15 juin 2025 – Washington D.C. — Dans un climat géopolitique tendu marqué par l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, un nouveau front s’est ouvert pour Donald Trump… au sein même de ses partisans. Certains membres de sa base électorale, historiquement fidèles et bruyants, lui adressent désormais un message clair et sans détour : « America First, not Israel First ».

Alors que Trump, président en exercice depuis son retour au pouvoir début 2025, a affiché un soutien sans faille à Israël face aux attaques iraniennes, une partie de sa base lui reproche désormais une trop grande implication dans un conflit étranger perçu comme éloigné des priorités américaines.

Le tournant d’une déclaration

La phrase « L’Amérique d’abord, pas Israël d’abord » a été vue pour la première fois sur des pancartes brandies lors d’un rassemblement en Floride de partisans de Trump, puis largement relayée sur les réseaux sociaux comme X (ex-Twitter), Truth Social et Gab. Elle reflète un changement de ton parmi certains membres de la droite nationaliste, jusque-là largement pro-israélienne, mais de plus en plus centrée sur des enjeux exclusivement américains.

La déclaration du président Trump du 14 juin, dans laquelle il évoquait « la possibilité d’une assistance militaire directe » en cas de représailles iraniennes supplémentaires, a cristallisé ces tensions. Même si la Maison-Blanche a ensuite tenté de modérer le propos, le mal était fait : une frange de l’électorat trumpiste s’est sentie trahie.

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Des slogans qui s’ancrent

Depuis, le slogan a été vu dans de nombreux forums en ligne affiliés à l’alt-right américaine, sur des autocollants, des comptes TikTok influents et même repris par des figures controversées du mouvement America First, comme Nick Fuentes ou Laura Loomer.

Le message est simple : les priorités du gouvernement Trump doivent se concentrer exclusivement sur les Américains, et non sur des conflits perçus comme religieux ou géopolitiques à l’autre bout du monde.

« Ce que fait Israël pour se défendre, c’est leur affaire. Mais envoyer nos soldats ou notre argent alors que nos frontières sont ouvertes, nos villes sont en crise et nos enfants meurent du fentanyl ? Inacceptable », a déclaré Mike Carter, vétéran et électeur trumpiste interrogé lors d’un meeting au Texas.

Une fracture dans une alliance traditionnelle

Historiquement, le soutien à Israël a été une constante du trumpisme. Sous sa première présidence, Trump a transféré l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan, et tissé des liens étroits avec Benyamin Netanyahou. Ces actions avaient galvanisé l’électorat chrétien évangélique et renforcé une alliance géopolitique jugée « stratégique et morale ».

Mais depuis la guerre ouverte avec l’Iran, certains estiment qu’Israël entraîne l’Amérique dans une guerre qui ne la concerne pas.

Une pétition lancée par un groupe baptisé « Veterans for American Sovereignty » demande désormais au président Trump de « s’abstenir de tout engagement militaire hors sol américain, sauf en cas d’attaque directe contre le territoire des États-Unis ». Elle a recueilli plus de 300 000 signatures en 72 heures.

Des voix républicaines prudentes

Du côté du Parti républicain, le message embarrasse. Plusieurs sénateurs proches de Trump tentent de ménager la chèvre et le chou. Le sénateur Josh Hawley a déclaré :

« Nous devons soutenir nos alliés, mais cela ne veut pas dire entrer dans une guerre au Moyen-Orient. Il faut défendre l’intérêt stratégique américain avant tout. »

La sénatrice Marjorie Taylor Greene, bien qu’ardente défenseure de Trump, a elle aussi appelé à la prudence sur une intervention militaire directe :

« Le peuple américain ne veut pas d’une autre guerre interminable. »

Israël, point de tension dans le trumpisme ?

L’élément marquant ici est que l’opposition ne vient pas des démocrates, mais du cœur de la base électorale trumpiste. Il ne s’agit pas d’une critique classique de gauche contre le soutien à Israël, mais bien d’un repli nationaliste conservateur, pour qui la guerre, les alliances et les conflits extérieurs doivent être évalués à l’aune d’un seul critère : l’intérêt direct et tangible des citoyens américains.

Certains observateurs y voient un glissement idéologique : la droite trumpiste, autrefois alignée sur les intérêts israéliens en raison d’une proximité religieuse et stratégique, se transforme en un mouvement plus isolationniste et identitaire.

« Le trumpisme de 2025 n’est plus celui de 2016. Il a mué. Et Israël devient un point de friction symbolique de cette évolution », analyse le politologue Andrew Feinberg.

Réaction en Israël

En Israël, ces déclarations provoquent à la fois de l’inquiétude et de la confusion. Le bureau du Premier ministre s’est abstenu de tout commentaire officiel, mais selon des sources diplomatiques, l’ambassade israélienne à Washington suit de près cette évolution du discours trumpiste.

Un diplomate israélien confie anonymement :

« Nous savons que Trump nous est favorable. Mais nous ne pouvons pas ignorer que sa base change. Il faudra peut-être revoir notre manière de dialoguer avec la droite américaine. »

Conclusion : un test pour la ligne « America First »

Cette tension marque un moment-clé du trumpisme version 2025. Le président Trump devra trancher entre son soutien historique à Israël et l’aspiration croissante de sa base à une doctrine de repli national.

Jusqu’ici, Trump a souvent réussi à contenter toutes les factions de son mouvement. Mais cette fois, le dilemme pourrait bien le contraindre à choisir — au risque de perdre une partie de ceux qui l’ont remis au pouvoir. Le slogan « America First » pourrait se retourner contre lui s’il est perçu comme compromis par une guerre « pour un autre drapeau ».