« Tout le monde connaĂźt la chanson âThe Wheat Grows Againâ et la chanson âVantana Hafetâ du kibboutz Beit Hashitah, qui a perdu 11 de ses fils pendant la guerre du Yom Kippour. Une chanson Ă©tonnante et une histoire Ă©mouvante, mais mĂȘme Ă Beer Sheva, il y a eu de nombreux martyrs dans cette guerre. Et de toutes les histoires oubliĂ©es, lâune des plus douloureuses est surtout lâhistoire dâune petite communautĂ© familiale spĂ©ciale de nouveaux immigrants, des travailleurs acharnĂ©s qui ont construit leur communautĂ© avec leurs dix doigts. Ils nâĂ©taient pas un kibboutz, pas une communautĂ© de renouvellement ou un noyau de peuplement. Mais une communautĂ© qui sâest organisĂ©e autour dâune petite synagogue dans la vieille ville. Maintenant, pensez Ă quel coup cela a Ă©tĂ© pour eux de perdre trois de ses fils dans une guerre, et encore pire, lâhistoire de ces morts et lâhistoire de cette communautĂ©, nâont jamais Ă©tĂ© racontĂ©es. » Alors nous le faisons apres tant dâannĂ©es âŠ.
La ferveur avec laquelle Omar Schwarzfox parle montre clairement que les annĂ©es nâont pas attĂ©nuĂ© la douleur de lâoubli. Il est Ă©tudiant en mĂ©decine et fait partie dâune vague de jeunes sudistes qui recherchent et dĂ©couvrent lâhistoire oubliĂ©e du lieu et cherchent Ă raconter son histoire. Ces derniĂšres annĂ©es, Schwarzfox a menĂ© des visites historiques dans la vieille ville de Beer Sheva, rappelant des lieux oubliĂ©s et dĂ©couvrant les terres du passĂ© pour la gĂ©nĂ©ration qui ne le savait pas. Lâun des points de dĂ©part de ses visites est la synagogue des immigrĂ©s turcs, rue Smilanski.
Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, le nom de la rue sâest largement rĂ©pandu, grĂące au festival qui sây dĂ©roule chaque annĂ©e en Ă©tĂ© â le Smilan Festival of Local Culture. Mais parmi les cafĂ©s et restaurants, et les boĂźtes de nuit qui remplissent la rue, il y a une petite ruelle avec une grande histoire. Une allĂ©e menant du prĂ©sent au passĂ© de la rue, Ă lâune des synagogues les plus anciennes et les plus uniques de Beer Sheva.
David Cohen, retraitĂ© de lâarmĂ©e de lâair et actuel chef du comitĂ© de la synagogue, dĂ©clare : « La synagogue a Ă©tĂ© construite en 1949. Avant mĂȘme quâil y ait une municipalitĂ© ici, il y avait dĂ©jĂ une synagogue ici ! Elle a Ă©tĂ© Ă©tablie par plusieurs familles turques et est rapidement devenue la maison Ă toutes les communautĂ©s de langue ladino â Ăgyptiens, Turcs, Espagnols et Italiens â et aussi aux Tunisiens et Marocains qui cherchaient un lieu familial pour prier. Cela a commencĂ© dans une petite piĂšce dans lâespace dâune ancienne maison ottomane, dans le maison dâune des familles, et lentement, avec lâaide des membres de la communautĂ©, elle sâest agrandie. Comme la synagogue nâĂ©tait pas prĂ©vue Ă lâavance comme un espace de priĂšre, ce nâest pas comme les synagogues ordinaires, lâentrĂ©e de celle-ci se fait par la ruelle , et la zone des femmes est Ă lâarriĂšre de lâArche dâAlliance.
« Toute la construction a Ă©tĂ© faite avec amour, chaque fois quâun des membres de la communautĂ© a pu consacrer un peu de son temps ou de son argent Ă perfectionner le bĂątiment. Ces derniĂšres annĂ©es, des hĂŽtels-boutiques ont Ă©tĂ© construits dans la vieille ville. et jâai accueilli des gens pour les shabbats des mariĂ©s, et ils avaient probablement besoin dâune synagogue pour la conversion Ă la Torah. Il sâest donc avĂ©rĂ© que tous les lundis et jeudis, jâai une bar mitzvah, et chaque Shabbat est Shabbat Chatan, et les gens viennent du monde entier Ă cette synagogue spĂ©ciale.
