Le fracas des bombes en plein cœur de Sanaa a réveillé une crainte ancienne et douloureuse : celle du sort de Levi Marhabi, considéré comme le dernier Juif encore détenu au Yémen. Prisonnier des Houthis depuis 2016, il purge une peine arbitraire dans des conditions inhumaines. À la suite des frappes israéliennes sur la capitale yéménite, qui ont notamment visé des installations sécuritaires et des prisons, des voix locales craignent qu’il ait été pris dans le chaos.
Une frappe d’ampleur inédite
L’opération israélienne baptisée « Colis Express » a été présentée comme la plus importante jamais menée au Yémen par Tsahal. En riposte à l’attaque de drone qui avait frappé Eilat et blessé 22 personnes, l’aviation a ciblé sept sites houthis, dont des quartiers généraux militaires, des dépôts d’armes et plusieurs bâtiments du renseignement. Selon certaines sources, des prisons utilisées par le service de sécurité intérieur houthi auraient également été touchées.
C’est précisément là que se trouverait détenu Levi Marhabi. Le journaliste yéménite Ali Ibrahim al-Mushki a publié sur les réseaux sociaux un message alarmant : « Que devient le Juif Levi Marhabi, prisonnier depuis 2016 dans les geôles de Sanaa, après la destruction de centres sécuritaires et d’une prison ? »
L’histoire d’un prisonnier oublié
Né vers 1987, Levi Marhabi est l’un des derniers membres de la communauté juive du Yémen, jadis florissante et réduite aujourd’hui à une poignée d’âmes. En 2016, il a été arrêté par le service de sécurité national houthis, accusé d’avoir aidé à faire sortir du pays un Sefer Torah de plus de 800 ans, écrit sur peau de cerf et considéré par les autorités yéménites comme un trésor national.
Ce manuscrit avait été transféré en Israël par des Juifs yéménites ayant immigré, ce qui a servi de prétexte aux Houthis pour frapper leur propre minorité déjà menacée. Avec trois autres hommes, dont un employé de l’aéroport de Sanaa, Marhabi a été jugé lors d’un procès qualifié de mascarade par les ONG de défense des droits humains.
Conditions de détention effroyables
Depuis neuf ans, Marhabi est détenu dans des conditions particulièrement cruelles. Les rapports parlent de tortures, de privation de soins, de délabrement physique. Ses reins sont gravement atteints, il a perdu toutes ses dents à la suite de mauvais traitements et aurait souffert d’un accident vasculaire cérébral l’ayant laissé partiellement paralysé. Des témoignages font état d’interrogatoires répétés et de passages à tabac, visant à lui faire avouer des crimes imaginaires.
Pour la petite communauté juive encore présente au Yémen — quelques dizaines de personnes à peine —, l’histoire de Marhabi est devenue le symbole de leur persécution. Le gouvernement israélien et plusieurs ONG internationales ont à plusieurs reprises exigé sa libération, en vain.
Silence des Houthis, inquiétude internationale
Les Houthis n’ont jamais reconnu officiellement la détention de Marhabi ni répondu aux appels de libération. Aujourd’hui, après les bombardements israéliens sur Sanaa, le silence est encore plus glaçant. Si les frappes ont touché les bâtiments où il était enfermé, le risque est grand qu’il ait été blessé, voire tué.
L’ONU, déjà interpellée à plusieurs reprises, pourrait être contrainte d’exiger une clarification urgente. Israël, de son côté, suit de près la situation mais n’a publié aucune déclaration officielle quant au sort de Marhabi.
Une communauté éteinte
L’histoire de Marhabi est aussi celle de la fin d’un monde. Jadis centre du judaïsme oriental, le Yémen comptait jusqu’à 60 000 Juifs au milieu du XXe siècle. La grande majorité a quitté le pays dans les années 1950 lors de l’opération « Tapis volant » pour rejoindre Israël. Ceux qui restaient ont subi une lente agonie, entre hostilité sociale, guerres civiles et islamisation radicale. Aujourd’hui, il ne reste presque plus personne pour porter cette mémoire.
La double tragédie
Le cas de Levi Marhabi incarne une double tragédie : celle d’un homme injustement emprisonné depuis près d’une décennie, et celle d’une communauté juive millénaire rayée de la carte par la haine et l’intolérance. À l’heure où Israël frappe le cœur du pouvoir houthi pour sa sécurité, la question demeure : dans quel état se trouve le dernier Juif de Sanaa, otage d’une guerre qui n’est pas la sienne ?
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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