C’est un cri du cœur d’une intensité rare. Itzik Horen, père de deux fils enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023 – Eytan, toujours détenu jusqu’à présent, et Yair, libéré lors de la première vague d’échanges en janvier – s’est exprimé ce matin sur les ondes de 103FM. À la veille de la libération annoncée d’Eytan dans le cadre de la nouvelle phase de l’accord Israël–Hamas, ce père épuisé par deux ans d’attente a choisi de briser le ton solennel pour adresser un message glaçant au gouvernement israélien.
« On dit de nous que nous sommes ingrats, parce que nous n’avons pas remercié le Premier ministre. Alors oui, je veux le remercier : pour le 7 octobre, pour le fait que mes deux fils aient été enlevés, pour l’abandon. Pour le fait que Yair soit sorti après 500 jours et qu’Eytan ne sorte qu’après deux ans. »
Une douleur devenue révolte
Cette déclaration, prononcée à la radio nationale, résonne comme un réquisitoire contre Benyamin Netanyahou. Itzik Horen, visage familier des rassemblements de la Place des Otages à Tel-Aviv, n’en peut plus d’entendre certains ministres accuser les familles d’« ingratitude » pour avoir hué le Premier ministre samedi soir lors du discours de l’émissaire américain Steve Witkoff.
« Bibi s’est vexé parce qu’on lui a sifflé ? Nous ne faisons que commencer », avait déjà lâché une banderole à la manifestation.
Horen, lui, a mis des mots sur cette colère : celle de familles qui ne veulent plus être instrumentalisées ni accusées de trahison pour avoir exigé des comptes.
« Yair ne réussit pas à vivre sans Eytan »
Le père évoque aussi le drame intérieur de son fils Yair, revenu de captivité en janvier dernier, mais brisé.
« Je ne parle pas avec lui de sa captivité. On parle de football. »
Selon lui, Yair n’a jamais pu retrouver un équilibre :
« Yair n’a pas réussi à revenir à la vie sans Eytan. »
À chaque interview, à chaque souvenir évoqué, le jeune homme fondait en larmes. « Je coupais la télévision quand il pleurait, et aussi quand le Premier ministre parlait », confie Itzik Horen.
Le désaveu envers Netanyahou
Les mots d’Horen traduisent la rupture émotionnelle entre une partie du peuple israélien et son chef. Si la nouvelle trêve est saluée comme un pas vers le retour des otages, elle ne dissipe pas le ressentiment accumulé contre la gestion du 7 octobre, jour du massacre et des enlèvements massifs perpétrés par le Hamas.
Le père ne cache pas sa perte de confiance :
« Si tout au long de ces deux années, le Premier ministre nous a répété qu’il avait “anéanti le Hamas”, alors avec qui avons-nous signé un accord ? Qui continue de tirer sur nous ? Des fantômes ? »
Une phrase qui résonne comme une gifle dans un pays où le pouvoir continue de justifier les compromis douloureux par la nécessité de ramener « tous les fils à la maison ».
Quand la foi se déplace vers Trump
Paradoxalement, c’est l’implication directe de Donald Trump et de son équipe (Steve Witkoff, Jared Kushner) dans la médiation qui a rendu à Horen un brin d’espoir :
« Quand j’ai vu que c’est Donald Trump qui dirigeait l’orchestre, j’ai commencé à y croire vraiment. »
Cette remarque, anodine en apparence, illustre la profonde méfiance d’une partie des familles envers leurs propres institutions, et leur confiance croissante dans la diplomatie américaine plutôt qu’israélienne.
Une fracture morale nationale
Deux ans après l’attaque du 7 octobre, Israël reste déchiré entre la gratitude envers ses soldats et la rage contre un gouvernement accusé d’avoir failli. Les familles des otages, longtemps symbole de l’unité nationale, sont devenues le miroir d’un pays fracturé : d’un côté, ceux qui soutiennent la ligne dure de Netanyahou ; de l’autre, ceux qui exigent qu’il assume la responsabilité de la tragédie.
La douleur d’Itzik Horen dépasse la politique : elle incarne le cri d’un père qui n’attend plus de discours, mais la simple étreinte de ses deux fils.
Et, à travers ses mots, c’est tout un peuple qui demande enfin de rendre des comptes — pas seulement au Hamas, mais à ses propres dirigeants.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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