« Dans le passĂ©, la synagogue Ă©tait adjacente au club de divertissement Shaba, aujourdâhui sur le cĂŽtĂ© droit il y a un restaurant qui vend des crevettes, en face de la synagogue se trouve la maison LGBT de la ville, et Ă cĂŽtĂ© se trouve la maison de lâorganisation de bĂ©nĂ©voles bĂ©douins â Ajik, mais il nây a jamais de problĂšmes. Si vous voulez vous considĂ©rer, vous pouvez vivre ensemble. Câest une synagogue de connexions, pas de sĂ©parations. Il nây a pas de noms sur les chaises, chacun sâassoit oĂč il veut, câest la tradition de la simplicitĂ© de la synagogue dâautrefois, peu importe qui vous ĂȘtes et ce que vous ĂȘtes, si vous en avez besoin, venez simplement prier. »
Alors est-ce une synagogue « boutique » ?
« Oui, » rit David, « nous accueillons tous ceux qui veulent venir faire une bar mitzvah et se marier dans les restaurants-boutiques environnants. »
« La congrĂ©gation de la synagogue pour les immigrĂ©s turcs ne comptait pas des centaines de fidĂšles, mais quelques dizaines. La plupart dâentre eux sont de nouveaux immigrĂ©s qui sont venus Ă Beer Sheva dans les annĂ©es 1950 et vivaient Ă la pĂ©riphĂ©rie de la vieille ville â Ă Shikhon Darom », dit Schwarzfox, « aujourdâhui câest une zone de renouvellement urbain et trĂšs demandĂ©e, mais il y avait alors un lotissement Ă la pĂ©riphĂ©rie de la ville, une zone mixte en termes dâorigine ethnique, la plupart dâentre eux immigrĂ©s dâIslam pays, « orientaux », travailleurs acharnĂ©s, traditionnels, familles nombreuses, et la synagogue Ă©tait lâespace commun autour duquel la communautĂ© sâorganisait.
Itzik Mboruch ZL
 » Itzik, prĂšs de 50 ans se sont Ă©coulĂ©s, nos chemins se sont croisĂ©s pour une trĂšs courte pĂ©riode de temps dans le 75e bataillon. Vous Ă©tiez le sergent de la patrouille, jâĂ©tais un soldat dans lâunitĂ©, et je nâoublierai jamais votre souci pour les soldats, vos rires, vos cheveux bouclĂ©s, votre gaietĂ© et la douceur de vos maniĂšres », Ă©crit Aryeh Vitality sur le site « Yizkor ». PrĂšs de 50 ans aprĂšs sa chute Ă lâĂąge de 20 ans, le bienheureux Yitzhak « Itzik » a laissĂ© une marque Ă la mĂ©moire de ceux qui lâont connu.
Yitzhak est nĂ© Ă Beer Sheva en 1952, fils de Shoshana et Benjamin. Rachel Peleg, sa sĆur, raconte : « Mon pĂšre, nĂ© Ă JĂ©rusalem des Territoires palestiniens, est venu aprĂšs la guerre de libĂ©ration Ă Beer Sheva pour aider sa sĆur, et câest lĂ quâil a rencontrĂ© Shoshana, une nouvelle immigrĂ©e de Turquie , et lâamour entre eux sâest Ă©panoui dans notre pays. Les deux obtiennent un appartement dans le premier logement de Beâer Sheva, et câest lĂ que Yitzchak est nĂ©, que tout le monde appelait Itzik.
« Itzik Ă©tait trĂšs rĂ©aliste, sĂ©rieux et concentrĂ©, il consacrait son temps aux Ă©tudes. Le fait mĂȘme dâĂ©tudier lâintĂ©ressait toujours. Tous les enfants du quartier savaient quâItzik Ă©tait prĂȘt Ă aider quiconque avait besoin dâaide. Chaque Shabbat, mon frĂšre accompagnait son pĂšre quand ils allaient ensemble Ă la synagogue. Ils Ă©taient particuliĂšrement proches. Mon pĂšre, il lâadorait, et ils Ă©taient de trĂšs, trĂšs bons amis.
