Le survivant de lâHolocauste Aharon Weiss, un habitant dâAfula, ĂągĂ© de prĂšs de 93 ans, est dĂ©cĂ©dĂ© vendredi dernier. Nous avons parlĂ© de lâhistoire de sa vie avec lâĂ©crivain Emanuel Ben Sabo qui a Ă©crit un livre pour enfants inspirĂ© de lâhistoire dâAharon.
« Je connaissais Aharon depuis trois dĂ©cennies en tant que collecteur en chef de la synagogue âBeit Shalomâ Ă Afula, mais lâhistoire de sa vie dans lâHolocauste flottait dans lâair. Il nâa pas non plus racontĂ© son histoire Ă sa femme Leah, dĂ©cĂ©dĂ©e environ il y a un an et demi, ou Ă ses enfants. Aharon a catĂ©goriquement refusĂ© dâen parler.
Mais un jour, le changement a eu lieu et la cause en Ă©tait un autre livre pour enfants Ă©crit par Emanuel Ben Sabo sur un survivant de lâHolocauste et un rĂ©sident du kibboutz Shlouch. Le regrettĂ© Aharon a feuilletĂ© le livre et a demandĂ© Ă Emanuel Ben Sabo sâil Ă©tait intĂ©ressĂ© Ă entendre son histoire. Emanuel Ben Sabo a immĂ©diatement acceptĂ©, bien sĂ»r, mais il nâavait pas de feuilles pour Ă©crire lâhistoire. Aharon a dĂ©crochĂ© le calendrier du mur, lâa retournĂ© et a demandĂ© Ă Emanuel Ben Sabo dâĂ©crire lâhistoire sur les pages vierges derriĂšre.
Pendant quatre heures, les deux se sont assis et Aharon a racontĂ© son histoire difficile, lâhistoire dâun garçon dont le pĂšre lui dit quâĂ partir de maintenant, il nâest plus Aharon mais âAndorâ, ce mĂȘme garçon qui entend les coups de feu des Allemands qui ont tuĂ© son pĂšre. Il sâenfuit avec sa mĂšre dans un chariot de paille chez une personne, et vivra dans le sous-sol oĂč ils sont restĂ©s avec neuf autres familles, de lĂ il est sorti pour leur voler de la nourriture.
Dans la suite de cet article, nous apporterons lâhistoire complĂšte dâAharon telle quâelle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e par Emanuel Ben Sabo.
Depuis lors, Emanuel et Aharon se sont rencontrĂ©s Ă de nombreuses reprises au cours desquelles il a racontĂ© de plus en plus de parties de lâhistoire de sa vie. Ils se sont rencontrĂ©s samedi dernier. Aaron, comme Ă son habitude, a lu tout le livre des Psaumes avec une loupe rapprochant de lui les lettres du livre. « Je me tenais Ă cĂŽtĂ© de son stand. Je lui ai dit que cette annĂ©e nous fĂȘterions son anniversaire et il a Ă©clatĂ© de rire. CâĂ©tait un rire qui ne correspondait pas Ă la situation. Je lui ai demandĂ© pourquoi tu ris et il a dit : « Je nâai pas eu de fĂȘte dâanniversaire en 92 ans. Jâai fĂȘtĂ© ceux de ma femme et mes enfants, mais ils ne mâont pas cĂ©lĂ©brĂ©. Je suis nĂ© le jeĂ»ne de Gedaliah et la Brith Mila Ă©tait Ă Yom Kippour. » Emanuel Ben Sabo a rĂ©pondu que le lendemain du jeune de Gedaliah, Aaron fĂȘterait ses 93 ans, « Il y aura des ballons, on fera un gĂąteau et si tu te comportes bien on viendra te chercher, lui dis-je et il Ă©clata de rire. Jâai vu que mĂȘme le strict Aaron se permettait de rire. Il a ri et a dit : âSeigneur, laisse-moi atteindre cette date.' »
« CâĂ©tait presque la derniĂšre conversation. Jeudi, jâai appris quâil avait Ă©tĂ© hospitalisĂ©. Je lâai appelĂ© et lui ai demandĂ© comment il allait. Il a dit quâil allait bien et quâil avait du mal Ă voir. Je lui ai rappelĂ© que câĂ©tait notre anniversaire. Il a dit que nous nous rencontrerions encore », raconte Ben Sebo et ajoute : « Vendredi, je lâai rencontrĂ© Ă lâenterrement ».
