Les frappes de l’armée de l’air israélienne dans la nuit de vendredi à samedi en Syrie avaient deux objectifs :

  1. Détruire des systèmes d’armes stratégiques restants de l’armée d’Assad, qui pourraient être utilisés contre Israël.
  2. Envoyer un message au nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Shara (Mohammed Abu al-Julani) et à ses hommes pour les dissuader de poursuivre leurs attaques sanglantes contre les Druzes.

Israël redoute que des anciens soldats de l’armée d’Assad, experts dans les armes lourdes et systèmes de défense aérienne, soient recrutés par le nouveau régime et compromettent ainsi la liberté d’action quasi totale qu’a actuellement Tsahal dans le ciel syrien.

Les cibles bombardées n’avaient pas été découvertes auparavant ou avaient été jugées prioritaires à une date antérieure. Israël évite d’agir en continu en Syrie afin d’échapper aux accusations internationales de sabotage de la reconstruction syrienne sous les nouveaux dirigeants.

Le message cette fois : Israël se tiendra aux côtés des Druzes si les djihadistes d’al-Shara poursuivent les meurtres et humiliations.

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Un conflit enraciné dans l’histoire religieuse

Les tensions entre djihadistes sunnites et Druzes sont anciennes, remontant au XIe siècle. Bien que les Druzes ne soient pas musulmans, leur religion est issue du chiisme ismaélien, un courant dissident qui régnait sur l’Égypte à la fin du premier millénaire.

Les premiers Druzes furent persécutés pour leur foi secrète, ce qui les poussa à se réfugier en Syrie. Aujourd’hui, ils forment une communauté fermée répartie entre la Syrie, le Liban et Israël. En Syrie, environ 600 000 Druzes vivent dans trois grandes zones :

  • La province d’as-Suwayda (Jabal al-Druze),
  • Les pentes du mont Hermon,
  • Les faubourgs ruraux de Damas.

Pour les djihadistes sunnites, les Druzes sont des hérétiques à convertir ou à éliminer, comme les Alaouites, autre groupe chiite qui soutenait le régime Assad.

Il y a quelques semaines, les djihadistes d’al-Julani ont massacré des Alaouites en révolte, provoquant une condamnation mondiale. Al-Julani a alors ordonné d’y mettre fin.

Concernant les Druzes, il a déclaré vouloir les « ramener sur le droit chemin », c’est-à-dire au sunnisme. Ceux qui les menacent ne sont pas seulement les djihadistes du groupe Hay’at Tahrir al-Sham autour de Damas, mais aussi des factions de Daech opérant dans la région de Deraa, près de la frontière avec Israël et la Jordanie.

Les groupes djihadistes, unis sous la bannière du « Quartier général du sud », mènent des attaques sur les Druzes depuis deux fronts :

  1. Depuis Deraa, vers le sud de la province d’as-Suwayda.
  2. Depuis le nord, autour de Damas, où les djihadistes cherchent à « purifier » les banlieues des « infidèles druzes ».

Tentative d’assujettissement des Druzes

Autre raison des violences : l’autonomie armée des Druzes à as-Suwayda, qu’al-Shara tente d’annexer à son autorité. Il souhaite contrôler toute la Syrie, y compris les zones kurdes et alaouites. Pour cela, il exige :

  • Que des représentants du régime administrent la province,
  • Que les Druzes déposent les armes.

Les Druzes ont accepté la première exigence, mais refusent la seconde, redoutant à juste titre d’être vulnérables aux djihadistes sunnites. Ils sont aussi récemment intervenus pour aider leurs frères autour de Damas, attaqués par les milices sunnites.

Un pouvoir sans contrôle réel

Bien qu’al-Julani ait mené la chute du régime Assad, il ne dispose pas encore d’un vrai pouvoir militaire ou policier. Ses soi-disant « forces de sécurité » sont en fait des milices habillées en noir, souvent incontrôlables.

Une récente provocation, sous forme d’une vidéo audio accusant un cheikh druze d’insulter le prophète Mahomet, a été rapidement dénoncée comme une fausse information par al-Shara lui-même. Il soupçonne les partisans d’Assad d’avoir diffusé cette vidéo pour provoquer une escalade et entraîner Israël dans un conflit.

Israël prise dans la propagande

Le soutien d’Israël aux Druzes, fondé sur une alliance historique de sang, alimente les accusations selon lesquelles les Druzes seraient des agents israéliens. Cela sert de justification aux djihadistes pour attaquer les Druzes, et à certains dans les médias arabes pour prétendre qu’Israël cherche à occuper tout le sud de la Syrie.

Les déclarations publiques répétées de Benjamin Netanyahou et d’Israël Katz sur la protection des Druzes fournissent un prétexte aux ennemis du régime pour attiser les tensions.

Une communauté divisée

Les Druzes ne sont pas un bloc uni : certains ont soutenu Assad, d’autres l’ont combattu. Certains collaborent avec le Hezbollah et s’opposent activement à Israël. D’autres ont tenté de renforcer les liens avec Israël, notamment en visitant la tombe du prophète Jéthro, figure sacrée pour eux, et en rencontrant des responsables israéliens.

Dilemme israélien

Certains en Israël estiment que l’ingérence dans le chaos syrien met inutilement les soldats en danger. Mais l’armée israélienne insiste : il faut empêcher l’établissement de groupes islamistes armés près de la frontière du Golan, pour éviter un scénario similaire à celui du 7 octobre dans le sud d’Israël.

C’est pourquoi Israël a établi neuf postes le long de la zone tampon et considère tout l’espace jusqu’à as-Suwayda comme zone d’influence à défendre.

Pression militaire et diplomatique

Israël tente aussi de faire pression diplomatiquement pour que le régime d’al-Shara protège les Druzes. Une entente récente avec les chefs druzes prévoit qu’ils rendent leurs armes lourdes mais conservent des armes légères pour l’autodéfense.

Cependant, de nombreux Druzes, dont Rafiq Halabi, chef du conseil de Daliat el-Carmel, doutent de la viabilité de cet accord. Ils préfèrent une action discrète d’Israël à de grandes déclarations publiques.

Pour l’instant, Israël agit principalement par voie aérienne, envoie des drones et a même largué une bombe près du palais présidentiel de Damas pour montrer qu’il surveille la situation de près — et qu’il interviendra si les Druzes sont attaqués, sans toutefois s’engager au sol.