Paris, Damas et Jérusalem : la rencontre secrète qui bouleverse le jeu au Levant

La nouvelle a provoqué un séisme diplomatique : à Paris, Ron Dermer, ministre israélien chargé des affaires stratégiques, a rencontré le ministre syrien des Affaires étrangères, Assad al-Shibani, en présence de l’envoyé américain Thomas Barak. Officiellement, il s’agissait d’examiner un corridor humanitaire vers la région druze d’As-Souwayda, théâtre d’affrontements meurtriers ces dernières semaines. En réalité, cette réunion va bien au-delà : elle marque une étape inattendue vers un dialogue israélo-syrien qui hérisse une grande partie du monde arabe.

Une Syrie affaiblie, un prétexte pour « pardonner »

Les réactions n’ont pas tardé. Dans le quotidien Asharq Al-Awsat, l’opposant syrien Mohammad Sabra a résumé le sentiment de nombreux Arabes : « La Syrie est un État détruit, incapable de se défendre militairement. On peut lui pardonner de tels contacts, à condition qu’ils visent à renouveler l’accord de 1974 ». Autrement dit : la Syrie est trop faible pour être jugée sur ses choix, mais ce pragmatisme ressemble à une capitulation.

Les Houthis, fidèles relais de Téhéran au Yémen, ont été plus explicites : « Normaliser avec l’ennemi sioniste au moment où Netanyahou annonce de nouvelles escalades à Gaza et piétine Al-Aqsa est une trahison ouverte ». Pour l’axe iranien, toute ouverture, même humanitaire, vers Israël est une ligne rouge.

Le cœur de la discorde : As-Souwayda

As-Souwayda, région druze du sud syrien, est devenue un foyer d’instabilité. Entre révoltes locales, affrontements avec des tribus bédouines et opposition ouverte au régime d’Ahmad al-Sharaa, la province symbolise l’impuissance du pouvoir central. Israël, en contact avec le leader spirituel druze d’Israël, le cheikh Mowafaq Tarif, propose un corridor humanitaire transfrontalier pour stabiliser la zone.

Pour Damas, accepter ce plan reviendrait à reconnaître Israël comme arbitre des affaires intérieures syriennes. Ce serait un précédent stratégique, perçu comme une remise en cause de sa souveraineté. D’où la réponse officielle : « Toute aide doit passer par Damas et les institutions de l’État ».

Entre Washington et Jérusalem, 80 % déjà actés ?

Selon des fuites rapportées par Reuters, 80 % des points discutés entre Israël et la Syrie auraient déjà été approuvés. Des arrangements sécuritaires dans le sud syrien seraient en voie de finalisation. Le cheikh Tarif aurait même contacté le leader druze syrien Hikmat al-Hijri pour préparer une médiation avec Damas. Les discussions devraient se poursuivre à Paris et à Bakou.

Ce qui frappe, c’est l’ombre américaine omniprésente. Thomas Barak a insisté pour que le corridor reste sous supervision internationale, évitant une gestion exclusivement israélienne. Washington et Damas craignent en effet que ce couloir humanitaire ne se transforme en « prix offert aux extrémistes ».

Un affaiblissement arabe, une opportunité israélienne

Ce qui était impensable il y a quelques années devient réalité : Israël discute ouvertement avec Damas, sans Assad, mais avec les nouvelles autorités syriennes affaiblies et isolées. Alors que Macron rêve de reconnaître un État palestinien, c’est paradoxalement en Syrie qu’Israël marque des points diplomatiques concrets.

Les slogans rageurs des Houthis ou de Téhéran rappellent que l’axe du refus se crispe, mais leur colère est aussi l’aveu d’une vérité dérangeante : même au sein du monde arabe, certains considèrent désormais Israël comme une puissance incontournable, y compris pour régler des crises intérieures syriennes.

Le réalisme contre l’idéologie

En somme, cette rencontre illustre une tendance lourde : le Moyen-Orient se redessine autour de rapports de force pragmatiques, non plus d’idéologies figées. La Syrie est trop affaiblie pour dire non, les Druzes exigent des garanties de sécurité, les Américains veulent contrôler le jeu, et Israël impose sa présence comme acteur incontournable.

À ceux qui crient à la « trahison » ou à la « normalisation », la réponse est simple : les peuples ont besoin de vivre, de circuler, de recevoir de l’aide. Pendant que les radicaux dénoncent, les accords se signent.

Israël démontre une fois de plus que, même au cœur du chaos syrien, son influence s’étend et qu’aucune discussion régionale ne peut désormais s’organiser sans lui.


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