« Une déclaration historique » ? Indifférents à Gaza : « Nous avons regardé le football. »

La présentation conjointe par Donald Trump et Benjamin Netanyahou d’un plan de sortie de la guerre n’a pas provoqué l’embrasement d’espoir attendu dans la bande de Gaza. Entre scepticisme, résignation et réponses contrastées des factions armées, beaucoup d’habitants ont préféré l’échappatoire du football plutôt que d’écouter une « nouvelle fois » des promesses politiques. Les réactions, recueillies sur place, disent autant de la fatigue que de la défiance d’une population qui continue de payer le prix du conflit.

Les faits — Alors que la Maison-Blanche dévoilait les grandes lignes d’un dispositif destiné à mettre fin aux hostilités, les images venues de Gaza ont montré un pays partagé. Certains résidents n’ont même pas suivi la conférence ; d’autres ont guardé un mince espoir. Maher Haboush, influenceur connu dans la bande, résumait l’état d’esprit de nombreux Gazaouis : « Toute la journée il y a des tirs et des bombardements ; on attend des bonnes nouvelles, Insha’Allah. » Mais le quotidien impose ses priorités : « Au moment du discours, il y avait un match de football égyptien », rapporte Suleiman, habitant de Deir al-Balah. « Ceux qui ont une télévision ont choisi de regarder le match plutôt que d’écouter encore une transaction qui mettra encore une fois certains d’entre nous de côté. »

Des réactions officielles ambiguës — Les réactions publiques des organisations qui contrôlent la bande ont été prudentes, voire hostiles. Le porte-parole du Hamas n’a pas encore livré de position définitive, mais des voix de la direction ont déjà manifesté leur scepticisme. Mahmoud Mardawi, figure proche de la direction, a insisté sur la nécessité d’exiger « la détermination du sort du peuple palestinien » et a averti que toute solution qui ne garantirait pas la dignité et les droits de la population serait rejetée. De façon plus tranchée, Ziyad Nakhalah, secrétaire général du Jihad islamique, a dénoncé le texte comme « un accord américano-israélien qui ne reflète que la position de Tel-Aviv » et a averti qu’il pourrait alimenter de nouvelles violences.

La division au cœur de la société — Sur le terrain, ces positions se traduisent par une société fracturée : la plupart des familles souffrent d’un épuisement matériel et psychologique après des mois de combats ; la confiance dans les promesses extérieures est à son plus bas. « Soit le Hamas accepte, soit nous mourrons tous », lance Aamer, qui résume l’un des dilemmes tragiques de la population : l’absence de représentation directe et crédible dans les négociations internationales renforce l’impression que les décisions sont prises « au-dessus » des intérêts des civils. Les habitants oscillent entre l’espérance d’un cessez-le-feu immédiat et la certitude que les compromis proposés ne protégeront pas leurs vies.

Les enjeux militaires et humanitaires — Au-delà du débat politique, la question d’un retrait effectif des troupes et du déploiement éventuel de forces internationales demeure centrale. Plusieurs sources locales estiment que, même en cas d’accord, un retrait effectif et sécurisé prendra des semaines, voire des mois, et dépendra de garanties concrètes sur le terrain. Les besoins humanitaires restent immenses : infrastructures détruites, accès limité aux soins, et un réseau d’acheminement d’aide soumis aux aléas de la sécurité. Pour les Gazaouis, les paroles internationales ne valent que si elles se traduisent rapidement par des ouvertures tangibles.

Diplomatie, médiation et variables régionales — Le jeu diplomatique s’effectue aussi hors de Gaza. Les États arabes et internationaux, Qatar en tête, continuent de jouer un rôle de médiation, mais leurs priorités peuvent diverger — sécurisation, reconstruction, ou enjeux plus larges de légitimité et d’influence régionale. Le positionnement de la Tunisie, de l’Égypte ou de la Jordanie sur les modalités d’un retour à la « normale » est déterminant : qui sécurisera les points de passage ? Qui garantira la distribution d’aide ? Ces questions concrètes expliquent pourquoi bon nombre de Gazaouis restent prudents face aux annonces publiques.

Quelles perspectives ? — La succession de déclarations et de plans n’a pas entamé la méfiance générale. Pour que le plan ait une chance d’être accepté et durable, il faudra selon les acteurs locaux trois ingrédients : la liberté d’action de la population (liberté de déplacement et d’expression), des garanties de sécurité vérifiables et immédiates, et la restitution — centrale — des otages. Sans ces garanties, les annonces risquent de rester lettre morte, et le conflit de reprendre de plus belle. Les factions armées, conscientes de leur rôle de pouvoir réel sur le terrain, seront des acteurs décisifs du succès ou de l’échec du processus.

Conclusion — Entre espoir prudent et amère résignation, la réaction quotidienne des Gazaouis révèle la profondeur du traumatisme : beaucoup préfèrent, l’espace d’un instant, regarder un match plutôt que d’assister encore à des promesses. Ce réflexe d’échappement, ironique et poignant, symbolise la fatigue d’un peuple qui réclame avant tout la paix et la sécurité concrètes, non des déclarations. Tant que les engagements ne seront pas traduits en mesures tangibles protégeant la vie quotidienne, la suspicion prévaudra et la paix restera fragile.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés