La question de savoir qui tient réellement les rênes du Hamas, ses dirigeants retranchés au Qatar ou les commandants restés à Gaza, est revenue au cœur du débat israélien après les déclarations du Premier ministre Benyamin Netanyahou. Dans un message publié sur X, il a accusé la direction de l’organisation installée à Doha de bloquer les négociations sur les otages, affirmant que « les chefs du Hamas à l’étranger ont saboté toutes les tentatives de cessez-le-feu pour prolonger la guerre ». Il a même reconnu que les tentatives d’élimination de ces responsables avaient échoué, estimant que leur disparition « lèverait l’obstacle principal au retour des captifs ».
Pourtant, comme le rappellent des analyses de Yedioth Ahronoth, avant l’élimination de Mohammed Sinwar et du commandant du Hamas à Rafah, les renseignements israéliens considéraient au contraire que la branche intérieure, sous la férule de Gaza, constituait le plus grand frein à tout compromis. Selon un ancien officier cité par Maariv, « Sinwar était l’architecte du refus, son élimination fut un choc stratégique et moral pour l’organisation ». Le basculement du discours officiel révèle ainsi l’extrême fluidité des rapports de pouvoir au sein du Hamas, où les luttes internes se doublent d’une instrumentalisation médiatique de chaque camp.
Sur le terrain diplomatique, cette dualité complique les efforts de médiation. Un négociateur proche du dossier, cité par Haaretz, souligne qu’« aucune transaction ne peut aboutir sans l’aval du Hamas de l’étranger, et aucune ne peut se mettre en œuvre sans l’accord du Hamas de Gaza ». Les Américains, eux, privilégient le canal qatari, estimé plus fiable que l’intermédiaire égyptien. Mais cette préférence accroît la dépendance vis-à-vis de Doha, dont l’ambivalence – allié des États-Unis tout en hébergeant les cadres du Hamas – suscite de vives critiques en Israël.
Le Jerusalem Post rapporte que les services de sécurité craignent qu’avec l’intensification des opérations terrestres, certains commandants sur place ne prennent des décisions indépendantes, court-circuitant les ordres venus de l’étranger. Dans ce contexte, les dirigeants de Gaza, tels qu’Izz al-Din al-Haddad, émergent comme figures clés de l’autorité locale, capables de peser directement sur le sort des négociations. Le flou stratégique entretenu par l’organisation, où Doha et Gaza se renvoient la responsabilité, permet au Hamas de gagner du temps et de semer la confusion parmi ses adversaires.
Pour Israël, cette bataille interne au Hamas a une signification capitale : identifier qui décide réellement, afin de savoir avec qui négocier et contre qui frapper. Netanyahou, en ciblant désormais les « dirigeants confortablement installés dans les hôtels de Doha », cherche à délégitimer l’aile politique du mouvement aux yeux de la communauté internationale, tout en rappelant que les habitants de Gaza paient le prix d’une guerre imposée par des chefs exilés. Mais l’histoire récente du mouvement islamiste démontre que ni l’aile intérieure ni l’aile extérieure ne peuvent être écartées. Comme le souligne Reuters, l’organisation fonctionne par consensus entre les différentes strates de son leadership, et toute transaction exige un feu vert conjoint.
Dans un contexte où les familles d’otages israéliens exigent des résultats rapides, l’idée d’un « double verrou » complique considérablement les perspectives. Plus largement, cette division apparente illustre l’un des enjeux stratégiques du conflit : Israël ne fait pas face à une entité unifiée, mais à un réseau éclaté, transnational, capable d’adapter son discours et ses alliances. La guerre contre le Hamas ne se joue donc pas seulement à Gaza, mais aussi dans les salons de Doha et les couloirs diplomatiques de Washington.
Sources : Yedioth Ahronoth (14.09.2025), Maariv (14.09.2025), Haaretz (14.09.2025), Jerusalem Post (14.09.2025), Reuters (14.09.2025), RakBeIsrael.buzz
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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