Donald Trump vise le Nobel de la paix grâce à Gaza : coup diplomatique ou manœuvre d’image ?

Donald Trump ne cache plus son ambition : obtenir le prix Nobel de la paix. Alors que le président américain s’efforce d’imposer un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, une vaste enquête publiée par Bloomberg décrit des « efforts agressifs » pour convaincre le comité Nobel de récompenser son rôle dans la résolution de conflits mondiaux. L’annonce des lauréats doit tomber le 10 octobre, et à Washington comme à Oslo, la rumeur enfle : le dossier Gaza serait devenu la pierre angulaire de sa candidature.

Depuis plusieurs semaines, Trump multiplie les initiatives pour boucler ce qu’il présente comme « l’accord de paix du siècle » : une trêve immédiate à Gaza, l’échange des otages contre des prisonniers palestiniens, puis le désarmement progressif du Hamas. Ce plan, élaboré en concertation avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et relayé par son émissaire au Proche-Orient, Steve Witkoff, ainsi que par son gendre Jared Kushner, s’appuie sur une coalition d’États arabes modérés — Égypte, Jordanie, Émirats arabes unis et Bahreïn — déjà acquis aux Accords d’Abraham de 2020.

Mais derrière la diplomatie, Bloomberg souligne un calcul politique clair : la quête du Nobel. Trump aurait, selon le magazine américain, « orchestré en parallèle une campagne mondiale pour valoriser ses succès passés et convaincre les membres influents du comité norvégien qu’il a ramené la stabilité dans plusieurs zones de tension ». Parmi les exemples cités : l’apaisement d’un conflit frontalier entre l’Inde et le Pakistan, une médiation discrète en Afrique centrale entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, et même un accord de cessez-le-feu entre la Thaïlande et le Cambodge.

Ces affirmations sont toutefois contestées. Les observateurs rappellent que la plupart de ces affrontements avaient déjà cessé avant l’intervention américaine. Certains experts dénoncent un « storytelling opportuniste » visant à gonfler artificiellement le bilan diplomatique du président. Pour autant, Trump continue de capitaliser sur l’image d’un « faiseur de paix », notamment auprès de son électorat évangélique et pro-israélien, qui voit en lui l’homme des Accords d’Abraham et de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Lors d’un discours devant des officiers supérieurs de l’armée américaine, le président a raillé les critères du comité Nobel : « Ils donneront le prix à quelqu’un qui n’a rien fait. Ce serait un affront à notre nation. » Une déclaration prononcée moins de 24 heures avant qu’il ne dévoile sa « feuille de route de 20 points » pour Gaza. Le message est clair : Trump veut inscrire la fin de la guerre israélo-palestinienne à son palmarès avant la décision d’Oslo.

Dans les coulisses, ses collaborateurs s’activent. Steve Witkoff a évoqué la candidature de Trump lors de réunions diplomatiques avec ses homologues européens. Le secrétaire d’État Marco Rubio aurait également évoqué le sujet à plusieurs reprises. Et selon le journal norvégien Dagens Næringsliv, Trump lui-même aurait téléphoné en juillet à l’ancien secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, aujourd’hui ministre norvégien des Finances, pour parler… tarifs douaniers — mais aussi du Nobel. Une initiative jugée « très peu protocolaire » par la presse d’Oslo.

Même le monde économique s’en mêle : le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a récemment salué la gestion du programme de vaccination anti-Covid piloté sous l’administration Trump, estimant que « l’opération Warp Speed mériterait à elle seule un Nobel de la paix pour avoir sauvé des millions de vies ».

Pour l’heure, les chances réelles de Trump d’obtenir le Nobel semblent faibles. Le comité d’Oslo, farouchement indépendant, a rarement récompensé des dirigeants en exercice, encore moins des figures polarisantes. Mais certains analystes estiment qu’une trêve durable à Gaza pourrait renverser la donne : « Si Trump parvient à imposer un cessez-le-feu et à ramener les otages israéliens vivants, le monde serait obligé de reconnaître une réussite diplomatique majeure », explique l’ancien diplomate américain Dennis Ross.

Du côté israélien, le calcul est différent : Netanyahou y voit une fenêtre stratégique pour consolider la coopération militaire avec Washington tout en obtenant un cadre international légitimant la présence de Tsahal dans les zones sécurisées de Gaza. Le ministre de la Défense Yoav Gallant a salué « la détermination américaine à combiner fermeté militaire et initiative diplomatique », tandis que plusieurs députés de la coalition ont rappelé que la priorité reste « la sécurité des civils et la neutralisation du Hamas ».

La perspective d’un Nobel ne change pas le fond de la politique israélienne : Jérusalem soutient toute démarche qui permettrait la libération des otages et la fin du terrorisme, mais refuse tout retour du Hamas au pouvoir. En coulisses, des voix israéliennes proches de la droite rappellent que « le Nobel, ce n’est pas la paix — c’est le récit qu’on veut en faire ».

Le verdict tombera le 10 octobre. Si Trump remporte le prix, il rejoindra une liste qui inclut des figures aussi diverses que Barack Obama, Shimon Peres ou Yasser Arafat. S’il échoue, il n’en sortira pas affaibli : dans la bataille des images, sa seule candidature aura suffi à rappeler au monde son ambition de redevenir le négociateur incontournable du Moyen-Orient.

Et dans les couloirs de la Maison-Blanche, certains murmurent déjà que le vrai trophée de Donald Trump ne serait pas une médaille suédoise, mais une photo : celle de soldats israéliens et d’otages libérés rentrant chez eux sous les drapeaux d’Israël et des États-Unis.

Sources : Bloomberg, Globes, Infos-Israel.News, Dagens Næringsliv, Haaretz.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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