L’EXIGENCE DU LOGEMENT SOCIAL EN ISRAEL ! Par Rony Akrich

Le Dr Ravit Hananel est membre du corps professoral et chef du laboratoire de politique urbaine, au dĂ©partement des affaires publiques, une maĂźtrise en sciences politiques de l’UniversitĂ© de Tel-Aviv, et un doctorat en planification urbaine et rĂ©gionale, du Technion, IsraĂ«l. Elle est experte en politique fonciĂšre d’utilisation des terres (planification) et du logement, en particulier pour les populations dĂ©favorisĂ©es et le logement public.)

Selon le Dr Hananel, l’évolution de la politique sociale de l’habitat en IsraĂ«l, par rapport Ă  d’autres pays, a connu ses plus grandes transitions au cours des derniĂšres dĂ©cennies.
Dans les annĂ©es 1950-1960, lorsqu’IsraĂ«l Ă©tait considĂ©rĂ© comme un État social-dĂ©mocrate dotĂ© d’une politique d’aide sociale progressiste, le logement public, reprĂ©sentant 60 % du parc immobilier total de l’État, auquel la majeure partie de la population Ă©tait Ă©ligible, Ă©tait son principal instrument dĂ©magogique. Jusqu’au milieu des annĂ©es 80, le gouvernement d’IsraĂ«l intervenait fortement dans l’offre d’habitations sociales, sous forme de logements publics entiĂšrement financĂ©s et gĂ©rĂ©s par lui.

Au fil du temps, cependant, cette attitude va changer.
Ce fut particuliÚrement le cas dÚs le milieu des années 1980.
L’idĂ©ologie politique gĂ©nĂ©rale d’IsraĂ«l est passĂ©e d’un État-providence Ă  un État capitaliste dominĂ© par l’économie de marchĂ©, les institutions et les pratiques nĂ©olibĂ©rales. Sa participation, dans le parc immobilier du pays, a ostensiblement diminuĂ©, elle ne concerne plus que 1,9 % de la population et reste pertinente uniquement pour les mĂ©nages les plus pauvres du pays.

Au dĂ©but de notre 21Ăšme siĂšcle, ces tendances se sont intensifiĂ©es et le nombre de logements sociaux a continuĂ© Ă  baisser, tandis que l’État durcissait les critĂšres d’éligibilitĂ© Ă  l’habitat public.

Ces tout derniers mois, seulement, le nouveau gouvernement semble vouloir faire preuve d’une plus grande sensibilitĂ© Ă  ce sujet.
Le Dr Hananel rĂ©sume la trajectoire du logement social et soutient qu’au fil du temps, il est passĂ© « de central Ă  marginal ». L’explication de ces changements, et de la situation actuelle, s’appuie sur les rapports du gouvernement et des sociĂ©tĂ©s de logement public, la littĂ©rature acadĂ©mique existante, les statistiques officielles et la couverture mĂ©diatique.

PoussĂ©e par la croyance nĂ©olibĂ©rale envers la supĂ©rioritĂ© du marchĂ© libre, la politique du logement est passĂ©e d’une stratĂ©gie axĂ©e sur le bien-ĂȘtre Ă  celle axĂ©e sur le marchĂ© au cours des quatre derniĂšres dĂ©cennies, encourageant l’accession Ă  la propriĂ©tĂ©, la dĂ©rĂ©glementation et la consommation privĂ©e.
La financiarisation du logement, sa transformation d’un droit de l’homme en une opportunitĂ© d’investissement, a Ă©tĂ© conduite par le gouvernement principalement par le biais de la dĂ©rĂ©glementation des marchĂ©s financiers et d’une pratique financiĂšre appelĂ©e titrisation hypothĂ©caire.

Une grande partie du dĂ©bat sur la crise de l’habitat s’est concentrĂ©e sur le dĂ©sĂ©quilibre du marchĂ© entre l’offre et la demande, citant des facteurs tels les investissements Ă©trangers et le manque d’offres du marchĂ©. Cependant, de nombreux problĂšmes, aujourd’hui, doivent ĂȘtre replacĂ©s dans le contexte historique de la restructuration du systĂšme de logement, qui maintient bien vivantes les inĂ©galitĂ©s de rĂ©sidence et de richesse.

L’utilisation des donnĂ©es historiques du recensement de 1981 Ă  2016, rĂ©vĂšle des disparitĂ©s profondĂ©ment enracinĂ©es dans l’accĂšs Ă  un logement abordable dans l’ùre nĂ©olibĂ©rale post-1990. Ces politiques et leur financiarisation contribuent grandement Ă  cette intensification du dĂ©sĂ©quilibre en matiĂšre d’habitation.
Un tournant important s’est produit Ă  la fin des annĂ©es 1990 avec la promulgation de la loi sur le logement social de 1998.
Cette derniĂšre autorisa ses propres locataires Ă  acquĂ©rir leurs appartements avec une remise importante, dans de nombreux cas jusqu’à 90 % de la valeur de l’unitĂ©. Le produit de la vente devait ĂȘtre utilisĂ© pour la construction et l’achat de logements sociaux. Bien que la loi ne soit entrĂ©e en vigueur qu’en janvier 2014, quelques 40 000 appartements sociaux ont Ă©tĂ© vendus, et le produit de leur vente jamais utilisĂ© aux fins d’acquisition de logements supplĂ©mentaires ou la rĂ©novation d’appartements existants. Dans ce contexte, IsraĂ«l a suivi une voie similaire Ă  celle des Britanniques : permettre la privatisation de l’habitation sociale et sa vente Ă  ses locataires.