Lorsque vient le temps de sâenrĂŽler, le dĂ©vouement de Mebaruch Ă atteindre ses objectifs est rĂ©vĂ©lĂ©.
Peleg : « CâĂ©tait un type mince et grand, avec des lunettes. Il ne pouvait pas aller Ă un cours de pilotage ou Ă certaines patrouilles, et il a vĂ©rifiĂ© ce quâil pouvait faire pour se rendre Ă la patrouille parce que câest ce quâil a toujours voulu. Il a trouvĂ© que sâil sâenrĂŽlait dans les tanks, il pourrait se rendre Ă la patrouille de la 7e brigade, et donc il sâest prĂ©parĂ© pour le repĂȘchage, je me souviens de lui en douziĂšme courant et sâentraĂźnant tous les jours pour arriver prĂȘt. Il Ă©tait trĂšs calculĂ© et dĂ©terminĂ© et avec un objectif clair. Il avait une telle force de volontĂ© quâil a surmontĂ© tous les obstacles. »
Pendant la guerre du Yom Kippour, Mbaruch et les hommes de Palsar de la 7e brigade Ă©taient stationnĂ©s dans les batailles dâendiguement contre les Syriens dans les hauteurs du Golan. Le certificat de bravoure quâil a reçu aprĂšs sa mort rĂ©sume lâhistoire de son hĂ©roĂŻsme dans la guerre : « Sur Le 6 octobre 1973, le capitaine Yitzhak Mbaruch a reçu lâordre de se tenir avec un APC du sud Ă Tel-Fars dans le plateau syrien. A 18h00, il reçut lâordre de rejoindre le reste de lâunitĂ©. Sur le chemin du retour, pendant les heures dâobscuritĂ©, Meburek a dĂ©couvert quâun char syrien le flanquait avec le canon. Sans sâemporter, il percuta le char, secourut lâAPC et rĂ©ussit mĂȘme Ă avertir les autres APC qui se dĂ©plaçaient le long de lâaxe.
« Le 9 octobre, Ă Bokata, la compagnie a Ă©tĂ© prise en embuscade par un commando syrien. Mebaruch a rapidement organisĂ© une force de sauvetage et est entrĂ© pour aider aux combats et Ă©vacuer les blessĂ©s. AprĂšs que son peloton ait Ă©tĂ© touchĂ© Ă plusieurs reprises, il a continuĂ© Ă se battre Ă pied, organisant et soignant ses soldats blessĂ©s et recueillant les morts. Lors dâune autre attaque anti-aĂ©rienne par les Syriens, il a Ă©tĂ© touchĂ© et tuĂ©. Dans ces actions, il a fait preuve de courage, de sang-froid, de capacitĂ© de leadership et dâingĂ©niositĂ©. »
Mais le texte dĂ©crivant lâhĂ©roĂŻsme de Itsâhak ne raconte pas sa triste histoire.
Peleg: « Câest une histoire terrible. Nous nâavons pas eu de nouvelles dâItzik depuis le premier jour de la guerre, et mes parents ont cherchĂ© et cherchĂ© encore et nâont rien entendu de lui, mon pĂšre Ă©tait sĂ»r quâil Ă©tait parmi les prisonniers. Ce nâest quâaprĂšs quelques semaines que mon cousin, qui Ă©tait dans lâarmĂ©e, est arrivĂ© Ă son unitĂ© dans le nord et lĂ . Ils lui ont dit :  » Quoi, tu ne sais pas ? Itzik a Ă©tĂ© tuĂ© dans les premiers jours de la guerre.  » Lorsque il a demandĂ© oĂč se trouvait la tombe, ils ont dit quâil Ă©tait enterrĂ© Ă Nahariya, et en effet il sây est rendu et a vu la tombe. Lorsquâil a demandĂ© aux membres de lâunitĂ© pourquoi ils nâavaient pas informĂ© les parents et pourquoi ils avaient Ă©tĂ© enterrĂ©s Ă Nahariya, ils lui ont rĂ©pondu, « Oui, oui, oui », mais il nâa pas Ă©tĂ© autorisĂ© Ă dire quoi que ce soit Ă ses parents. Et donc, seulement aprĂšs un mois de secousses mondiales, les parents ont Ă©tĂ© informĂ©s quâItzik avait disparu, et aprĂšs encore deux semaines ils nous ont dit quâil Ă©tait tombĂ© au combat. »
Un mois et demi aprĂšs sa mort, avez-vous appris quâil Ă©tait tombĂ© ?