Au fil des ans, Aharon ZL Ă©tait le « grand-pĂšre des bonbons » dans la synagogue et, bien quâil soit de coutume de donner un bonbon Ă chaque enfant, il sâest assurĂ© de donner Ă chaque enfant une poignĂ©e de bonbons. AprĂšs avoir quittĂ© le ghetto et les endroits horribles oĂč ils se trouvaient, il est arrivĂ© chez sa tante et la tante lui a donnĂ© un avant-goĂ»t de quelque chose quâil ne connaissait pas. Il a demandĂ© ce que câĂ©tait et la tante lui a dit de le goĂ»ter. Il a mis dans sa bouche âCâĂ©tait dĂ©licieux et sucrĂ©. Elle a dit que câĂ©tait des bonbons. Je nâai jamais rien mangĂ© de tel. Jâai dit quâil nây aura pas un enfant que je connaĂźtrai qui nâapprĂ©ciera pas la douceur des bonbons' », a dit Ben Sabo citant Aaron.
Vers le dernier Shabbat, le prĂ©sident du conseil religieux dâAfula a contactĂ© Emanuel Ben Sabo et a suggĂ©rĂ© que toutes les synagogues distribuent des paquets de bonbons Ă la mĂ©moire dâAaron, mais en pratique, il nây avait pas assez de temps pour mettre en Ćuvre lâidĂ©e. Les bonbons ont Ă©tĂ© placĂ© sur la chaise dâAaron et les enfants de la synagogue se sont alignĂ©s pour prendre du sac Ă la mĂ©moire de Aharon zal.
Emanuel Ben Sabo souligne que lâhistoire de la vie dâAharon comprenait non seulement un Holocauste mais aussi une rĂ©surrection. « Il Ă©tait inspecteur principal Ă Solel Bona, construit Ă Emek, en GalilĂ©e, et a construit lâhĂŽpital Rambam, il a servi dans lâarmĂ©e et enseignĂ© la dĂ©votion. Son fils aĂźnĂ© Yossi a Ă©tĂ© capturĂ© pendant la guerre de Yom Kippour. Câest lâhistoire de la Terre dâIsraĂ«l renouvelĂ©e, qui implique Ă la fois un Holocauste et un renouveau. Câest une histoire de victoire. Lors de la mila de son 13e arriĂšre-petit-fils qui a eu lieu dans la Grande Synagogue dâAfula, je lui ai dit quâil avait gagnĂ© et il mâa rĂ©pondu : « Je le sais et je mâen souviens tous les matins. » »
Voici le texte de lâhistoire de Aharon tel quâenregistrĂ© par Emanuel Ben Savo :
 » Je suis nĂ© en septembre 1930 en Transylvanie dans la ville de Kalacha, mon pĂšre Mordechai Zeâev et ma mĂšre Rela, mon jeune frĂšre sâappelait Gershon et ma sĆur aĂźnĂ©e sâappelait Zehava. Mon pĂšre Ă©tait un juif pieux qui, pour la famille avait comme gagne-pain la coupe des arbres, donc tous les deux ans, la famille dĂ©mĂ©nageait avec mon pĂšre vers son nouveau lieu de travail prĂšs dâune nouvelle forĂȘt .