Une critique majeure de la loi concerne le manque de viabilitĂ© Ă©conomique d’une augmentation de l’habitat social en utilisant le seul produit de la vente qui ne constitue qu’un dixiĂšme de la valeur marchande des appartements. Cependant, cette opĂ©ration a permis de rĂ©duire les Ă©carts et la rĂ©partition du capital entre les diffĂ©rentes couches sociales les plus dĂ©favorisĂ©es. Selon une Ă©tude, ces ventes ont considĂ©rablement augmentĂ© la valeur du capital immobilier parmi ces familles. Elle souligne le rĂŽle de la loi dans le droit intergĂ©nĂ©rationnel, expliquant que l’acquisition de ces locataires permet Ă  ceux-ci de transfĂ©rer un certain capital Ă  la gĂ©nĂ©ration suivante. De plus, cela affecte leur niveau de vie.
Depuis 2014, l’approche du gouvernement en matiĂšre d’habitat social a changĂ©.
Si, auparavant, l’État vendait seulement des appartements sociaux, il commença alors Ă  acquĂ©rir des logements sociaux neufs et d’occasion et alloua mĂȘme des fonds supplĂ©mentaires pour la rĂ©novation de ceux existants.

NĂ©anmoins, de 2014 Ă  2019, le nombre de ces logements a baissĂ© de 15 %, passant de 58 879 Ă  50 416, et la liste d’attente a augmentĂ© de 115 %.
Bien que les analyses de l’aide publique Ă  propos du logement social semblent montrer une tendance Ă  la hausse, son investissement par mĂ©nage Ă©ligible a considĂ©rablement diminuĂ© ces derniĂšres annĂ©es.
En effet, la majeure partie de l’augmentation du parc locatif public Ă©tait censĂ©e se produire par le biais de projets de rĂ©novation urbaine menĂ©s par des promoteurs privĂ©s et non par la participation du gouvernement. Ces plans de rĂ©forme urbaine prirent tellement de retard que seuls quelques appartements furent ajoutĂ©s sous cette forme, principalement dans le cadre de projets privĂ©s et, ce, malgrĂ© les efforts d’Amidar au cours des cinq derniĂšres annĂ©es.

Le nouvel Amidar est un leader dans le domaine du logement social, conformĂ©ment Ă  la politique du ministĂšre de la Construction et du Logement, qui s’efforce de fournir Ă  la population Ă©ligible un logement dĂ©cent et respectable, ainsi qu’un service de qualitĂ©, professionnel et efficace. Il consacre de nombreuses ressources Ă  la gestion, et Ă  l’entretien, de ces appartements, ainsi qu’à la mise en Ɠuvre de projets nationaux, tels : le renforcement des bĂątiments contre les tremblements de terre, la         « reconstruction des quartiers », la rĂ©novation urbaine, etc

Lorsque des locataires de logements sociaux emmĂ©nagent dans des projets de rĂ©novation urbaine sur le marchĂ© libre, d’autres problĂšmes sont Ă  rĂ©soudre, car le marchĂ© public est souvent associĂ© Ă  la pauvretĂ© et Ă  la dĂ©linquance. La plupart des logements sociaux construits au siĂšcle dernier Ă©taient, tout ou partie, de grands plans d’urbanisation rapidement transformĂ©s en quartiers dĂ©shĂ©ritĂ©s et en ‘cour des miracles’.

En IsraĂ«l, ces constructions ont Ă©tĂ© Ă©difiĂ©es, surtout, dans les zones pĂ©riphĂ©riques, et leurs locataires sont aujourd’hui les plus dĂ©favorisĂ©s du pays (parmi les trois degrĂ©s socio-Ă©conomiques les plus faibles). Beaucoup de gens ne veulent pas vivre Ă  proximitĂ© de logements sociaux, craignant la stigmatisation, la violence et la dĂ©linquance.
L’idĂ©e prĂ©conçue selon laquelle la pauvretĂ© Ă©quivaut Ă  la dĂ©linquance est fermement ancrĂ©e parmi la population et trĂšs difficile Ă  rĂ©gir.

Les politiques publiques en gĂ©nĂ©ral, et l’urbanisme en particulier, disposent d’outils pour faire face Ă  ces phĂ©nomĂšnes Ă  travers des mĂ©thodes de mixitĂ© urbaine, favorisant des quartiers hĂ©tĂ©rogĂšnes qui se composeraient d’une pluralitĂ© sociale, d’ñge, de logement et de statut socio-Ă©conomique. Cela ne peut cependant pas se produire uniquement grĂące aux efforts du marchĂ© privĂ©.
L’État doit Ă©galement prendre ses responsabilitĂ©s et investir dans l’acquisition, la construction et la rĂ©novation de logements sociaux dans tout le pays.
L’État doit Ă©galement ĂȘtre actif dans la crĂ©ation de quartiers hĂ©tĂ©rogĂšnes et ne doit pas abandonner l’habitat social et ses locataires aux forces du marchĂ©.
L’intervention publique est nĂ©cessaire pour changer la stigmatisation des logements sociaux et pour permettre aux locataires de ces appartements d’échapper au cycle de la pauvretĂ© et de vivre dans la dignitĂ©.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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