Au cours du premier semestre de 1945, les camps de concentration et dâextermination ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s. Beaucoup a Ă©tĂ© Ă©crit sur les rencontres entre les libĂ©rateurs et les Juifs Ă©maciĂ©s, les «âŻmusulmansâŻÂ» quâils ont trouvĂ©s lĂ -bas. Le souvenir de ces scĂšnes nâa jamais quittĂ© les soldats tout au long de leur vie. Elles ont Ă©tĂ© recréées dans des films de fiction et des documentaires, y compris des rĂ©cits de rencontres avec des survivants des camps.
Les libĂ©rĂ©s â squelettiques, fantĂŽmes en haillons rayĂ©s revenant hanter leurs libĂ©rateurs dans leurs rĂȘves â sont restĂ©s un symbole dominant des horreurs. Ce sont ces images qui surgissent Ă lâĂ©vocation du mot «âŻShoahâŻÂ», avant mĂȘme de penser aux exterminĂ©s et aux assassinĂ©s. Debout, Ă©maciĂ©s, regardant Ă travers les barbelĂ©s, sans regard, sans corps, sans Ăąme, uniformĂ©ment vĂȘtus, numĂ©rotĂ©s, dans une multitude de camps. Des milliers, des millions, abandonnĂ©s Ă leur sort par une humanitĂ© douteuse qui a permis la tragĂ©die.
Il a Ă©tĂ© convenu par les AlliĂ©s que la libĂ©ration serait commĂ©morĂ©e Ă une date prĂ©cise â le 8 mai. Mais pour les survivants, il nây a pas eu de cĂ©lĂ©bration : les portes de la Terre promise Ă©taient fermĂ©es, leurs nations dâorigine baignaient dans lâantisĂ©mitisme, leurs familles avaient Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©es et leur avenir semblait incertain. Ils ignoraient peut-ĂȘtre encore quâen trois ans, leur Ătat serait fondĂ©, offrant la patrie quâils attendaient depuis deux mille ans.
Cependant, une chose Ă©tait claire : les nazis nâĂ©taient plus lĂ . Les survivants de Majdanek, dâAuschwitz et du ghetto de ĆĂłdĆș ont trouvĂ© autour dâeux lâArmĂ©e rouge ; ceux de Mauthausen et Buchenwald ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s par les AmĂ©ricains, et ceux de Bergen-Belsen par les Britanniques.
La comparaison de la situation dâOr Levy, Ohad Ben-Ami et Eli Sherabi Ă celle de la Shoah en raison de leur Ă©tat physique et mental «âŻocculteâŻÂ» un Ă©lĂ©ment essentiel de ce moment oĂč lâOccident a dĂ©couvert les Juifs Ă©maciĂ©s des camps de concentration : en 1945, ce nâĂ©tait pas seulement un instant de libĂ©ration. CâĂ©tait un moment de victoire sur les nazis.
Lorsque ces survivants de la Shoah ont Ă©tĂ© filmĂ©s, ils nâont pas Ă©tĂ© remis Ă lâArmĂ©e rouge ou aux Britanniques par des nazis, car la Wehrmacht nâĂ©tait plus active ni en contrĂŽle des camps. Le TroisiĂšme Reich avait Ă©tĂ© anĂ©anti. CâĂ©tait un instant de libĂ©ration de la bĂȘte nazie pour le monde entier â pas seulement pour les malheureux «âŻmusulmansâŻÂ» emprisonnĂ©s par elle.
Que cela a-t-il Ă voir avec notre situation actuelle ?
Les otages restent captifs, le Hamas est toujours en place, les gains de la guerre ne sont que psychologiques â partout oĂč Tsahal sâest retirĂ©, le Hamas est revenu.
AprĂšs la Shoah, les survivants des camps, comme lâa dĂ©montrĂ© la professeure Hanna Yablonka dans ses recherches, se sont intĂ©grĂ©s dans la direction de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne : dans la culture, la science, la politique et dâautres secteurs.
Ils ne pouvaient pas laisser derriĂšre eux les horreurs, mais ils avaient Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s dans un monde qui avait Ă©radiquĂ© le monstre nazi, et qui leur offrait un rĂŽle dans la construction de lâĂtat dâIsraĂ«l, quâils percevaient comme un refuge sĂ»r, garantissant que «âŻplus jamais çaâŻÂ».
Or, Eli et Ohad ont Ă©tĂ© remis au ComitĂ© international de la Croix-Rouge par le Hamas, dans une mise en scĂšne habilement orchestrĂ©e, depuis Gaza oĂč lâorganisation continue de rĂ©gner et de dĂ©tenir dâautres otages. Aucune libĂ©ration ni refuge sĂ»r ne les attend â ni eux, ni nous. Seule demeure une peur persistante dâun leadership imposĂ©, qui, aux yeux dâun nombre croissant de citoyens, rappelle de plus en plus les peurs de la Shoah.
Lâauteur est chercheur au Centre Begin-Sadate pour les Ă©tudes stratĂ©giques et au programme de gestion et de rĂ©solution des conflits et de nĂ©gociation de lâUniversitĂ© Bar-Ilan.
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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