Les États-Unis sont la principale puissance nucléaire en Europe, avec des bases dans plusieurs pays. Cependant, des doutes croissants sur leur engagement poussent les dirigeants européens à remettre en question les accords existants en matière d’armement. Le développement d’une capacité nucléaire européenne indépendante nécessiterait une refonte des systèmes et procédures établis depuis des décennies ainsi qu’un investissement de plusieurs milliards d’euros.

Un contexte géopolitique incertain

Deux semaines après l’invasion russe de l’Ukraine, il y a trois ans, le président français Emmanuel Macron s’est rendu dans le bunker nucléaire secret de la France, situé 20 étages sous le palais de l’Élysée. Là, il a dirigé un exercice baptisé « Poker », destiné à envoyer un message clair à Moscou.

Cet exercice a été planifié par une nuit particulièrement claire, afin de permettre à un satellite espion russe d’observer les manœuvres. Des avions de chasse français ont décollé avec des armes factices, simulant des frappes sur un pays non identifié. Cette démonstration, appelée « signal nucléaire », visait à afficher la détermination de la France face à la Russie.

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La France et le Royaume-Uni sont les deux seules puissances nucléaires européennes. Cependant, la plus grande force nucléaire de la région reste celle des États-Unis, qui déploient des armes nucléaires sur leurs bases en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique et en Turquie.

Des doutes sur la protection américaine

L’attitude diplomatique du président Trump envers la Russie, la fin de l’aide américaine à l’Ukraine et son désengagement vis-à-vis de l’Europe ont renforcé la perception d’une alliance de défense affaiblie. Cette incertitude a conduit à des appels croissants en Europe en faveur d’un bouclier nucléaire indépendant, fondé sur les arsenaux français et britannique.

Le chancelier allemand désigné, Friedrich Merz, a récemment déclaré que « le partage des armes nucléaires est une question que nous devons examiner ». Merz et Macron se sont rencontrés plusieurs fois depuis la victoire électorale de Merz en novembre, mais on ignore s’ils ont abordé la question du nucléaire.

Développer une capacité nucléaire autonome en Europe exigerait une refonte des structures et des protocoles établis par les États-Unis dans le cadre de l’OTAN depuis la Guerre froide. Selon une analyse du Wall Street Journal, il s’agirait d’un processus coûteux, techniquement complexe et qui prendrait des années. De plus, il faudrait composer avec les traités internationaux sur les armes nucléaires.

Washington garde la main sur la dissuasion nucléaire

L’administration Trump ne semble pas prête à abandonner son contrôle sur la politique nucléaire européenne. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a déclaré que l’Europe devait « prendre en charge sa propre sécurité conventionnelle », c’est-à-dire hors du cadre nucléaire.

Lors d’une visite de Hegseth à Bruxelles, deux bombardiers américains B-52 Stratofortress ont atterri sur une base britannique pour des exercices avec des avions de combat alliés. « C’est bien de voir des B-52 voler au-dessus de Stockholm, mais cela ne constitue pas une dissuasion nucléaire », a déclaré une experte du Chatham House, un institut de recherche britannique. « La dissuasion repose avant tout sur l’engagement politique du président des États-Unis. »

Lors d’une récente réunion au siège de l’OTAN, le président polonais Andrzej Duda a affirmé que « tout bouclier nucléaire renforcerait la sécurité de la Pologne ». La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, n’a pas exclu une coopération européenne en matière de dissuasion nucléaire. En revanche, l’Allemagne, qui accueille des armes nucléaires américaines sur son sol depuis les années 1950, souhaite maintenir la protection américaine, même en envisageant des accords parallèles avec la France ou le Royaume-Uni.

Le dilemme du nucléaire européen

Le Royaume-Uni, qui a contribué au développement de la bombe atomique pendant la Seconde Guerre mondiale, dispose aujourd’hui du plus petit arsenal nucléaire des grandes puissances nucléaires. L’an dernier, un essai de missile nucléaire britannique a échoué et s’est écrasé en mer. Un essai similaire en 2016 avait déjà connu un dysfonctionnement et s’était dirigé par erreur vers les États-Unis.

L’alliance étroite entre Londres et Washington permet au Royaume-Uni de maintenir son arsenal nucléaire à moindre coût. La Grande-Bretagne loue ses missiles balistiques aux États-Unis et achète de nombreux composants de ses sous-marins nucléaires à des fournisseurs américains. Toutefois, Londres est en train de moderniser ses sous-marins nucléaires à grands frais, ce qui pourrait peser sur son budget militaire.

La question de savoir si les États-Unis utiliseraient leur arsenal nucléaire en réponse à une attaque russe sur l’Europe a toujours été une inconnue. Une telle riposte pourrait entraîner une contre-attaque nucléaire russe sur le territoire américain, ce qui pose un dilemme stratégique majeur. « Les États-Unis prendraient-ils le risque de sacrifier New York en représailles à une frappe sur Londres ou Paris ? », interroge James Davis, président des relations internationales à l’Université de Saint-Gall en Suisse. Jusqu’à présent, cette inquiétude restait implicite en Europe.

Mais avec la montée des discussions sur une dissuasion nucléaire européenne, une autre question se pose : la France prendrait-elle le risque de riposter si la Russie frappait Prague ? « D’un certain point de vue, la question est plus simple pour les Européens », explique Davis. « Une attaque nucléaire en Europe pourrait générer des retombées radioactives mortelles sur une grande partie du continent. » Toutefois, l’Europe est confrontée à des dilemmes stratégiques complexes qu’elle n’avait jamais réellement envisagés auparavant.