« Pourquoi toute cette guerre, vos enfants meurent, non ? L’ennemi est-il devenu sage et l’ami naïf ? »

Cette critique virulente de la guerre vient, de manière surprenante, de l’un de ses propres victimes – Aner Shapira, soldat d’élite de l’unité Nahal, tué le 7 octobre alors qu’il protégeait des civils réfugiés dans un abri à Re’im.

Un mois avant, est sorti un album de rap intitulé « À la recherche de l’amour », qu’il avait enregistré avant sa mort. Ce qui frappe immédiatement dans cet album – surtout dans le paysage musical israélien actuel – c’est la voix de protestation forte et sans compromis qui s’en dégage.

« C’est une rébellion contre le troupeau », chante-t-il dans Maamin Stam (« Je crois, sans raison »).

Les dons sont la bienvenue en cette situation particulièrement difficile  :

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« Sans vœux, on renversera la couronne de la tête du roi. La route est encore devant nous. »

Une voix critique, poétique et militante

Shapira critique les politiciens qui trahissent leur mission :

« Ils attendent quoi ? Encore quelques députés ? Des enfants jouent aux chaises musicales au lieu de s’instruire. » (Extrait de « Descente sans freins »)

Il évoque aussi la voix des plus démunis :

« Les affamés frappent aux portes de la ville, s’agglutinent à l’entrée. » (Maamin Stam)

Mais ses messages les plus radicaux visent le militarisme qui empoisonne la société israélienne :

  • Dans Descente sans freins, il critique l’éducation à la brutalité au détriment de la compassion :
  • « À vivre par l’épée, l’un des gars a vendu ses émotions pour acheter de la dureté. »
  • Dans Maamin Stam, il alerte sur le prix de cette haine :
  • « La haine dans l’air ne fait que nous affaiblir. »

Il s’attaque aussi à la masculinité toxique :

« Je suis né du mauvais genre » (Dragon Ball),

ainsi qu’au terrorisme de genre, abordé dans les morceaux Cours sur le harcèlement et Qu’y a-t-il.

Dans Resté derrière, il se lamente sur les conséquences psychologiques du service militaire :

« Je regarde le désert, espérant que le paysage gratte mes blessures de l’âme. Si le temps n’a rien guéri, qu’est-ce qui le fera ? »

Il questionne la nécessité de la guerre, remet en cause sa légitimité et va jusqu’à justifier l’objection de conscience :

« Être déserteur, c’est peut-être juste rester fidèle à soi-même. »

Un message humaniste dans un pays en guerre

Ses critiques sont difficiles à entendre, surtout en temps de guerre, où la radio préfère diffuser des hymnes militaires ou des appels à la vengeance comme Kharbo Darbo, ou encore des chansons glorifiant les soldats comme Superman de Idan Amedi.

Amedi, grièvement blessé au combat, est vu comme un héros en Israël. Il incarne ce que le public veut : une assurance que Tsahal est l’armée la plus morale au monde, que ses guerres sont justes et ses sacrifices nécessaires :

« Seul celui qui a marché dans l’obscurité sait ce qu’est la lumière. »

Mais Shapira, lui, est rongé par le doute. Et le fait qu’il ait payé de sa vie des erreurs de dirigeants arrogants donne à ses paroles une force prophétique déchirante. Il remet en question le cycle éternel du conflit et l’incapacité d’y mettre fin – ce qui aurait pu lui valoir des attaques publiques s’il n’était pas un « mort pour la patrie ».

Aujourd’hui, même les critiques du gouvernement Netanyahu voient la guerre comme inévitable, certains rêvent même d’un « transfert » ethnique sous Trump. Dans une société où même dire « Palestine » est tabou, certains messages ne peuvent être entendus que s’ils viennent des morts.

Un héritage unificateur, pas diviseur

Ceux qui écouteront attentivement l’album d’Aner Shapira découvriront que, malgré sa critique virulente, son message central reste l’unité. Ses parents, en associant son héritage musical à son acte héroïque, mettent en avant cette phrase comme testament moral :

« Toujours en guerre, mais jamais avec un cœur sans amour. »

« L’histoire d’Aner n’est pas celle de la guerre, mais de l’amour de l’humanité », raconte son père Moshé à la chaîne N12.

« Le combat était une façon pour lui d’exprimer cet amour de l’autre. »

Dans Maamin Stam, Aner chante :

« Je suis un homme qui croit au changement ; laisse tomber, il suffit de croire. Laisse tomber croire, il suffit d’être un homme. »

Ce morceau est une leçon essentielle pour le présent : il rappelle aux Israéliens que leur vraie force réside dans leur humanité, pas dans les armes qu’ils portent.