Trump après son appel à Netanyahou : « Pas de souveraineté israélienne en Judée-Samarie »

En pleine effervescence diplomatique à l’ONU, Donald Trump a déclaré qu’il n’autoriserait pas Israël à annexer la Judée-Samarie. Un message clair envoyé à Benyamin Netanyahou après leur conversation téléphonique, mais qui soulève une question de fond : que vaut encore le mot « allié » lorsqu’un pays impose à un autre ses lignes rouges politiques ?

La scène s’est déroulée à la Maison Blanche, après une rencontre entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan. Face aux journalistes, l’ancien président américain a tranché sans détour : « Je ne permettrai pas à Israël d’annexer la Judée-Samarie. Cela n’arrivera pas. Assez, il est temps d’arrêter. » Et de préciser : « Que j’aie parlé avec Bibi ou pas – et j’ai parlé avec lui – je n’autoriserai pas une telle décision. » Ces propos mettent un terme à toute spéculation autour d’un projet de souveraineté israélienne, même partielle, sur la vallée du Jourdain ou les blocs d’implantations.

Quelques heures plus tôt, Trump avait confirmé un entretien « positif » avec Netanyahou, centré sur la guerre à Gaza et sur une éventuelle avancée dans le dossier des otages. Dans les coulisses, ses émissaires, Jared Kushner et Steve Witkoff, ont rencontré à deux reprises le Premier ministre israélien à New York. L’objectif affiché : préparer un plan américain de sortie de crise incluant le retour des captifs et un mécanisme international de gouvernance à Gaza « le jour d’après ».

Mais le point de rupture demeure le même : pas de souveraineté israélienne en Judée-Samarie. Un « non » catégorique qui, selon les observateurs, permet à Netanyahou de justifier face à son aile droite l’absence de décision radicale – tout en révélant la dépendance croissante de Jérusalem aux humeurs de Washington.

La réaction française n’a pas tardé. Emmanuel Macron a affirmé à France24 que tout geste d’annexion serait « la fin des Accords d’Abraham », rappelant que les Émirats arabes unis ont posé cette limite dès 2020. Selon lui, l’Amérique et l’Europe se tiennent sur « la même ligne » : empêcher tout pas israélien en direction d’une souveraineté. À la clé, une menace à peine voilée : isolement diplomatique et sanctions.

À la Knesset, certains élus se sont insurgés. « La souveraineté du peuple juif sur sa terre n’est pas négociable et ne dépend d’aucun facteur extérieur, aussi ami soit-il », a écrit Tsvi Sukkot (Sionisme religieux). De son côté, Dan Illouz (Likoud) a rappelé : « Nous aimons et respectons le président Trump, mais la souveraineté en Judée-Samarie appartient au peuple juif seul. »

Cette dissonance illustre un paradoxe douloureux. L’État d’Israël se présente comme allié stratégique des États-Unis, pilier de la stabilité régionale. Mais dès lors que Washington impose ses « lignes rouges », le terme « allié » perd de sa substance. Qu’est-ce qu’un allié, sinon celui qui respecte votre liberté de décision souveraine ? Peut-on encore parler d’amitié quand la politique interne d’un pays se retrouve placée sous veto étranger ?

Trump, en homme pragmatique, raisonne en stratège électoral : maintenir la coalition fragile des États-Unis avec l’Europe et les pays arabes modérés, préserver les Accords d’Abraham comme vitrine de son premier mandat, et montrer qu’il contrôle la cadence des événements au Proche-Orient. Mais pour Israël, le coût est lourd : voir sa marge de manœuvre réduite, ses options stratégiques restreintes, et son image internationale confondue à celle d’un vassal obligé de céder à l’injonction de son « grand frère » américain.

La guerre à Gaza et la pression diplomatique pour une reconnaissance internationale de l’État palestinien compliquent encore la donne. Netanyahou, déjà affaibli politiquement, doit composer avec une base qui exige des gestes de souveraineté, tout en sachant que chaque pas hors du consensus américain risque de déclencher une tempête internationale.

Cette affaire illustre la fragilité de l’équilibre israélo-américain. Oui, Washington reste un allié indispensable sur le plan militaire et diplomatique. Mais la dépendance croissante met en lumière une vérité dérangeante : plus l’Amérique dicte ses conditions, plus le mot « allié » s’évide de son sens. Un allié qui vous empêche d’agir en accord avec vos intérêts vitaux cesse d’être un partenaire, pour devenir un tuteur.

Au-delà du dossier du jour, la question est donc existentielle : Israël peut-il continuer à baser son avenir stratégique sur l’aval d’une puissance étrangère ? Ou bien doit-il réaffirmer, coûte que coûte, sa souveraineté sur la Terre d’Israël, quitte à braver l’isolement ? Dans ce dilemme se joue l’avenir du sionisme politique : rester maître de son destin, ou dépendre éternellement du feu vert de ses protecteurs.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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