Peleg soupira. « CâĂ©tait la ruĂ©e de la guerre du Yom Kippour, personne ne savait rien. Ce nâest quâaprĂšs 11 mois quâils ont organisĂ© des funĂ©railles militaires pour lui et lâont transfĂ©rĂ© Ă la section militaire de Beâer Sheva. »
Schwartzfox : « Il y a quelques annĂ©es, un garçon qui a visitĂ© le mĂ©morial de la 7e brigade Ă Massaada a trouvĂ© un morceau dâune plque dâidentification dans lâun des APC (chars) qui y ont Ă©tĂ© amenĂ©s aprĂšs la guerre. Lors de la rĂ©union des combattants que nous avons tenue dans la synagogue en sa mĂ©moire, ses amis ont dit que câĂ©tait une question chargĂ©e pour la famille. Dâune part, on leur a dit quâils lâavaient identifiĂ©, et dâautre part, ils nâavaient aucune plaque pour prouver que leur enfant avait vraiment Ă©tĂ© tuĂ©. »
Pelag: « Rappelez-vous que mes parents ont donnĂ© naissance Ă Itzik quand ils avaient 21 ans, et Ă 42 ans, ils ont eu leur fils. Ils Ă©taient jeunes, et mon pĂšre Ă©tait un personnage public trĂšs actif, trĂšs beau, avec une grande criniĂšre de cheveux, qui faisait trĂšs attention Ă son apparence. AprĂšs la mort de mon frĂšre, aussitĂŽt en un mois, tous ses cheveux sont devenus blancs, la vieillesse lui est tombĂ©e dessus Ă cause de la perte. Il lui a Ă©tĂ© trĂšs difficile de se remettre, il a pris une retraite anticipĂ©e dâune entreprise de construction. »
Pelag raconte Ă propos de la synagogue du quartier : « Mon pĂšre lâaimait beaucoup, il ne portait pas de kippa, mais il Ă©tait chantre Ă la synagogue. « Tout le monde nâa pas besoin de voir que je suis religieux », disait-il, mais nous observions le Shabbat de maniĂšre absolue et pieuse, la synagogue faisait partie de lui, il Ă©tait le patriarche du lieu et organisait la communautĂ© autour de la synagogue.
« AprĂšs que mes parents ont rĂ©alisĂ© quâItzik avait Ă©tĂ© tuĂ©, ils ont dĂ©cidĂ© de le commĂ©morer et la synagogue avait besoin dâĂȘtre rĂ©novĂ©e. Mon pĂšre a fait don de lâargent et a rĂ©novĂ© la synagogue, et la communautĂ© avec lui a dĂ©cidĂ© de lui donner le nom de mon frĂšre. Mon pĂšre a demandĂ© que il doit ĂȘtre nommĂ© dâaprĂšs Nahon et Hajj ainsi mon pĂšre nâĂ©tait pas content de cela et a continuĂ© Ă se consacrer Ă la construction dâune maison en briques Ă Beâer Sheva, et de 1977 jusquâĂ sa mort en 2001, il Ă©tait le prĂ©sident.
Le regretté David Hajjaj
« Enfant, il était mon meilleur ami au monde, il était mon dos, un bouclier humain contre les autres enfants », raconte Yossi Hajaj, le frÚre cadet de David, le deuxiÚme à tomber de la synagogue du quartier.