Quand mon frĂšre Gershon est nĂ©, nous avons dĂ©mĂ©nagĂ© dans la ville de Valery, une ville oĂč seule ma famille Ă©tait une famille juive. Jâai atteint lâĂąge de trois ans, jâai dit au revoir Ă ma mĂšre en larmes, et mon pĂšre mâa emmenĂ© dans une charrette Ă 31 km jusquâĂ Haydar dans la ville de Yada, oĂč jâallais Ă©tudier pendant trois ans sans voir ma famille dans la maison du rabbin avec un certain nombre dâautres enfants Ă qui le rabbin a enseignĂ© la Torah, nous avons mangĂ© Ă sa table et le rabbin sâest occupĂ© de tous nos besoins mais pendant un moment ma famille nâa pas cessĂ© de me manquer et jâai beaucoup pleurĂ© .
Quand jâai atteint lâĂąge de six ans, mon pĂšre est retournĂ© en ville pour me ramener Ă la maison , pendant trois mois, jâĂ©tais redevenu lâenfant de ma mĂšre, puis mon pĂšre a dĂ©cidĂ© que nous ferions 42 km dans notre chariot pour Ă©tudier dans une yeshiva .
Encore une fois, jâai dit au revoir en larmes, mais un garçon juif nâose pas se rebeller ou critiquer son pĂšre. Je suis arrivĂ© Ă la yeshiva qui nâĂ©tait rien de plus quâune petite cabane oĂč vivaient plusieurs autres enfants. Comme câĂ©tait la coutume Ă lâĂ©poque, nous prenions un repas par jour, le dĂ©jeuner, chaque jour dans une maison diffĂ©rente. Chaque jour Ă la maison, je mangeais des haricots dâune maniĂšre diffĂ©rente .
AprĂšs deux ans et demi et jâai huit ans et demi, je suis rentrĂ© chez moi Ă Kfar Yara. A quatre heures les Allemands sont arrivĂ©s Ă Yara, ils nous ont tirĂ©s du lit, effrayĂ©s, ne sachant pas oĂč ils nous emmenaient. Les Allemands nous ont sortis sauvagement et ont jetĂ© les enfants sur la charrette. Soudain, jâai vu plus de chariots pleins dâenfants et plus de chariots et Ă cĂŽtĂ© dâeux les adultes marchaient, tous choquĂ©s et surpris. JâĂ©tais considĂ©rĂ© comme un adulte et je devais marcher .
Le froid Ă©tait terrible, la neige recouvrait tout, nous avec les vĂȘtements dans lesquels nous Ă©tions tirĂ©s de nos lits glacials et silencieux. Nous avons marchĂ© Ă pied dans la neige Ă 42 km de Yara jusquâĂ la ville de Torda, oĂč se trouvait un champ ouvert. En chemin, les chaussures que je portais et elles avaient des clous ont Ă©tĂ© Ă©crasĂ©es par la neige, mes pieds ont gelĂ© et il ne me restait plus que mes chaussettes. Ils entrĂšrent dans lâimmense usine de marbre de Torda, Ă cĂŽtĂ© se tenait une petite synagogue, une femme ĂągĂ©e avec une trĂšs longue robe avec des jambes bleues sâoccupa avec un bol dâeau chaude, mit une substance rouge et mit mes jambes dans lâeau. Les jambes ont dĂ©gelĂ©. Nous avons commencĂ© Ă nous habituer Ă une nouvelle vie dans le camp . Mon pĂšre mâa calmĂ© et mâa invitĂ© Ă aller avec lui Ă la petite synagogue .
Au lieu de cela, les parents se sont organisés pour que les enfants étudient avec le rabbin dans la synagogue, et trente enfants sont venus étudier avec le rabbin la Parachat Shabbat, Taskee et Gemara .
Un jour, le rabbin mâa demandĂ© dâaller chez lui et de demander, un traitĂ© de Gemara de Baba Metzia. Jâallai joyeusement chez le rabbin, Ă une distance relativement courte .
