Un nouveau front diplomatique s’ouvre entre Paris et Jérusalem. Selon une révélation de N12, la France envisage d’implanter une ambassade officielle dans les territoires de l’Autorité palestinienne, probablement à Ramallah. Cette décision, encore à l’étude, surviendrait dans la foulée de la reconnaissance française attendue de l’État palestinien à l’ONU en septembre prochain.
L’information a été confirmée par Ofer Bronstein, conseiller du président Emmanuel Macron pour le Moyen-Orient. Celui-ci a précisé que l’Élysée envisage une double dynamique : l’ouverture d’une ambassade palestinienne à Paris et, en miroir, celle d’une représentation française en Cisjordanie. Pour Bronstein, ce geste serait « cohérent avec la reconnaissance d’un État palestinien » et, selon lui, « servirait même l’intérêt israélien ». Dans une formule qui a fait bondir à Jérusalem, il a soutenu que « le 7 octobre n’aurait pas eu lieu si un État palestinien existait », avançant que la stabilité aurait empêché la tragédie.
Un bras de fer Macron-Netanyahou
Cette perspective s’inscrit dans un climat bilatéral délétère. Depuis plusieurs semaines, la relation entre Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou s’est envenimée par une série de lettres ouvertes et d’accusations croisées. Dans un courrier, le Premier ministre israélien a relié l’explosion de l’antisémitisme en France à la politique pro-palestinienne de Paris : « Votre appel à reconnaître un État palestinien alimente la haine antisémite, récompense le Hamas et encourage ceux qui menacent les Juifs de France », écrivait Netanyahou.
Macron a répliqué dans une réponse publique, rejetant tout amalgame entre lutte contre l’antisémitisme et débat politique. Il a reconnu des « divergences profondes » avec Israël tout en rappelant « l’amitié ancienne entre les deux peuples ». Mais il a martelé sa conviction : une Palestine souveraine serait « la condition d’un véritable démantèlement du Hamas » et le seul chemin vers une normalisation régionale.
Colère à Jérusalem
Pour Israël, ce projet d’ambassade est vu comme une provocation. Yael German, ancienne ministre et ex-ambassadrice d’Israël en France, estime qu’« un tel geste sera perçu comme une gifle en plein visage, une raison suffisante pour rappeler notre ambassadeur ». Même analyse pour la spécialiste des relations franco-israéliennes, Dr. Miriam Rossman : « C’est une rupture de jeu. Chaque étape depuis le 7 octobre a dégradé les relations, mais celle-ci franchit un seuil critique. »
Israël pourrait répliquer en fermant le consulat français à Jérusalem, qui sert actuellement de relais pour les populations palestiniennes. Une option déjà évoquée dans l’entourage gouvernemental.
Paris assume sa ligne
Malgré les menaces de rétorsion, Bronstein minimise les avertissements venus de Jérusalem, qu’il qualifie « d’absurdes ». Il insiste : « La guerre doit cesser, les otages doivent rentrer. Tant qu’elle continue, aucune normalisation n’est possible avec les États arabes. » La France se veut moteur d’une relance du processus à deux États, quitte à s’aliéner le gouvernement israélien actuel.
Pour Macron, l’ouverture d’une ambassade palestinienne à Paris serait également un geste fort envers l’opinion publique française, très divisée depuis la guerre à Gaza. Elle symboliserait le soutien de la France à la cause palestinienne tout en prétendant œuvrer à la sécurité d’Israël.
Un tournant diplomatique risqué
Ce projet survient alors que plusieurs capitales européennes, entraînées par Paris, s’apprêtent à voter la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU. Une dynamique que Jérusalem juge dangereuse et contre-productive, estimant qu’elle récompenserait la violence du Hamas et fragiliserait la position d’Israël dans ses négociations sécuritaires.
Derrière l’affichage, la question centrale reste inchangée : la France peut-elle maintenir une relation de confiance avec Israël tout en se posant en chef de file du camp pro-palestinien en Europe ? En donnant corps à sa reconnaissance par une ambassade à Ramallah, Paris prend le risque d’un divorce politique et diplomatique avec l’État hébreu.
Dans une région où chaque symbole compte, cette initiative constituerait une victoire symbolique pour Mahmoud Abbas, mais un revers direct pour Israël. À l’heure où Jérusalem lutte pour sa sécurité et sa légitimité internationale, la manœuvre française apparaît moins comme un geste de paix que comme un défi frontal.
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