« Jâavais 13 ans quand David a Ă©tĂ© tuĂ©, et pour moi câĂ©tait comme un film dâhorreur. Quand jâai Ă©tĂ© informĂ©, je suis devenu fou et jâai criĂ© âPourquoi mĂ©ritons-nous cela ?â Et aprĂšs ça, pendant des annĂ©es, câĂ©tait des pleurs quotidiens. Chaque soir, jâallais me coucher et pleurais pendant des nuits entiĂšres. Il mâa fallu au moins 12 ans pour traiter le traumatisme que jâai vĂ©cu en le perdant.
David Hajaj est nĂ© de Fortuna et Zebulon, de nouveaux immigrants de Tunis, qui vivaient Ă Shikon Darom Ă Beer Sheva. Ses amis du lycĂ©e Makif C se souviennent dâun garçon calme et introverti, un  » rat de bibliothĂšque « , qui sâĂ©panouissait et chantait quand il jouait de la guitare et Ă©tait un basketteur douĂ©.
En 1971, David sâest enrĂŽlĂ© dans lâarmĂ©e israĂ©lienne et a Ă©tĂ© affectĂ© au Corps blindĂ© en tant que tireur de char. Le deuxiĂšme jour de la guerre du Yom Kippour, il Ă©tait dans un char qui a Ă©tĂ© envoyĂ© en mission de dĂ©tection dans la zone de la « Ferme du Sinai ». Le char a Ă©tĂ© touchĂ© par un missile, mais les membres dâĂ©quipage, Ă lâexception du conducteur, ont rĂ©ussi Ă sâĂ©chapper.
« Ils ont vu quâils ne pouvaient pas terminer la mission et se sont retirĂ©s », raconte Yossi. « Soudain, David a entendu la voix du chauffeur, son ami, et est revenu le sauver. Le SMP lui a dit quâil nâavait aucune chance de le sauver, mais David est allĂ© quand mĂȘme et Ă travers les jumelles du commandant, il a vu quâil Ă©tait probablement tombĂ© dâune embuscade tendue par un commando Ă©gyptien. » Suite Ă la tentative de sauvetage du conducteur de char, David a reçu la mĂ©daille dâhonneur du chef dâĂ©tat-major pour « courage et fraternitĂ© des combattants ». « Mais lâhistoire ne sâest pas arrĂȘtĂ©e lĂ .
Yossi : « Pendant plusieurs mois, mon frĂšre a disparu dans la clĂŽture. Je me souviens que lâofficier de la ville est venu et a dit quâils ne pouvaient pas le trouver et nous avons attendu des nouvelles. Nous avons mĂȘme entendu dire quâil Ă©tait prisonnier en Ăgypte, quâil Ă©tait envoyant des salutations Ă ses sĆurs. Ă notre grande consternation, lorsque les captifs ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s, il nâĂ©tait pas parmi eux, et ce nâest quâalors quâils ont dĂ©terminĂ© quâil Ă©tait dans un lieu de sĂ©pulture inconnu.
« Ma mĂšre a en fait refusĂ© de croire quâil avait Ă©tĂ© tuĂ©. De 73 jusquâau jour de sa mort en 92, elle a dit quâil reviendrait. Pendant de nombreuses annĂ©es, il a Ă©tĂ© interdit de parler de lui comme Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ© ou de le mentionner comme mort. Nous nâĂ©tions pas en colĂšre contre ma mĂšre qui ne voulait pas croire, des hauts gradĂ©s de lâarmĂ©e et du gouvernement nous ont dit : âlaissez-la tranquille, sâil revient, il reviendra â et sinon, nonâ.
« Ce qui lâa tuĂ©e, câest le dĂ©sir et lâattente quâil revienne, sans que cela se produise rĂ©ellement. La vĂ©ritĂ© est que cela mâest restĂ© aussi. Ă ce jour, il y a un endroit en moi qui pense que peut-ĂȘtre mon frĂšre viendra et nous surprendra. Au fond de moi, je sais que cela nâa pas de sens, mais jây crois. Seulement aprĂšs le dĂ©cĂšs de ma mĂšre, nous nous sommes rĂ©unis en famille et nous avons dĂ©cidĂ© de faire un mĂ©morial pour lui. Ce nâest quâalors que nous avons commencĂ© Ă aller Ă sa tombe dans le cimetiĂšre de Kiryat Shaul. »
Pourquoi ne lâont-ils pas enterrĂ© Ă Beer Sheva ?