Le rabbin grimpa sur une Ă©chelle et dĂ©crocha de la bibliothĂšque le traitĂ© de Baba Metzia, je pris la grande Gemara sous mon aisselle et me prĂ©cipitai vers la petite synagogue oĂč le rabbin enseignait. Jâarrivai haletant, puis le silence,, aucun enfant nâa Ă©tĂ© retrouvĂ©, du coup jâai vu une traĂźnĂ©e de sang, je me suis approchĂ© de la chaise du rabbin, jâai vu quâil Ă©tait complĂštement couvert de sang, sa tĂȘte Ă©tait baissĂ©e et il Ă©tait mort, avec la grosse gemara dans ma main, jâai couru Ă la maison, jâai dit Ă mon pĂšre ce que jâavais vu, mon pĂšre mâa serrĂ© dans ses bras en essayant de me calmer. Plus tard dans la journĂ©e, nous avons rĂ©alisĂ© que les Allemands avaient pris les trente enfants avec qui jâĂ©tudiais .
Une semaine seulement sâest Ă©coulĂ©e, je me sentais agitĂ© Ă la maison. Un jour papa mâappelle et me dit quâil doit couper mes peot, jâai beaucoup pleurĂ©, papa a coupĂ© mes peot, enlevĂ© mon pompon, pris ma casquette, mis un chapeau sur ma tĂȘte et changĂ© mes vĂȘtements . « A partir de maintenant, tu es Hongrois » mâa tâil dit.
Le lendemain matin, papa mâa emmenĂ©e main dans la main dans un endroit tranquille oĂč nous pouvions prier, papa mâa dit : « Aaron, si par hasard quelque chose nous arrive ou quâun soldat allemand vient vers nous, tu dois courir, courir et ne pas te retourner . » Papa vient de finir de me guider et il y avait trois soldats allemands devant nous, papa mâa dit « Cours, cours maintenant », jâai commencĂ© Ă courir et comme papa a dit sans se retourner, aprĂšs cent vingt mĂštres de course, jâai entendu des coups de feu, jâai arrĂȘtĂ©, câĂ©tait le silence, le silence. Jâai regardĂ© en arriĂšre et je nâai rien vu.
Je suis retournĂ© Ă lâendroit oĂč jâai dit au revoir Ă mon pĂšre, il y avait une flaque de sang sur le sol, depuis je nâai jamais revu mon pĂšre, je ne savais pas ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă son corps. Ă ce jour, jâentends les coups de feu, vois papa et regarde avec des larmes aux yeux ce qui reste de papa, une mare de sang .
Jâai couru vers le camp, jâai dit Ă maman ce qui sâĂ©tait passĂ©, maman a pleurĂ©, nous avons tous pleurĂ©. Mon pĂšre est mort. Je ne savais pas quâune femme hongroise avait Ă©tĂ© tĂ©moin du meurtre de mon pĂšre par les soldats allemands . Cette femme se nommait Jamus, avec une charrette tirĂ©e par une vache noire.
AprĂšs plusieurs nuits depuis que mon pĂšre a Ă©tĂ© assassinĂ©, la femme hongroise, dont je ne connais toujours pas le nom, est venu chez nous, a parlĂ© Ă ma mĂšre Ă cĂŽtĂ© et a quittĂ© la maison peu de temps aprĂšs. Maman nâa pas voulu me dire ce que la femme hongroise lui avait dit. TrĂšs tard dans la nuit, la femme hongroise est revenue avec une charrette pleine de meules de foin. Maman nous a fait sortir un par un avec la femme hongroise qui nous a mis au centre de la charrette et nous a recouverts de foin.
