C’est un scénario que peu d’Israéliens croyaient encore possible. Après des mois de guerre et l’effondrement du régime du Hamas à Gaza, l’Autorité palestinienne (AP) fondée par Yasser Arafat refait surface dans la bande côtière. Officiellement, il s’agit de « rétablir une gouvernance civile unifiée ». En réalité, cette résurgence orchestrée par des acteurs étrangers soulève à Jérusalem de vives inquiétudes : Israël n’aurait-il pas chassé le Hamas pour voir revenir, sous un autre nom, le même monstre politique ?
Selon Israel Hayom et Reuters, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair joue les médiateurs entre Ramallah, les Émirats arabes unis et Washington afin de bâtir une « nouvelle Autorité palestinienne » chargée de gérer les affaires civiles à Gaza, sous supervision régionale. Les Émirats auraient accepté de financer la reconstruction, à condition que le Hamas soit écarté de toute participation militaire. Mais derrière cette façade, nombre d’officiels israéliens voient un piège.
Les trois concessions israéliennes
D’après les révélations d’Amît Segal, Jérusalem aurait accepté trois concessions symboliques. D’abord, une reconnaissance de principe des Palestiniens comme « partenaires futurs », à condition qu’ils adhèrent à la Trump Peace Initiative — en clair, qu’ils se comportent « comme des Suisses ».
Ensuite, la possibilité pour les Émirats de revenir à Gaza, non pas sous mandat du Hamas, mais sur invitation officielle de l’Autorité palestinienne. Enfin, la reconnaissance de la nécessité d’une entité politique palestinienne unique pour la Judée-Samarie et Gaza, un vieux rêve de Ramallah.
Bezalel Smotrich, ministre des Finances et figure de l’aile dure du gouvernement, s’est immédiatement opposé à ces compromis. « Reconnaître une structure palestinienne entre le Jourdain et la mer, c’est légitimer à nouveau le projet nationaliste qui nous a coûté des milliers de vies », a-t-il déclaré sur Channel 14.
Netanyahou temporise, Dermer justifie
Face à la controverse, le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer ont tenté de calmer le jeu. Selon eux, le retour de l’Autorité palestinienne ne signifie pas une reprise de contrôle sur Gaza, mais une façade administrative sous supervision israélienne et occidentale.
« Ce qui compte, ce n’est pas qui signe les documents, mais qui détient les armes », a expliqué Dermer. Autrement dit : l’AP pourra gérer les écoles et les hôpitaux, mais la sécurité restera entre les mains de Tsahal et d’une force internationale alignée sur Washington.
Le modèle envisagé s’inspire partiellement de l’ancienne Administration civile israélienne des années 1980, adaptée à un contexte post-guerre. Mais les critiques fusent, y compris dans la majorité : « Avons-nous combattu pour installer un Hamas civil financé par Ramallah ? » s’est emporté un ministre du Likoud, cité par Maariv.
Tony Blair, l’ingénieur de la « nouvelle Gaza »
C’est l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair qui pilote discrètement ce chantier diplomatique. Depuis son bureau londonien de la Tony Blair Institute for Global Change, il coordonne les discussions entre les Émirats, le Qatar et les représentants américains. L’objectif : créer un organisme civil de transition qui administrerait Gaza pendant la reconstruction, tout en préparant le terrain à un retour partiel de l’AP.
Selon Al-Arabiya, Blair a promis aux bailleurs arabes que les anciens employés du Hamas — enseignants, ingénieurs, fonctionnaires municipaux — seraient « réintégrés » dans la nouvelle structure. Une promesse qui scandalise la droite israélienne. « Nous n’avons pas versé le sang de nos soldats pour voir les collaborateurs du Hamas toucher des salaires occidentaux », a fustigé le député Avi Dichter.
Une souveraineté nominale
Au cabinet de sécurité israélien, la ligne rouge est claire : aucune autorité palestinienne, qu’elle soit civile ou militaire, ne doit disposer d’un pouvoir coercitif à Gaza.
Un haut conseiller de Netanyahou, cité par The Times of Israel, précise : « La présence d’un drapeau palestinien ou d’un bureau à Gaza n’est pas un problème. Ce qui compte, c’est que les armes restent sous contrôle israélien. »
Autrement dit, Israël accepte un décor diplomatique tant qu’il ne touche pas à la réalité militaire. Cette distinction, purement pragmatique, vise à rassurer les partenaires américains et arabes sans compromettre la souveraineté israélienne sur la sécurité.
Un retour qui inquiète les Israéliens
Pour une majorité d’Israéliens, cette réapparition de l’Autorité palestinienne suscite méfiance et lassitude. L’organisation, discréditée à Ramallah par la corruption et l’inefficacité, ne jouit plus d’aucune légitimité populaire.
« Ramener Abbas à Gaza, c’est comme ramener un fantôme », résume le chroniqueur militaire Yoav Limor sur Channel 12. Le président palestinien, âgé de 89 ans, prépare déjà sa succession, et la plupart des analystes doutent de la capacité de son appareil à contrôler un territoire aussi explosif que Gaza.
Dans les faits, la bande côtière reste une zone fragmentée : les forces israéliennes y opèrent encore, les ONG internationales s’y installent timidement, et les milices islamistes continuent de circuler dans les ruines.
La guerre après la guerre
Pour Israël, le véritable danger n’est pas seulement le retour de l’AP, mais celui de l’idéologie.
« Si la reconstruction de Gaza sert à blanchir le Hamas sous une autre bannière, nous aurons échoué », confie un officier supérieur à Infos-Israel.News. Le gouvernement redoute une « réhabilitation diplomatique du Hamas », financée par les fonds occidentaux et administrée par Ramallah.
C’est tout l’enjeu des semaines à venir : reconstruire sans réhabiliter, pacifier sans capituler.
Car derrière les discours sur la « nouvelle Gaza » se cache une vérité géopolitique crue : le Proche-Orient ne supporte pas le vide de pouvoir. Et lorsque les diplomates rêvent d’équilibre, ce sont souvent les extrémistes qui reviennent les premiers.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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