« Câest une autre histoire, puisquâil nây avait pas vraiment de corps. Trois mois aprĂšs la fin de la guerre, il y avait un accord entre lâEgypte et IsraĂ«l sur la rĂ©cupĂ©ration des corps, et Ă lâendroit oĂč il est tombĂ©, ils ont vĂ©rifiĂ© et nâont trouvĂ© aucun corps, seulement des dents. Il y avait une grande confusion Ă lâĂ©poque et ils ont enterrĂ© les restes Ă Kiryat Shaul Ă Tel-Aviv, car les martyrs de Tsahal y sont enterrĂ©s dont le lieu de sĂ©pulture des inconnus.
Et comment votre pÚre a-t-il réagi ?
« Mon pĂšre Ă©tait dĂ©jĂ un enfant en Tunisie, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il Ă©tait dans un camp de travail sous le rĂ©gime des nazis et souffrait terriblement, mais il ne lâa pas fait ressortir. Il souffrait de problĂšmes de vision avant, mais aprĂšs la mort de David, il a progressivement perdu complĂštement la vue et a vĂ©cu avec. Il a fallu prĂšs de 30 ans avant sa mort. »
David se prĂ©cipite et sort le livre de la Torah en mĂ©moire du Hajj parmi les nombreux livres de lâarche de la synagogue. Le livre se distingue par sa couverture rouge, sur laquelle sont brodĂ©es des lettres et une Ă©toile de David dorĂ©e. Lorsque le livre a Ă©tĂ© ouvert, la dĂ©dicace Ă David Hajaj et Ă sa mĂšre Fortuna a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e ensemble. 20 ans aprĂšs la mort du fils, les deux ont Ă©tĂ© rĂ©unis dans le Sefer Torah que le pĂšre a sorti en leur mĂ©moire.
Le regretté Shabtai Nahon
« Nos parents, Esther et Avraham, venaient dâIzmir, en Turquie. Mon frĂšre Shabtai est nĂ© en IsraĂ«l. Nous vivions Ă Shikon Darom, juste Ă cĂŽtĂ© de la famille Mabaruch », explique Yitzchak, le frĂšre de Shabtai Nahon. « En fait, Mabaruch a Ă©tĂ© informĂ© que son fils avait disparu alors quâil Ă©tait aux shiva avec mes parents. Nous vivions Ă une distance de 50 mĂštres de maison en maison. Les officiers de la ville lâont retirĂ© dâune des priĂšres. Quand jâai grandi, ma sĆur est allĂ©e Ă lâĂ©cole au kibboutz Boror Haâil et moi sommes venus lui rendre visite et sommes devenus trĂšs enthousiasmĂ©s par la vie au kibboutz. En septiĂšme annĂ©e, jâai prĂ©fĂ©rĂ© aller au lycĂ©e du kibboutz Shafiim. Shabtai, qui Ă©tait le fils aĂźnĂ©, a probablement Ă©tĂ© influencĂ© par moi et ma sĆur, et il est allĂ© au lycĂ©e du kibboutz Dorot. »
Je veux dire, le fait dâaller au kibboutz nâĂ©tait pas dĂ» Ă une situation financiĂšre difficile Ă la maison ?
« Non, nous nâavons jamais manquĂ© de rien. Il nây avait pas dâabondance, mais nous nâĂ©tions pas un foyer de misĂšre ou de faim ! Nous avions tout ce dont nous avions besoin. Le choix dâaller dans les kibboutzim Ă©tait une question de valeur, pas par manque de choix. Du kibboutz Dorot Shabtai je me suis enrĂŽlĂ© dans les Golani, jâĂ©tais dĂ©jĂ dans la patrouille Ă lâĂ©poque Golani et aprĂšs cela un officier. Nous nâen avons jamais parlĂ©, mais je suppose que cela lâa affectĂ© et il voulait vraiment partir en patrouille. câĂ©tait un ami qui amenait un ami, et je ne lâai pas encouragĂ© parce que je pensais quâil Ă©tait moins prĂȘt physiquement pour ça.
