La France se regarde dans un miroir déformant. Alors que Paris aime se présenter comme la capitale des droits de l’homme, un nouvel épisode d’une violence symbolique glaçante a secoué la communauté juive : l’arbre planté en mémoire d’Ilan Halimi, jeune juif torturé et assassiné en 2006 par la tristement célèbre « bande des barbares », a été scié en pleine nuit. Pour l’ambassadeur d’Israël en France, Yehoshua Zarka, ce n’est pas seulement un acte de vandalisme, mais une tentative assumée « d’effacer toute trace de judaïsme dans ce pays ».
Cette destruction n’est pas un simple geste marginal. Elle s’inscrit dans un climat d’antisémitisme galopant que le diplomate n’hésite pas à comparer à la montée du nazisme dans l’Europe des années 1930. « C’est un phénomène qui n’a pas de précédent depuis la Seconde Guerre mondiale », a-t-il affirmé dans un entretien à la télévision israélienne. Selon lui, les slogans hurlés dès le 8 octobre 2023 — alors même qu’Israël pansait encore ses plaies du massacre du Hamas — « mort aux juifs » résonnaient dans les rues de Paris, Londres et New York, orchestrés par une propagande financée par le Qatar et encouragée par la Turquie.
Ce parallèle dérange, mais il est implacable. Les manifestations pro-palestiniennes en France, brandissant le slogan « Stop au génocide », ont transformé des places comme la Place de la République en scènes de haine, où l’on confond volontairement la critique politique avec un appel explicite à la disparition des juifs. Or, comme le rappelle l’ambassadeur, « ces financements étrangers créent un terreau fertile pour la haine ».
Le silence relatif des autorités françaises, et parfois même leurs maladresses, n’arrangent rien. Emmanuel Macron, en flirtant avec l’idée de reconnaître un « État palestinien », offre involontairement une « rente morale » aux antisémites, selon Zarka. Car même si le président n’appelle pas directement à la haine, son manque de fermeté envers ceux qui accusent les juifs de soutenir Israël alimente un climat où les violences prolifèrent.
Les conséquences sont immédiates et tangibles. En 2024 et 2025, les actes antisémites en France ont explosé de plusieurs centaines de pourcents. Synagogues vandalisées, rabbins agressés en pleine rue, familles contraintes de cacher leur étoile de David ou d’ôter leur kippa avant de prendre le métro. Certains parents n’osent plus inscrire leurs enfants dans des écoles publiques. La peur, insidieuse, rappelle des heures sombres où les juifs cachaient leur identité pour survivre.
L’ambassadeur israélien, lucide, souligne une réalité que beaucoup en France refusent de regarder en face : l’exil devient une option sérieuse. La France compte la deuxième plus grande communauté juive du monde après Israël. Or, selon Zarka, la question n’est plus « faut-il faire son aliyah ? » mais « quand partir et dans quelles conditions ? ». Des milliers de demandes de visas d’immigration affluent auprès de l’Agence juive. Certains, dans une atmosphère qui rappelle tragiquement les années 1930, préfèrent même convertir leurs économies en or, « au cas où il faudrait fuir rapidement ».
Face à cette inquiétante spirale, il serait naïf de croire que tout repose sur les épaules des forces de l’ordre françaises. Certes, le ministère de l’Intérieur multiplie les annonces, et la police fait ce qu’elle peut. Mais comme l’a rappelé Zarka : « Le problème est la quantité. L’État n’arrive plus à suivre. » La multiplication des attaques dépasse la capacité d’intervention.
À l’international, cette vague antijuive en France choque Israël, mais elle devrait surtout inquiéter l’Europe entière. Car derrière l’ombre du Hamas, du Qatar ou d’Ankara, il y a un phénomène plus profond : la fragilité des démocraties européennes face à la manipulation idéologique et à la lâcheté politique. Pendant que Donald Trump appelle à un front ferme contre le terrorisme islamiste, l’Europe tergiverse et offre aux antisémites une tribune inespérée.
Le cas d’El Al est révélateur. Récemment, les bureaux de la compagnie aérienne israélienne à Paris ont été souillés de slogans accusant Israël de « génocide ».
Un symbole supplémentaire de cette dérive où l’on s’attaque non seulement aux juifs français, mais à toute trace d’Israël sur le sol européen. Comme si prendre pour cible une compagnie aérienne, des synagogues ou un arbre mémoriel relevait de la « résistance ». Il s’agit en réalité d’un terrorisme symbolique, qui vise à intimider et à isoler.
