Clinton, Madonna et Mandela : des chercheurs israéliens découvrent le super-pouvoir des orphelins

AprĂšs avoir perdu ses parents Ă  cause du cancer, le Professeur Tsachi Ein-Dor est devenu un chercheur en psychologie de premier plan et a dĂ©cidĂ© de se consacrer, entre autres, au domaine de l’orphelinat.
Dans une interview, il raconte sa nouvelle étude menée avec ses collÚgues :

« Nous avons découvert que les orphelins sont plus ouverts aux expériences, créatifs et sociables. »

Il explique ce que Barack Obama, Bill Clinton et Madonna ont en commun, et pourquoi, selon lui, l’unitĂ© nationale est aujourd’hui plus essentielle que jamais :
« D’un point de vue Ă©volutionniste, les orphelins comprennent que sans s’unir Ă  de nouvelles forces, ils ne survivront pas. Une gĂ©nĂ©ration entiĂšre dĂ©pend de notre unitĂ© – soit ils deviendront une gĂ©nĂ©ration d’addicts, soit ils nous propulseront vers l’espace. »

Professeur associĂ© Ă  l’École de psychologie Baruch Ivcher de l’UniversitĂ© Reichman.
SpĂ©cialiste mondial de la thĂ©orie psychobiologique de l’attachement, il est Ă©galement le chercheur principal du « Projet Alpha », qui vise Ă  comprendre en profondeur la psychĂ© humaine en examinant le lien entre la gĂ©nĂ©tique et l’environnement.

L’orphelinat comme moteur

La semaine prochaine, nous marquerons le Jour du Souvenir (Yom HaZikaron), avec en toile de fond des donnĂ©es indiquant que 62 % des orphelins d’attentats jusqu’à l’ñge de 18 ans sont issus de l’opĂ©ration « ÉpĂ©es de Fer ».
Dans votre recherche, vous vous concentrez sur le potentiel des orphelins, en partant de votre propre histoire personnelle.

« Ma mĂšre est dĂ©cĂ©dĂ©e d’un cancer du col de l’utĂ©rus juste avant mon 12e anniversaire. Pendant deux ans, elle a luttĂ© contre la maladie, mais Ă©tant le plus jeune de la famille, on me dĂ©crivait sa maladie comme une sorte de grippe passagĂšre.

Juste avant Souccot, on m’a envoyĂ© chez un ami dans le moshav, pendant que la famille Ă©tait appelĂ©e Ă  l’hĂŽpital pour lui dire adieu.
Le matin de la fĂȘte, on m’a rappelĂ© Ă  la maison, je suis entrĂ© dans le salon et on m’a dit : ‘Ta mĂšre est morte’, sans que j’aie eu le temps de lui dire au revoir.
J’ai immĂ©diatement dit ‘C’est bon’, puis j’ai Ă©clatĂ© en sanglots. »

AprĂšs la shiva, vous ĂȘtes allĂ© avec votre pĂšre visiter Yad Vashem, tandis que vos camarades de classe Ă©taient informĂ©s de ce qui vous Ă©tait arrivĂ©.

« Quand je suis revenu, je voyais des visages familiers, mais qui ne savaient pas comment se comporter. Certains dĂ©tournaient mĂȘme le regard.

C’était une pĂ©riode difficile, marquĂ©e par un Ă©loignement de mon groupe d’amis.
Aujourd’hui, je sais que c’est un processus courant chez les enfants qui perdent un parent. »

Quatre ans plus tard, mon pĂšre est lui aussi dĂ©cĂ©dĂ© d’un cancer du cĂŽlon.

« Le cancer s’était dĂ©veloppĂ© chez lui depuis environ quatre ans, probablement depuis la mort de ma mĂšre.

D’une certaine maniĂšre, il est mort en mĂȘme temps qu’elle, sans en ĂȘtre conscient.
Dans notre famille, nous plaisantons en disant que nous savons de quoi nous allons mourir : du cancer.
Je dis en riant que je peux rouler Ă  200 km/h en Tesla, car ce n’est pas un accident qui me tuera. »

Comment affronte-t-on la perte de ses deux parents Ă  un si jeune Ăąge ?

« Ma rĂ©ponse a Ă©tĂ© le refoulement. À 16 ans, je suis restĂ© vivre seul dans la maison familiale : trois Ă©tages rien qu’à moi, avec des amis et des filles qui venaient me rendre visite.