« Shabtai Ă©tait un enfant incroyable, qui aimait la nature, explorait le monde tout le temps et partait en voyage. Ses amis depuis des gĂ©nĂ©rations racontent de lui quâil sâest acclimatĂ© au groupe de jeunes du kibboutz jusquâĂ ce quâil soit difficile de dire quâil Ă©tait nĂ© dans une ferme, il a demandĂ© Ă travailler dans lâindustrie agricole et a beaucoup investi dans le travail des champs. A cĂŽtĂ© de sa chambre, il a plantĂ© un jardin bien entretenu et spectaculaire.
« Trois mois aprĂšs ma libĂ©ration, Shabtai est soudainement arrivĂ© au kibboutz Shafiim dans la soirĂ©e et mâa dit quâil avait Ă©tĂ© blessĂ© Ă lâentraĂźnement par des Ă©clats de grenade. Il Ă©tait en rééducation et mâa dit quelque chose comme « Je ne pourrai pas finir le service. » Il avait des cicatrices sur le dos, la poitrine et le visage. Je pensais quâĂ cause du traumatisme de la blessure et des fragments dans son corps, il ne pouvait pas continuer. Jâai essayĂ© de lâencourager, je lui ai dit que tous les frĂšres ont fait un service important, jâai essayĂ© de le convaincre que tout irait bien. Et Shabtai mâa dit : « Tu ne comprends pas, je veux dire que je ne finirai pas mon service militaire en vie. »
« Je ne le comprenais pas, et quatre mois plus tard, la guerre du Yom Kippour a Ă©clatĂ© et sa dĂ©claration est restĂ©e gravĂ©e dans ma tĂȘte. Nous Ă©tions quatre frĂšres dans des unitĂ©s de combat. Je suis arrivĂ© sur les hauteurs du Golan et, le dernier jour de la guerre, jâai entendu dire que lâunitĂ© Golani allait gravir le mont Hermon. Jâavais un sentiment trĂšs, trĂšs dur envers lui, mĂȘme si je ne savais pas oĂč Ă©taient mes deux autres frĂšres, et vraiment un jour ou deux aprĂšs la deuxiĂšme bataille sur Hermon, on mâa dit quâil Ă©tait tombĂ©. »
VidĂ©o : 49 ans aprĂšs la guerre du Yom Kippour, les archives de Tsahal au ministĂšre de la DĂ©fense rĂ©vĂšlent le rĂ©seau de connexion de lâopĂ©ration « Occupation » Ă lâoccupation dâHermon, dans laquelle la voix du commandant du Bataillon Golani, Shmariahu Winnick, dĂ©cĂ©dĂ© quelques instants avant de tomber au combat , les temps difficiles de la bataille et Ă la fin de lâAlena et drapeau sur le mont du temple
Comment vos parents ont-ils reçu la nouvelle ?
« Shabtai Ă©tait le fils des anciens, et ce fut une crise trĂšs difficile. AprĂšs le sept, lâarmĂ©e mâa demandĂ© de retourner dĂ©finitivement dans lâarmĂ©e pendant au moins un an. Je suis venu et jâai demandĂ© Ă mes parents de signer. AprĂšs de nombreuses difficultĂ©s, ils ont finalement signĂ© pour moi. Je suppose que je ne leur ai pas facilitĂ© la vie.
Nâavez-vous pas trouvĂ© que la commĂ©moration faite aux trois soldats qui tombent ensemble Ă©tait plutĂŽt mineure ? Quâont pensĂ© vos parents de la commĂ©moration Ă la synagogue ?