Dans ce contexte, les paroles de l’ambassadeur Zarka résonnent comme un avertissement. « Il y a des gens en France qui veulent effacer tout signe de judaïsme », dit-il. Derrière cette phrase se cache une vérité dérangeante : une partie de la société française, encouragée par la complaisance de certains médias et groupes militants, veut faire croire que l’existence même du peuple juif est une provocation. Cette inversion morale est d’autant plus absurde que les mêmes cercles restent étrangement silencieux face à la répression féroce exercée dans des pays comme l’Iran, le Yémen ou la Syrie — cette dernière, ne l’oublions pas, n’est plus dirigée par Assad mais par un régime tout aussi brutal.
L’histoire d’Ilan Halimi, jeune homme torturé pendant trois semaines simplement parce qu’il était juif, avait déjà marqué un tournant en 2006. Mais que vingt ans plus tard, l’arbre planté en sa mémoire soit profané, voilà qui montre que la haine n’a pas disparu : elle a muté, elle s’est adaptée, et elle s’exprime aujourd’hui au grand jour.
Il est frappant de constater que les juifs de France se retrouvent dans une situation paradoxale : d’un côté, une République qui proclame haut et fort lutter contre l’antisémitisme ; de l’autre, une réalité quotidienne où ils doivent cacher leur identité pour ne pas être agressés. Un rabbin agressé deux fois la même semaine, des familles contraintes d’enlever les autocollants « Bring Them Home » de peur des représailles, des enfants qui n’osent pas dire leur prénom en classe s’il sonne « trop juif ».
Pendant ce temps, le gouvernement Macron semble jongler avec un équilibre fragile entre électorat musulman, diplomatie internationale et pressions politiques internes. Mais à trop vouloir plaire à tout le monde, il finit par déplaire aux plus vulnérables : les juifs de France. La reconnaissance d’un État palestinien, que Paris agite comme un totem diplomatique, est perçue comme une véritable trahison par une grande partie de la communauté juive. Non pas par opposition à un règlement politique, mais parce que cette reconnaissance, dans ce contexte d’explosion antisémite, sonne comme un blanc-seing à ceux qui hurlent « mort aux juifs » dans les rues de Paris.
À l’inverse, Israël, malgré ses blessures encore ouvertes depuis le 7 octobre, continue de tendre la main à la diaspora. Les appels à l’aliyah se multiplient, avec un accent particulier mis sur la sécurité et l’intégration des nouveaux arrivants. Zarka l’affirme : « Les masses sont prêtes. Ce n’est plus une question de si, mais de quand. » Pour l’État hébreu, il ne s’agit plus seulement de renforcer son peuple face aux menaces extérieures, mais aussi de protéger les juifs de l’exil, ces frères et sœurs piégés dans un climat européen qui rappelle de sombres époques.
La comparaison avec l’avant-guerre n’est pas exagérée. Des familles juives qui investissent dans l’or pour pouvoir fuir rapidement ? Des synagogues barricadées comme des ambassades en zone de guerre ? Des enfants qui apprennent à taire leur judaïté pour survivre à l’école ? Oui, tout cela existe aujourd’hui en France, pays qui se prétend lumière des nations.
Dans cette tragédie moderne, l’humour noir pourrait presque s’inviter : on en viendrait à se demander si les prochains à se faire interdire en France ne seront pas… les boulangers qui vendent du pain azyme avant Pessah, accusés de « provocation culturelle ». Une caricature ? Peut-être. Mais il y a vingt ans, qui aurait cru qu’on oserait scier l’arbre d’Ilan Halimi ?
La France joue avec le feu. Et ce feu, c’est celui que les régimes islamistes comme le Qatar ou la Turquie attisent avec un plaisir cynique. Pendant que les intellectuels parisiens signent des tribunes pour la « Palestine libre », eux se frottent les mains : chaque slogan anti-israélien est aussi un slogan anti-juif.
En réalité, la question posée par Zarka n’est pas seulement franco-israélienne : c’est une question universelle. L’Europe est-elle prête à assumer une nouvelle hémorragie de sa communauté juive, après avoir déjà vu disparaître tant de ses enfants sous la botte nazie ? Ou préfère-t-elle fermer les yeux, au risque d’écrire une nouvelle page sombre de son histoire ?
Israël, lui, a déjà donné la réponse : « Nous sommes la maison des juifs, et nous vous attendons ». Un message à la fois rassurant et terriblement révélateur de l’état de la société française. Car lorsqu’un pays qui a inventé la Déclaration des Droits de l’Homme pousse ses juifs à partir, c’est qu’il a perdu une bataille essentielle : celle de sa propre âme.
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