13 juin 2025, Jérusalem — Dans un moment rare et empreint de gravité, les deux grands rabbins d’Israël — le rav David Lau (ashkénaze) et le rav Yitzhak Yosef (séfarade) — ont émis un appel exceptionnel à l’ensemble du peuple juif : ne pas se rendre dans les synagogues ce Shabbat, en raison de la menace sécuritaire résultant de l’attaque israélienne contre les installations nucléaires iraniennes. Cette directive, sans précédent depuis la guerre du Golfe de 1991, souligne la gravité de la situation nationale et l’ampleur de la menace perçue.

Une décision fondée sur la halakha et la protection de la vie

Dans leur déclaration commune, les deux autorités religieuses ont rappelé que, selon la loi juive (halakha), la préservation de la vie (pikuach nefesh) prévaut sur les obligations religieuses, même sacrées comme la prière collective de Shabbat. « Le Saint béni soit-Il préfère que vous priez à la maison et restiez en vie, plutôt que de mettre votre vie en danger en allant à la synagogue », a déclaré le rav Lau.

Cet appel a été relayé par le Grand Rabbinat d’Israël et les services du Commandement du Front intérieur, qui ont émis des instructions similaires concernant la fermeture des lieux de rassemblement religieux, des écoles talmudiques (yeshivot) et des mikvaot (bains rituels).

Un précédent historique et une réponse responsable

Ce n’est pas la première fois que le monde religieux adapte ses pratiques aux circonstances exceptionnelles. Lors des guerres du Liban ou des tirs de missiles depuis Gaza, certaines communautés avaient déjà interrompu des offices publics. Mais cette fois, l’appel est généralisé et anticipé, ce qui témoigne à la fois de la préparation du pays et de la coordination entre institutions religieuses et sécuritaires.

Les dons sont la bienvenue en cette situation particulièrement difficile  :

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Le rav Yosef a précisé dans un discours diffusé sur la chaîne Kan 11 :

« Le peuple d’Israël a toujours su unir foi et sagesse. Ce n’est pas une faiblesse de suspendre une prière collective ; c’est une expression de responsabilité et de fidélité à la vie. »

Une communauté religieuse disciplinée et solidaire

La réaction des communautés orthodoxes et traditionnelles a été largement positive. À Bnei Brak, Jérusalem, Safed ou Netivot, les conseils municipaux religieux ont relayé les consignes, organisant des systèmes de soutien pour permettre aux fidèles de prier chez eux ou de suivre des lectures de la Torah diffusées en direct par radio ou via des plateformes casher adaptées.

Le rabbin Shmuel Eliyahu, grand rabbin de Safed, a salué l’appel comme « un exemple de leadership spirituel enraciné dans l’amour du peuple d’Israël et la conscience des réalités contemporaines ».

Contexte : Israël en alerte maximale

Depuis les frappes de la nuit du 12 au 13 juin contre l’Iran, Israël est en état d’urgence spécial, décrété par le ministre de la Défense Israël Katz. L’espace aérien est fermé, les écoles et les événements publics suspendus, et la population est appelée à rester proche des abris.

Les craintes d’une riposte par missiles balistiques ou drones iraniens — ou via leurs milices affiliées (Hezbollah, Houthis) — sont prises très au sérieux. Les sirènes d’alerte pourraient retentir pendant le Shabbat, justifiant ainsi la nécessité de réduire tout rassemblement collectif, même religieux.

Résonance spirituelle : un Shabbat de silence et d’unité

Malgré l’absence de prière communautaire, la spiritualité du Shabbat ne disparaît pas. Au contraire, disent plusieurs rabbins, elle prend une forme plus intérieure. Le rabbin Yehuda Deri, président du Conseil rabbinique séfarade, a encouragé les familles à transformer leur maison en lieu de prière :

« Là où un minyan n’est pas possible, que la maison devienne un sanctuaire. Là où l’on ne peut chanter ensemble, que les coeurs chantent en silence. »

De nombreux rabbinats locaux ont mis à disposition des livrets de prières simplifiés pour usage domestique, et les chaînes religieuses diffusent des messages d’encouragement et de bénédiction aux soldats, aux médecins, et à toute la nation.

Un front religieux uni face à la menace

Le consensus des autorités rabbiniques, toutes tendances confondues — ashkénaze, séfarade, haredi et sioniste-religieux — marque un moment rare d’unité religieuse face à une menace nationale. Cette unité donne au peuple israélien une force morale précieuse dans une période d’incertitude.

Le rabbin Benny Lau, figure du judaïsme moderne, a déclaré :

« L’appel des grands rabbins n’est pas un retrait. C’est un acte de foi lucide. Nous avons la responsabilité de sanctifier la vie, pas de l’exposer par habitude ou orgueil. »

Le soutien à Tsahal : prières privées et actes publics

Si les synagogues restent fermées, les cœurs prient pour les soldats de Tsahal. Les écoles religieuses, les mouvements de jeunesse et les familles envoient des lettres de soutien, des colis alimentaires, et des versets de Tehilim (Psaumes) aux bases militaires.

Le Shabbat de cette semaine se veut donc un temps de silence habité, de solidarité intérieure, et non d’angoisse. Comme l’a écrit un rabbin de Haïfa dans une lettre adressée à sa communauté :

« Ce Shabbat, nous n’ouvrons pas nos portes. Mais nous gardons nos âmes ouvertes. Et nous savons que Celui qui garde Israël ne dort ni ne sommeille. »

Conclusion : Un peuple uni, même à huis clos

Dans une époque marquée par l’incertitude, la division politique et les menaces extérieures, l’appel des grands rabbins apparaît comme un acte de leadership spirituel fort et cohérent. Il démontre que la foi peut s’adapter sans se renier, que la tradition peut dialoguer avec la réalité, et que la piété ne s’oppose jamais à la prudence.

En appelant les fidèles à rester chez eux, les grands rabbins ne ferment pas les portes de la spiritualité — ils rappellent que dans chaque foyer juif, brille une lumière éternelle. Une lumière qui, même dans l’ombre des missiles, ne vacille pas.