable pour que les États-Unis reprennent la mise en Ɠuvre de l’accord et ils devraient agir en premier », a dĂ©clarĂ© Rohani.

Efron a fait valoir que « l’Iran et la Chine montrent leur influence et leur impatience » en rĂ©ponse au fait que l’administration Biden continue de maintenir intactes les sanctions de l’ùre Trump contre l’Iran.

En ce qui concerne les sanctions contre l’Iran – qui en ce qui concerne IsraĂ«l est la principale source d’influence des États-Unis qui peuvent gagner des concessions de TĂ©hĂ©ran – le message de cet accord est que la Chine les considĂšre bientĂŽt comme non pertinentes.

Oui, jusqu’à prĂ©sent, la Chine a Ă©tĂ© prudente – par exemple, elle n’a pas vendu d’armes Ă  l’Iran depuis la levĂ©e de l’embargo de l’ONU en octobre dernier – mais elle semble penser que les sanctions sont sur le point de disparaĂźtre.

IsraĂ«l est une trĂšs petite partie de la concurrence des grandes puissances entre les États-Unis et la Chine, qui se dĂ©roule actuellement en Iran, mais Witte a dĂ©clarĂ© que PĂ©kin Ă©tait conscient que JĂ©rusalem allait probablement lancer des appels inquiets Ă  Washington Ă  propos de cet accord.

Witte a citĂ© des conversations passĂ©es avec des universitaires chinois qui ont dĂ©clarĂ© que les dirigeants de leur pays « avaient rĂ©alisĂ© il y a quelques annĂ©es que, tout comme les États-Unis peuvent utiliser Taiwan pour faire pression sur la Chine, la Chine peut utiliser IsraĂ«l pour faire pression sur la les États-Unis ».

Pourtant, Witte a dĂ©clarĂ© qu’en ce qui concerne les prĂ©occupations d’IsraĂ«l concernant l’Iran, elle est certaine que la Chine ne veut pas que l’Iran devienne une puissance nuclĂ©aire.

L’accord Chine-Iran renforce l’Iran et affaiblit la position amĂ©ricaine dans ses nĂ©gociations prĂ©vues sur l’accord nuclĂ©aire, ce qui est une mauvaise nouvelle pour IsraĂ«l.

Mais quant au contenu apparent de l’accord, cela pourrait ĂȘtre pire.

Le ministĂšre chinois des Affaires Ă©trangĂšres a Ă©galement indiquĂ© clairement dans son message de la rĂ©union Wang-Rohani qu’il pensait que les sanctions unilatĂ©rales amĂ©ricaines violaient le droit international et Ă©taient mĂȘme immorales.

Ni la Chine ni l’Iran n’ont publiĂ© les dĂ©tails de l’accord, affirmant simplement qu’il s’agissait d’un « partenariat stratĂ©gique global » ; que les parties ont l’intention « d’approfondir la coopĂ©ration mutuellement avantageuse dans divers domaines » ; et que l’Iran veut l’aide de la Chine pour faire face Ă  la pandĂ©mie de coronavirus. L’un des rares dĂ©tails dans la dĂ©claration du ministĂšre chinois des Affaires Ă©trangĂšres sur l’accord est que les pays « feront progresser la coopĂ©ration antiterroriste ».

La version de l’accord qui a Ă©tĂ© divulguĂ©e au New York Times en juillet appelait Ă  une plus grande coopĂ©ration militaire entre les pays, y compris la vente d’armes, l’échange d’informations de renseignement et des exercices conjoints, des formations et des enquĂȘtes. C’est la partie qui inquiĂšte le plus IsraĂ«l.

Cependant, Witte a affirmĂ© que le document publiĂ© l’annĂ©e derniĂšre « tenait la Chine trop responsable de toute activitĂ© dĂ©viante dans laquelle l’Iran pourrait s’engager », il est donc probable que ces sections aient Ă©tĂ© modifiĂ©es.

L’accord divulguĂ© comprenait Ă©galement 400 milliards de dollars d’investissements chinois en Iran dans un large Ă©ventail de domaines, y compris les ports et les chemins de fer, domaines dans lesquels la Chine est Ă©galement prĂ©sente en IsraĂ«l. On craint que les entreprises chinoises opĂ©rant Ă  la fois en IsraĂ«l et en Iran posent un risque pour la sĂ©curitĂ©.

La Chine bĂ©nĂ©ficierait Ă©galement d’une remise importante sur le pĂ©trole iranien et deviendrait un quasi-monopole, tant que les sanctions contre l’Iran seraient maintenues.

Cependant, on ne sait pas quelle partie de cet accord s’appliquera rĂ©ellement. En fait, Reza Zabib, chef du dĂ©partement Asie de l’Est du ministĂšre iranien des Affaires Ă©trangĂšres, a dĂ©clarĂ© que la raison pour laquelle les dĂ©tails de l’accord n’ont pas Ă©tĂ© publiĂ©s est qu’il n’est pas contraignant.

«Historiquement, la Chine signe ces [MOU] et seul un petit pourcentage de l’argent est effectivement investi», a expliquĂ© Witte.

Efron a dĂ©clarĂ© qu’IsraĂ«l pouvait se rassurer sur le fait que la Chine adopte une « approche rĂ©gionale plus holistique du Moyen-Orient, ayant ainsi des cadres d’accords similaires avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, les adversaires de l’Iran ». En fait, Wang s’est rendu Ă  Riyad et a rencontrĂ© le prince hĂ©ritier saoudien Mohammed ben Salmane juste avant de se rendre Ă  TĂ©hĂ©ran. De plus, PĂ©kin vend plus d’armes aux rivaux de l’Iran dans la rĂ©gion qu’à l’Iran.

De plus, la Chine et IsraĂ«l n’ont pas de relations de dĂ©fense en raison des interventions passĂ©es des États-Unis, mais les pays ont un partenariat Ă©conomique solide, y compris un accord de libre-Ă©change.

Tout cela, pris dans son ensemble, indique que la Chine n’essaie pas de se ranger du cĂŽtĂ© de l’Iran dans la rĂ©gion, mĂȘme si PĂ©kin semble favoriser TĂ©hĂ©ran plus qu’avant.

L’opinion de Lahav Harkov dans le Jerusalem Post


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