Quand on me demandait comment j’allais, je rĂ©pondais ‘bien’, et malheureusement, on me croyait.
Mon refoulement Ă©tait si fort que je n’ai presque aucun souvenir Ă©motionnel avant un Ăąge assez avancĂ©. Par exemple, nous sommes allĂ©s Ă  Disney World quand j’avais 10 ans, mais je n’en garde aucun souvenir. »

Quels souvenirs avez-vous tout de mĂȘme ?

« TrĂšs peu de souvenirs de mes parents. L’un d’eux est celui de ma mĂšre vomissant dans un seau dans le salon, portant une perruque.

MĂȘme dans des moments difficiles, son image ne m’a jamais vraiment rĂ©confortĂ©. »

Quand les crises ont-elles surgi malgré tout ?

« Je me souviens d’un soir, allongĂ© dans mon lit, dans une maison vide, levant les bras vers le ciel et criant Ă  Dieu : ‘Pourquoi moi ?’.

Je me sentais comme Job, accablé par les malheurs. »

Une transformation pendant le service militaire

« Pendant mon service, j’ai revu un amour d’adolescence.

Elle m’a demandĂ© comment j’allais, et j’ai rĂ©pondu ‘mal’.
Elle est partie, et j’ai eu un dĂ©clic : j’ai compris que j’étais en train de sombrer.
À partir de lĂ , j’ai dĂ©cidĂ© que mĂȘme si je me sentais mal, je rĂ©pondrais ‘ça va’.
Et si je me sentais bien, je dirais ‘super’.
Cette dĂ©cision m’a transformĂ© intĂ©rieurement. »

Le pouvoir biologique de l’orphelinat

« Notre Ă©tude montre que l’orphelinat transforme les systĂšmes du cerveau :

  • Le systĂšme de la dopamine, associĂ© Ă  la motivation et Ă  la crĂ©ativitĂ©, devient plus actif.
  • Le systĂšme de l’ocytocine, associĂ© Ă  la sociabilitĂ©, se renforce aussi.

Perdre ses parents est un choc terrible, mais biologiquement, cela peut conduire à une plus grande résilience, une créativité accrue et un besoin de créer des liens sociaux profonds. »

Quand apparaissent ces changements biologiques ?

« Pas immĂ©diatement. Nous avons observĂ© ces compensations dix Ă  quinze ans aprĂšs l’évĂ©nement.

Mais la plupart des orphelins, mĂȘme aprĂšs dix ans, ne se souviennent pas vraiment de leurs parents. »

Pourquoi les enfants et adultes évitent-ils de parler de la mort de leurs parents ?

« Parce que sans refoulement, ils ne pourraient pas survivre psychologiquement.

Penser constamment à la mort d’un parent tout-puissant est insupportable.
Trop briser ces dĂ©fenses peut ĂȘtre dangereux. »

Ouverture à de nouvelles expériences

« L’orphelin sait que la vie est fragile et que le temps est comptĂ©.

Cela crée une soif de vivre pleinement. »

Mais cette ouverture peut-elle aussi conduire Ă  des comportements Ă  risque ?

« Oui. L’hyperactivitĂ© de la dopamine peut aussi mener Ă  des addictions si l’environnement est nĂ©gatif.

C’est pourquoi un soutien social est essentiel. »

Créativité accrue chez les orphelins

« Nous avons trouvé que les orphelins développent une pensée plus créative et hors cadre.

C’est une rĂ©ponse Ă  l’effondrement de la croyance que ‘tout ira bien’, tout comme l’a Ă©tĂ© le 7 octobre. »

L’importance de l’unitĂ© nationale

« AprĂšs le 7 octobre, l’unitĂ© nationale Ă©tait Ă  son apogĂ©e, mais elle s’est vite effondrĂ©e.

L’unitĂ© est vitale pour permettre aux orphelins de transformer leur douleur en croissance.
Sinon, nous risquons de perdre une génération entiÚre. »

Êtes-vous optimiste ?

« Oui, car nous n’avons pas le choix.

Il faut comprendre que chacun voit la rĂ©alitĂ© de maniĂšre biaisĂ©e (ce qu’on appelle le biais de confirmation en psychologie).
Il nous faut un dialogue empathique et une vĂ©ritable Ă©coute de l’autre cĂŽtĂ©. »

Une étude illustre ce phénomÚne

« Quand on demande Ă  une personne de mesurer la pente d’une colline, elle la voit moins raide si quelqu’un se tient Ă  ses cĂŽtĂ©s.

Notre cerveau transforme la réalité selon notre environnement social.
C’est pourquoi l’unitĂ© est essentielle pour avancer. »


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
© 2025 – Tous droits rĂ©servĂ©s