L’émotion et la colère après les propos de Maor Yinon, dont les parents ont été massacrés à Be’eri : “Je leur pardonne, pour sortir du cycle de la haine.”
C’est une déclaration qui a provoqué la stupeur en Israël. Maor Yinon, militant pacifiste connu et originaire du kibboutz Be’eri, où ses deux parents ont été assassinés par des terroristes du Hamas lors du massacre du 7 octobre 2023, a affirmé lors d’un entretien télévisé avec le journaliste britannique Mehdi Hasan qu’il “pardonnait au Hamas” pour leurs crimes.
Une phrase prononcée au nom de la paix, selon lui, mais reçue comme un choc par une grande partie du pays encore meurtri par l’attaque qui a tué plus de 1 200 Israéliens.
« Je leur pardonne, pour être libre de la haine »
Dans son interview, largement relayée par Channel 14 et reprise par Ynet, Maor Yinon a expliqué que ce pardon n’était “pas un oubli” mais un choix personnel pour ne pas se laisser détruire intérieurement :
“Le Hamas m’a volé mes parents, mais je refuse de leur laisser mon âme. Pardonner, c’est la seule façon de briser le cercle de la vengeance et d’avancer vers la paix.”
Yinon, qui milite depuis plusieurs années dans des mouvements de dialogue israélo-palestiniens soutenus par la Nouvelle Fondation d’Israël (NIF), a également déclaré qu’il soutenait des “sanctions ciblées contre des responsables extrémistes israéliens”, qu’il accuse d’alimenter la violence et de nuire à “la perspective de paix”.
Des propos qui bouleversent et indignent
Ces déclarations ont suscité une vague d’indignation dans la société israélienne, des réseaux sociaux jusqu’aux plateaux de télévision.
De nombreux Israéliens — y compris d’anciens rescapés du kibboutz Be’eri — ont exprimé leur incompréhension :
“Il pardonne à ceux qui ont brûlé ses parents vifs ? C’est une folie, pas un acte de paix”, a réagi un témoin du massacre sur Israel Hayom.
D’autres dénoncent une instrumentalisation politique de la tragédie personnelle de Yinon par certains cercles d’extrême gauche ou des médias étrangers désireux de présenter Israël comme “responsable” du conflit.
Le député Amit Halevi (Likoud) a été l’un des premiers à réagir :
“On peut comprendre la douleur de ce fils, mais pardonner à des assassins n’est pas un acte de paix. C’est une trahison morale envers les victimes et la nation.”
Yinon se justifie : “Je ne justifie pas le Hamas, je veux briser le destin qu’ils m’ont imposé”
Face à la polémique, Maor Yinon a publié une longue réponse écrite, précisant le sens de ses propos :
“Mes parents ont été tués par le Hamas. Ils ont été abandonnés par un gouvernement qui prétendait que Gaza était sécurisée. Mon pardon n’efface pas le crime, il me libère du destin de haine que le Hamas et le gouvernement ont choisi pour moi.”
Il a ajouté :
“Je veux croire en un avenir de réconciliation, comme entre les peuples juif et allemand après la Shoah. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un cercle de peur et de vengeance.”
Ces propos, empreints d’un idéalisme extrême, ont été jugés par beaucoup comme naïfs voire dangereux, dans un contexte où le Hamas continue de revendiquer ses crimes et de menacer Israël ouvertement.
La mémoire du 7 octobre : ligne rouge morale
Pour la majorité des Israéliens, la question n’est pas celle du pardon, mais de la justice.
L’historien Yossi Klein Halevi, interrogé par Times of Israel, souligne :
“Le pardon personnel est une démarche intime, mais pardonner publiquement au Hamas revient à effacer la responsabilité d’un génocide. Les Israéliens n’ont pas le luxe de l’amnésie morale.”
La comparaison faite par Yinon entre le Hamas et l’Allemagne d’après-guerre a également suscité la colère. Le rabbin Shmuel Eliyahu a dénoncé une “profanation de la mémoire des victimes”, rappelant que “la réconciliation judéo-allemande n’a été possible qu’après la défaite totale du mal”.
Une fracture profonde dans le camp pacifiste
Cette affaire révèle aussi la crise identitaire du camp de la gauche israélienne, déjà affaibli depuis le 7 octobre.
Le massacre de masse perpétré par le Hamas a brisé les illusions de coexistence pacifique que beaucoup portaient depuis les années Oslo. Certains militants, comme Yinon, persistent à croire à une “paix par le pardon”. D’autres, comme l’ancien député travailliste Nachman Shai, admettent :
“Nous avons été trahis par ceux à qui nous tendions la main. Le Hamas ne veut pas la paix, il veut notre disparition.”
Le droit au pardon… mais pas l’oubli
L’émotion suscitée par les propos de Maor Yinon illustre la tension entre la douleur individuelle et la responsabilité collective.
Dans un pays où chaque citoyen connaît un soldat, un otage ou une victime, la question du pardon touche au cœur même de l’identité nationale : Israël est une société forgée dans le souvenir, pas dans le renoncement.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi sobrement :
“Nous respectons toutes les douleurs, mais tant que le Hamas existe, notre devoir n’est pas de pardonner, mais de protéger.”
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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