À Paris, l’Institut du monde arabe (IMA) accueille depuis le 13 septembre une exposition sobrement intitulée « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire ». Au programme : près de 130 objets archéologiques, conservés depuis 2007 à Genève, qui retrouvent aujourd’hui la lumière sous les projecteurs parisiens.
Officiellement, il s’agit de montrer que Gaza fut, des millénaires durant, un carrefour des civilisations. Officieusement, on se demande si ce n’est pas aussi l’occasion de plaquer un vernis antique sur un discours très contemporain : celui d’une Palestine éternelle, victime par nature, et dont les statues grecques ou romaines deviendraient les témoins muets.
Aphrodite, Hécate… ou militante Free Palestine ?
L’un des symboles de l’exposition est une statuette en marbre blanc, découverte par un pêcheur au large de Gaza. Les experts hésitent encore : Aphrodite ? Hécate ? Une divinité hybride ? Peu importe : pour certains commentateurs, elle devient presque une ambassadrice des « 5 000 ans de Palestine ». Un raccourci historique qui ferait sourire n’importe quel archéologue sérieux, mais qui trouve un écho immédiat dans la rhétorique politique du moment.
Comme le note Ouest-France, cette collection illustre « la richesse culturelle et historique de la Palestine » (Ouest-France). Ce qu’on oublie de rappeler, c’est que ces objets témoignent avant tout de l’héritage hellénistique, romain, byzantin, puis islamique… autrement dit d’une mosaïque de cultures, loin de l’idée simpliste d’une continuité « nationale » de 5 000 ans.
Quand la culture sert de faire-valoir
Le contraste est saisissant : d’un côté, des trésors archéologiques qui évoquent la Méditerranée cosmopolite et ses échanges commerciaux ; de l’autre, un discours qui associe l’exposition à l’actualité brûlante de Gaza. Comme si Aphrodite pouvait témoigner du « génocide » dénoncé par certains militants.
Même le quotidien britannique The Guardian souligne régulièrement que l’archéologie du Proche-Orient a toujours été instrumentalisée pour servir des narrations nationales (The Guardian). Et l’IMA n’échappe pas à cette tentation : entre vitrines et cartels explicatifs, le visiteur est subtilement invité à faire le lien entre statuettes antiques et slogans contemporains.
Israël, l’absent invisible
Pas un mot, bien sûr, sur le rôle d’Israël dans la préservation ou la sécurisation de ces artefacts. Pourtant, chacun sait que le Hamas n’a jamais brillé par son amour des vestiges archéologiques. Les tunnels creusés sous Gaza ont détruit plus de sites antiques que n’importe quel conflit régional. Mais dans l’exposition parisienne, ce détail embarrassant est soigneusement évité : il casserait la dramaturgie.
Le paradoxe de l’héritage
Ironie suprême : si ces pièces sont visibles aujourd’hui, c’est parce qu’elles ont été stockées à Genève, à l’abri des guerres et des pillages. Autrement dit, hors de Gaza. La meilleure façon de « sauver » ce patrimoine aura donc été de l’exiler. Mais dans le récit proposé au public parisien, cette évidence disparaît au profit d’un storytelling séduisant : « 5 000 ans d’histoire palestinienne ».
On en vient à sourire : les statues gréco-romaines deviennent des preuves de l’existence d’un État palestinien… que même l’ONU n’a pas encore réussi à faire exister concrètement.
En vitrine, Aphrodite trône avec majesté, un demi-sourire sur les lèvres. Peut-être rit-elle, elle aussi, de voir son identité disputée entre les archéologues et les militants. Car au fond, cette exposition dit moins sur Gaza que sur Paris : la capitale française adore réinventer l’histoire pour habiller ses combats politiques.
Cinq mille ans d’histoire ? Oui. Mais surtout, cinq mille ans de projections, d’appropriations et d’ironie. Au final, les vraies questions restent entières : qui protège aujourd’hui Gaza, son peuple et son patrimoine ? Certainement pas ceux qui transforment les statues en banderoles idéologiques.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés