La fracture israélienne autour de la guerre et des otages a pris un tour brutal ce week-end. Le journaliste du Haaretz et chroniqueur de Channel 12, Haïm Levinson, a déclenché une véritable tempête politique et médiatique après avoir accusé sur la plateforme X (anciennement Twitter) les religieux et la droite nationaliste d’avoir « préféré des otages morts pour préserver leur rêve de colonies à Gaza ».
Ses propos ont surgi à la suite d’une controverse déjà houleuse : les huées contre Benyamin Netanyahou lors du grand rassemblement de samedi soir sur la place des Otages à Tel-Aviv, en présence de l’émissaire américain Steve Witkoff. Le commentateur politique de Channel 12, Amit Segal, avait dénoncé ces sifflets en écrivant :
« Tout ce qu’il faut savoir sur ceux qui ont hué ce soir, c’est qu’ils ont sifflé Netanyahou, mais pas Erdogan. »
L’escalade verbale
En réponse, Haïm Levinson a posté un message incendiaire :
« Tout ce qu’il faut savoir sur cette soirée, c’est que Witkoff est venu sur la place des Otages à Tel-Aviv et non à Jérusalem, parce qu’il n’y a tout simplement pas de place des Otages à Jérusalem. Les gens de droite, les religieux et les sionistes radicaux ont préféré des otages morts pour préserver leur hallucination de colonies à Gaza. »
Une phrase qui a aussitôt déclenché une avalanche de réactions indignées dans le monde politique, religieux et médiatique. Le journaliste Akiva Novick lui a répondu sèchement :
« Écoute Haïm, c’est un tweet vraiment dégoûtant. Tu vaux mieux que ça. »
Le chroniqueur juridique Avishai Grinzaig a renchéri :
« L’un de tes messages les plus odieux et absurdes — et il y en a eu beaucoup. »
Sur les réseaux, la majorité des réactions dénoncent « une diabolisation méprisante » de la droite et des religieux, dans un moment où la société israélienne cherche encore à panser ses plaies après deux années de guerre et d’attente des otages.
Une polémique symptomatique de la fracture israélienne
Derrière ce dérapage verbal se cache une réalité plus profonde : la désagrégation du consensus national autour de la question des otages. Si Tel-Aviv est devenue, depuis octobre 2023, le centre symbolique de la mobilisation des familles, Jérusalem reste à la marge de ce mouvement. Certains y voient la preuve d’une fracture géographique et idéologique : une capitale religieuse et conservatrice, moins encline à la contestation publique, face à une métropole libérale et médiatique où la pression morale sur le gouvernement s’exprime sans filtre.
Les critiques de Levinson traduisent une amertume croissante dans une partie de la gauche israélienne : le sentiment que les élites politiques et religieuses de droite ont priorisé la guerre, la souveraineté et l’idéologie territoriale au détriment de la cause humanitaire. Mais la virulence de son propos — assimilant ses compatriotes à des ennemis du peuple — a choqué jusque dans son propre camp.
Un ancien rédacteur du Haaretz, sous couvert d’anonymat, a déclaré à Infos-Israel.News :
« Levinson exprime un désespoir sincère, mais il le fait de manière destructrice. On ne peut pas reconstruire un pays en insultant la moitié de la nation. »
Une droite qui se sent stigmatisée
Dans les cercles proches de Religious Zionism et de Otzma Yehudit, on parle d’un « lynchage médiatique organisé contre les croyants ». Plusieurs députés de la coalition ont accusé Haaretz de franchir « une ligne rouge morale ». Le député Avi Maoz (Noam) a tweeté :
« Ces journalistes qui nous accusent de préférer des morts devraient venir voir nos soldats prier pour la vie de chaque otage. Leur haine est devenue une pathologie. »
Le camp religieux estime que la gauche instrumentalise la douleur des familles pour relancer une offensive politique contre le gouvernement. Pour eux, le combat pour la sécurité d’Israël et la lutte contre le Hamas restent la condition même du retour durable des captifs.
Une guerre des mots dans une guerre d’images
Depuis la signature du premier accord de cessez-le-feu, la bataille du récit s’intensifie. Les uns voient dans la mobilisation de Tel-Aviv un cri légitime de compassion ; les autres y lisent un sabotage politique, orchestré pour délégitimer Netanyahou et ses alliés. Les médias, eux, sont accusés de souffler sur les braises de cette guerre psychologique interne.
Le tweet de Levinson, au-delà de son outrance, révèle la profondeur d’une société qui peine à se retrouver. Deux ans après le 7 octobre, Israël reste traversé par des lignes de fracture idéologiques, religieuses et sociales que ni la guerre ni la diplomatie n’ont réussi à refermer.
Et pendant que les dirigeants du monde s’apprêtent à se réunir à Charm el-Cheikh pour parler de paix et de reconstruction, l’État juif, lui, se débat encore avec ses propres démons — ceux de la division et du ressentiment.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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