Gershon, Zahva, moi et ma mĂšre sommes sortis en dernier. Nous sommes restĂ©s longtemps silencieux, soudain un poste de contrĂŽle de soldats allemands devant nous. Les Allemands ont commencĂ© Ă poser des questions Ă la femme hongroise, ils ont mis des fourches dans la paille, nous sommes restĂ©s silencieux dans une grande peur jusquâĂ ce que la charrette continuent sa marche rapide. Puis la femme hongroise est descendue du chariot et a commencĂ© Ă nous dĂ©placer un par un dans le sous-sol de sa maison. La cave qui servait Ă entreposer les tonneaux de biĂšre et de vin Ă©tait vide. AprĂšs la mort de son mari, la Hongroise lâĂ©vacua et le nettoya. Chaque jour, nous rencontrions de nouvelles familles juives, elle conduisait dix familles dans lâimmense sous-sol. Jâai remarquĂ© que chaque famille nâavait quâun seul petit enfant, il y avait des rabbins lĂ -bas et trĂšs pieux. En mĂȘme temps les trains nâarrĂȘtaient pas de fonctionner, les juifs Ă©taient envoyĂ©s Ă la mort et nous ici au sous-sol essayons de survivre grĂące Ă une femme dont je ne connaissais pas le nom.
Il est maintenant temps de sâoccuper de la nourriture des dix familles. Moi, Aaron, dix ans, jâai pris sur moi la tĂąche de mâoccuper de la nourriture de base, et ma mĂšre et les autres femmes du sous-sol ont prĂ©parĂ© le « dĂ©lice ».
Tous les soirs je sortais du sous-sol Ă une heure aprĂšs minuit, je ressemblais Ă un garçon hongrois, jâentrais dans les maisons des juifs qui en Ă©taient expulsĂ©s, les maisons Ă©taient saccagĂ©es mais je savais toujours oĂč les juifs cachaient de la nourriture, le premier jour, jâai apportĂ© de la farine de maĂŻs, au sous-sol, ils en ont fait du mameliga. Je nâavais que dix ans et tous les soirs je sortais chercher de la nourriture, je voyais des parkings qui Ă©taient pillĂ©s et cambriolĂ©s, jây cherchais de la nourriture, seule la nourriture nous intĂ©ressait. Jâai fouillĂ© dans les poubelles, jâai trouvĂ© des Ă©pluchures de pommes de terre avec une odeur Ă©pouvantable, jâai trouvĂ© du pain sec, je lâai apportĂ© Ă ma mĂšre.
MĂšre a pris de lâalcool dâoignon avec du sucre et a allumĂ© un feu sur lequel elle a brĂ»lĂ© le pain sec, câĂ©tait le dĂźner. Les jours suivants, comme je ressemblais Ă un garçon hongrois, jâallais au magasin et demandais Ă acheter un produit et tandis que le vendeur allait lâapporter, je remplissais mes poches et ma chemise de beurre, de pommes de terre et je me suis enfui. Je nâai pas toujours eu de chance, jâai Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement et brutalement battu quand les soldats allemands mâont vu, heureusement ils ne savaient pas que lâenfant hongrois qui volait la nourriture nâĂ©tait quâun enfant juif. Je nâoublierai jamais le jour oĂč jâai emmenĂ© mon frĂšre Gershon avec moi pour chercher de la nourriture. Nous sommes partis Ă deux heures du matin dans le noir, un froid glacial et avec une grande peur dans nos cĆurs.
Nous sommes entrĂ©s dans un magasin qui avait Ă©tĂ© cambriolĂ©, puis un soldat allemand nous a attrapĂ©s. Nous tremblions de peur, le soldat allemand savait que nous Ă©tions finis. Jâai pleurĂ© dans mon cĆur pour nous mais plus pour maman, comment va-t-elle vivre sans pĂšre et sans les deux fils. Je me suis demandĂ© comment nous allions rĂ©ussir Ă nous Ă©chapper et je savais que si nous nâagissions pas vite, les Allemands nous tireraient dans le dos et nous mourrions comme notre pĂšre. Comme toujours dans les situations de danger, jâai priĂ© dans mon cĆur « Seigneur du monde, sauve-nous ». Pendant que nous marchions avec les Allemands, nous entendĂźmes la voix dâune gitane qui, Ă la vue du soldat allemand, souleva sa robe. LâAllemand nous a ordonnĂ© dâattendre et est allĂ© vers elle, ils sont entrĂ©s dans le bĂątiment et mon frĂšre et moi avons commencĂ© Ă courir vers la maison jusquâau sous-sol. Nous avons Ă©tĂ© sauvĂ©s Ă nouveau.
