À la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a accusé Israël d’« essayer de faire exploser tout le Proche-Orient », fustigeant les frappes attribuées à l’État hébreu en Iran et au Qatar et s’opposant à toute annexion de la Cisjordanie. Sa diatribe ravive une ancienne contradiction : celle d’un État — la Russie — qui, tout en dénonçant la « déstabilisation », a consolidé au fil des années des appuis militaires et politiques à des régimes et groupes hostiles à Israël. (Asharq Al-Awsat)
Les faits — Lors de son intervention, Lavrov a déclaré sans ambiguïté que « l’usage illégal de la force par Israël contre les Palestiniens et les actions agressives contre l’Iran, le Qatar, le Yémen, le Liban, la Syrie et l’Irak menacent aujourd’hui de faire exploser tout le Proche-Orient ». Il a ajouté une critique nette contre toute perspective de « rattachement » de la Cisjordanie, qualifiant le scénario d’irresponsable. Ces propos interviennent après une série d’attaques transfrontalières — dont certaines, attribuées à Israël, ont visé des cibles liées à des acteurs iraniens — et après l’attaque controversée signalée récemment à Doha. (Asharq Al-Awsat)
Les réactions immédiates — À New-York, les remarques de Lavrov ont suscité des réactions contrastées : pour Moscou, il s’agit d’un signal politique adressé à Washington et aux pays du Golfe — et plus largement d’un moyen de positionnement stratégique sur le dossier régional. Pour Jérusalem et ses alliés, c’est surtout une rhétorique attendue, qui occulte la responsabilité des acteurs qui arment et protègent des régimes et des milices hostiles. Les diplomates occidentaux présents ont noté la portée symbolique du réquisitoire russe, au moment où la communauté internationale tente de contenir une escalade à multiples facettes. (Reuters)
La question centrale : hypocrisie ou stratégie ? — La remarque du commentateur français qui a introduit votre message capture une opinion largement partagée : comment la Russie, qui depuis dix ans soutient militairement et politiquement le régime syrien d’Assad, et qui a accru ses liens avec l’Iran, peut-elle se poser en juge moral ? Les faits sont bien connus — la présence militaire russe en Syrie depuis 2015, les livraisons d’équipement au régime et les coopérations opérationnelles avec Téhéran et ses proxies ont changé la donne régionale. Ce positionnement explique partiellement l’âpreté du ton de Lavrov : Moscou cherche à préserver sa sphère d’influence, à dénoncer ce qu’elle présente comme un défaut d’« équilibre », et à pointer du doigt les conséquences d’actions unilatérales. (Reuters)
Les implications politiques — Deux messages clefs se dégagent de cette joute rhétorique. D’une part, Moscou veut se poser en arbitre incontournable du Proche-Orient, en dénonçant les « provocations » pour mieux exiger des concessions diplomatiques ; d’autre part, cette posture sert aussi un objectif interne : renforcer l’axe Moscou-Téhéran-Damas face à l’influence américaine et à l’intégration régionale soutenue par certains États du Golfe. Pour Israël, l’enjeu est concret : la critique russe n’empêche pas les opérations qui visent à empêcher l’installation d’un corridor d’armement iranien, mais complique le jeu diplomatique et multiplie les voix qui appellent à encadrer l’action israélienne. (Reuters)
Sécurité et mémoire stratégique — Au-delà de l’hypocrisie mise en lumière, il y a une réalité stratégique : Israël considère que la neutralisation des capacités militaires iraniennes et de leurs relais dans la région est un impératif de survie. Pour Moscou, toute frappe susceptible d’embraser des États tiers est forcément condamnable ; pour Tel-Aviv, laisser libre cours à l’installation durable d’un axe hostile représenterait une menace existentielle beaucoup plus large. Cette tension entre « droit d’intervention préventive » et « risque d’escalade régionale » est au cœur de l’actualité — et rend la critique russe politiquement utile, mais militairement insuffisante si l’on se place du point de vue des intérêts israéliens. (Times of Israel)
Une géopolitique du double standard — L’argument d’un double standard n’est pas nouveau : la diplomatie russe a, ces dernières années, marché en parallèle avec des alliés régionaux (Iran, Syrie, certains milices chiites) tout en dénonçant la même logique de « déstabilisation » quand elle émane d’un rival. L’accusation de Lavrov fonctionne donc sur deux registres : elle vise à délégitimer les actions israéliennes aux yeux de l’opinion internationale ; mais elle cherche aussi à délester Moscou de toute responsabilité sur le maintien d’un équilibre régional asymétrique. Les États de la région observent et recalibrent leurs alliances en conséquence, aveuglés par aucun camp mais vigilants aux conséquences opérationnelles. (irregularwarfarecenter.org)
Que retenir ? — La diatribe de Lavrov ne changera pas les réalités sur le terrain : la protection des frontières d’Israël, la lutte contre les réseaux d’approvisionnement d’armes et la pression pour le retour des otages restent des priorités qui orientent les actions militaires de Tel-Aviv. Mais politiquement, la charge russe ajoute une difficulté : elle alimente le récit d’une communauté internationale fragmentée, où les critiques se superposent à des intérêts contradictoires. Face à cela, Israël devra conjuguer réponse militaire ciblée, action diplomatique pour isoler ses détracteurs et communication visant à rappeler l’origine des menaces qui le visent. (Asharq Al-Awsat)
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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