« La synagogue turque Ă©tait le centre de la vie de la communautĂ© turque de Beer Sheva. CâĂ©tait une communautĂ© trĂšs petite mais trĂšs impressionnante, il nây avait pas un Turc qui ne connaissait pas les autres Turcs de la ville depuis la synagogue. Tant que mon pĂšre Ă©tait en vie, il nây avait pas de Shabbat oĂč nous nâallions pas Ă la priĂšre. Mais au fil des annĂ©es, nous avons quittĂ© le quartier et nous nous sommes Ă©loignĂ©s, mais mes enfants sont Ă©galement allĂ©s Ă la Torah dans cette synagogue. Ă ce jour, nous nous portons volontaires pour tout ce qui a besoin dâaide. »
David Cohen : « Ce nâest pas Ă©tonnant que les parents soient partis. Quand une catastrophe comme celle-ci se produit, les parents sâĂ©crasent Ă lâintĂ©rieur. Tout leur rappelle, chaque coin de rue est une vie qui ne sera pas, ce sont des choses difficiles. Câest une gĂ©nĂ©ration qui a prit des coups et voulait passer Ă autre chose, une gĂ©nĂ©ration dâinnocence. Ils ont tout laissĂ© Ă lâĂ©tranger, et ont dit que nous allons manger du gravier et ne pas nous plaindre, câest plus important que tout â la Terre dâIsraĂ«l. Ils savaient quâils allaient sacrifier quelque chose. Ce sont des gens qui ne voulaient pas quâon les plaigne.
Schwarzfox: « Rappelez-vous que toutes ces familles nâĂ©taient pas des familles connectĂ©es . Pendant de nombreux mois, ils ne savaient pas oĂč Ă©taient les enfants et attendaient en silence. Au final, câest comme le livre de la Torah du Hajj â câest une commĂ©moration qui va Ă lâintĂ©rieur de la communautĂ© et ne sort pas. »
David Cohen : « Quand je vais dans la colonie allemande de Tel-Aviv et que jâentends un guide et quâil vous emmĂšne faire un tour, alors je dis â comme câest beau, câest une ville avec une histoire. Heureusement, Omar est lâun de ceux qui rĂ©vĂ©le les histoires de lâendroit, mais pour une raison quelconque, personne ici nâa fait cela, et a racontĂ© nos histoires. Les sĂ©farades ne savent pas comment raconter leur histoire.
Schwarzfox: « Quâest-ce que tu veux dire par « ils ne tâont pas appris Ă dire? »
Cohen : « Les AshkĂ©nazes, ils ont de la soupe au poulet â ils en ont fait toute une histoire. Combien dâaliments les SĂ©farades ont-ils ? Mais les SĂ©farades ne le disent pas, ils gardent tout Ă lâintĂ©rieur. »
Non loin de la synagogue se trouve la rue des Trois Bnei Ein Harod. Comment se fait-il que Beer Sheva nâait pas commĂ©morĂ© ses morts au nom dâune rue ?
Schwarzfox : « Le comitĂ© de dĂ©nomination de Beer Sheva a pris la dĂ©cision il y a de nombreuses annĂ©es de ne pas commĂ©morer les martyrs de Tsahal Ă Beer Sheva. Câest une grande ville et il y a beaucoup de morts, et vous commencez Ă entrer dans la politique de la commĂ©moration, la raison de ce refus ?  Ici, les membres de la famille Sami Ezer de Beâer Sheva ont essayĂ© de commĂ©morer de nombreuses annĂ©es, mais la politique est que les martyrs de Tsahal ne sont pas commĂ©morĂ©s avec des noms de rue.
« Mais cette dĂ©cision a provoquĂ© une plus grande politisation de la commĂ©moration, car qui a Ă©tĂ© rĂ©ellement commĂ©morĂ© ? Ceux qui Ă©taient connectĂ©s, les Maâpaâiniki, et ceux qui se sont prĂ©cipitĂ©s pour commĂ©morer. Vous avez donc des noms de rue comme les trois fils dâEin Harod dans la vieille ville, et ils ne sont mĂȘme pas tombĂ©s dans la mĂȘme bataille ! Dans ce lieu, les morts sont commĂ©morĂ©s sur les places, car ce nâest pas aussi officiel quâune rue. »
Et il nây a toujours pas de place Ă la mĂ©moire des trois fils de Beâer Sheva.
Schwarzfox : « Non, pas encore. Quand vous posez cette question, ils vous diront : âIl y a tellement plus de hĂ©ros Ă Beer Shevaâ, mais si nous ne le faisons pas, les enfants de la ville ne grandiront pas avec ces histoires locales dâhĂ©roĂŻsme. Comme ça, la mĂ©moire reste Ă Beit Yad Lavinim et ne part pas de lĂ , et au final, câest dommage. »
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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