Une femme a dit Ă sa mĂšre dans le sous-sol que lâusine de spiritueux avait Ă©tĂ© cambriolĂ©e. Jâai attendu que la nuit tombe, jâai pris deux seaux et je suis allĂ© vers la fabrique dâalcools pour apporter le trĂ©sor Ă ma mĂšre. Jâai rĂ©ussi Ă remplir les deux seaux et soudain je sens une grosse main sur mon Ă©paule. Je me suis figĂ© sur place, je me suis retournĂ© et jâai vu un officier allemand au-dessus de moi. Lâofficier allemand prit les seaux et les vida. Il a tenu ma petite main et mon cĆur a palpitĂ© de peur. Je montai les escaliers avec lui et devant nous se trouvaient des dizaines de petites bouteilles dâalcool. Lâofficier allemand a rempli mes seaux de petites bouteilles dâalcool et a de nouveau tenu le seau dâune main et la petite main de lâautre. Jâai commencĂ© Ă prier âSeigneur du monde sauve-moiâ, pendant quelques instants je nâai mĂȘme pas remarquĂ© que lâofficier allemand Ă©tait avec moi jâai senti que seul Dieu Ă©tait avec moi. Je savais que lâAllemand nâĂ©tait pas satisfait du massacre dâun Juif et quâil allait avec moi dĂ©couvrir la cachette des membres de la famille et que ce serait la prochaine tragedie. Jâai dit dans mon cĆur : « Ăcoute IsraĂ«l, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ».
Et Hans est arrivĂ©, un autre officier allemand conduisant une moto, puis sâarrĂȘte Ă cĂŽtĂ© de nous au milieu du pont. Il lâappelle âHans viensâ, Hans a mis le seau de sa main, a libĂ©rĂ© ma main et sâest dirigĂ© vers la moto, Ă ce moment jâai ramassĂ© le seau et jâai commencĂ© Ă courir jusquâĂ ce que je sois sous le pont, mes mains Ă©taient plein de sang des fers par le seau qui mâa blessĂ©. Lâofficier allemand me cherchait mais jâĂ©tais dĂ©jĂ au fond de la forĂȘt sombre. Au sous-sol tout le monde dort, les deux seaux pleins de bouteilles dâalcool sont Ă cĂŽtĂ© de ma mĂšre, maintenant il nous faut le pain. Maman mâa donnĂ© quelques sous et mâa dit dâaller Ă la boulangerie pour acheter du pain. AprĂšs tout, je suis un garçon hongrois. Jâai pris deux paniers et quelques sous, jâarrivais Ă la boulangerie, la file Ă©tait longue, je faisais la queue, lâodeur du pain dâHarry me rendait ivre.
Soudain, le bombardement de lâarmĂ©e russe a commencĂ©, les gens se sont dispersĂ©s partout, y compris le boulanger, je suis restĂ© seul, jâai couru Ă la boulangerie, jâai chargĂ© autant de challahs dans les paniers, je me suis rapidement approchĂ© du tiroir oĂč se trouvait lâargent, jâai pris lâargent et a commencĂ© Ă retourner vers le sous-sol, la route Ă©tait vide, les gens se cachaient des bombardements .
Quand ils ont vu les paniers au sous-sol, ils ont Ă©tĂ© trĂšs heureux. Jâai aussi montrĂ© lâargent Ă ma mĂšre, ma mĂšre mâa regardĂ© avec un visage sĂ©vĂšre et mâa demandĂ© si jâavais volĂ© lâargent. Jâai dit Ă ma mĂšre que je nâavais pas volĂ©, jâavais juste pris pour que nous puissions vivre .
Voyant que ma chance Ă©tait au rendez-vous, je suis allĂ© au marchĂ© qui sâest Ă nouveau rempli, jâai achetĂ© un sac de farine de maĂŻs, des pommes de terre et je suis rentrĂ© content au sous-sol .
Un jour en fouillant dans les poubelles jâai dĂ©couvert une cache, un trĂ©sor, je suis venu chercher des Ă©pluchures de pommes de terre et jâai trouvĂ© un gros morceau de saucisson. Je tremblais de tout mon corps, ce seront des vacances pour la mĂšre et les familles au sous-sol, de la chair, un rĂȘve. Jâavais faim, jâavais une forte envie de manger de la viande, de manger le saucisson et puis au dernier moment jâai laissĂ© le saucisson Ă la poubelle et je me suis dit : âje ne mangerai pas et je ne nourrirai pas les juifs de charogne â.
Pendant trois ans, les dix familles du sous-sol ont mangĂ© de ce que jâapportais Ă maman tous les soirs. Quand jâai eu treize ans, jâai cĂ©lĂ©brĂ© une Bar Mitzvah au sous-sol. Un des rabbins qui faisaient partie des dix familles mâa appris Ă lire le Haftar, un autre mâa donnĂ© ses tĂ©filines et au sous-sol avec un repas de mamliga, du pain sec et des pelures de pommes de terre bouillies jâai cĂ©lĂ©brĂ© ma Bar Mitzvah. Deux jours plus tard, les Russes ont pris la ville de Torda, nous avons quittĂ© le sous-sol, nous avons commencĂ© Ă reconstruire nos vies Ă partir des ruines, sans pĂšre qui a Ă©tĂ© assassinĂ© par les Allemands.
Un jour, le message est venu Ă ma mĂšre que mon frĂšre Ă©tait vivant et quâil avait survĂ©cu au camp de la mort dâAuschwitz pendant que sa femme et ses deux enfants Ă©taient assassinĂ©s. Mon oncle Ă©tait boucher, dĂšs quâil a appris que ma mĂšre, ma sĆur et ses enfants Ă©taient vivants, il est immĂ©diatement allĂ© nous voir dans la ville de Torda. Lâoncle est venu nous chercher et nous sommes allĂ©s avec lui dans la ville de Dez. Nous vivions chez mon oncle, jâai travaillĂ© deux ans dans des travaux de tailleur pour un goy Hongrois, jâai appris le mĂ©tier de tailleur au sous-sol auprĂšs dâun des juifs qui sâĂ©tait cachĂ© avec nous
Ă lâĂąge de seize ans, jâai dit Ă ma mĂšre que je voulais immigrer en IsraĂ«l. Maman a acceptĂ© le cĆur lourd que je devais aller Ă lâentraĂźnement, il y avait trente-deux filles et garçons Ă lâentraĂźnement. Pendant la pĂ©riode de formation, nous avons travaillĂ© dans toutes sortes de travaux, jâavais lâair beaucoup plus petit que mon Ăąge, alors ils mâont laissĂ© dĂ©faire les tissus. Un jour, ils ont dĂ©couvert que jâĂ©tais un tailleur professionnel et les nombreux emplois sont venus. Jâai gagnĂ© beaucoup dâargent dans lequel jâai financĂ© des repas, des films et des voyages pour les enfants de mes amis en formation .
En 1947, jâai immigrĂ© en IsraĂ«l et jâai Ă©tĂ© envoyĂ© Ă Chypre. Jâai immigrĂ© en IsraĂ«l avec mon frĂšre Gershon, ma mĂšre et Zhava ma sĆur est arrivĂ©e plus tard. Nous sommes arrivĂ©s Ă Kfar Giladi .
Ici en IsraĂ«l, nous avons Ă©levĂ© des familles, nous avons eu des enfants, nous avons eu la chance dâavoir des petits-enfants et des arriĂšre-petits-enfants, chaque jour je vois mon pĂšre, jâentends les coups de feu, je pleure quand mon pĂšre coupe mes peot et je remercie Dieu pour la grande bontĂ© quâil a fait pour moi et ma famille, Dieu mâa sauvĂ© . »
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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