Israël : 38 citoyens recrutés par l’Iran — le visage méconnu de l’espionnage intérieur

Depuis le début de la guerre du 7 octobre, les services de sécurité israéliens ont ouvert 38 enquêtes pour espionnage au profit de l’Iran. Le dernier cas, celui de Yossef Ein Eli, 23 ans, originaire de Tibériade, révèle un schéma désormais bien connu : des jeunes Israéliens endettés ou marginalisés, manipulés en ligne par des agents iraniens qui les entraînent pas à pas vers la trahison, souvent pour quelques milliers de shekels.

Les détails de l’affaire, révélés par le journaliste Roi Yanovsky sur Kan 11, montrent comment les services de renseignement iraniens ont perfectionné une méthode redoutablement simple : tester la loyauté du recrue à travers de petites missions anodines, avant de l’impliquer dans des tâches de plus en plus risquées.

« Tout commence avec une photo d’un supermarché contre 500 shekels », explique Yanovsky.
« Ensuite, on demande de filmer un bâtiment public visible sur Google Maps. Puis, progressivement, l’espion est piégé — financièrement et psychologiquement. »

Dans le cas d’Ein Eli, les Iraniens l’ont d’abord chargé de photographier des hôtels autour de la mer Morte et du sud d’Israël, en échange de 12 000 shekels. Puis, les missions se sont transformées en demandes de renseignements militaires : mouvements de soldats, dispositifs de sécurité du ministre de la Défense Israël Katz, et jusqu’à des images de sites liés au système Dôme de fer.
Selon les enquêteurs du Lahav 433, même un contact indirect ou une mission « mineure » constitue déjà un crime grave contre la sécurité nationale.

Les profils des recrues sont variés mais présentent des points communs inquiétants : endettement, chômage, isolement social ou appât du gain. Aucun n’est motivé par l’idéologie.

« Ils ne sont ni militants ni agents dormants, mais des citoyens ordinaires qu’on a achetés », résume un officier du Shin Bet.

L’Iran, de son côté, exploite les failles psychologiques et économiques d’une société épuisée par la guerre. La stratégie est claire : multiplier les infiltrations de bas niveau, sans chercher de coups d’éclat, afin de fragiliser le moral israélien et récolter des informations logistiques sur la vie quotidienne de l’armée et des institutions civiles.

Les autorités rappellent qu’un simple échange sur les réseaux sociaux avec un contact étranger suspect doit être signalé immédiatement.

« Il n’y a pas de mission “légère” pour un espion », insiste un porte-parole de la police.
« Ce qui commence par une photo peut finir par une trahison. »

Depuis octobre 2023, la coopération entre la police et les unités de contre-espionnage du Shin Bet s’est renforcée. Plusieurs filières ont été démantelées à Haïfa, Jérusalem et Beer-Sheva, parfois avant même que leurs membres ne comprennent l’ampleur de ce dans quoi ils s’étaient engagés. Certains dossiers sont déjà transférés devant la justice militaire, d’autres restent classifiés.

L’affaire Ein Eli illustre la capacité de Téhéran à utiliser les réseaux sociaux et les plateformes anonymes comme champ d’action privilégié. Sous couvert d’offres d’emploi ou de missions de “freelance”, les agents iraniens séduisent les candidats par de petits versements rapides en cryptomonnaie.
Un responsable de la cyber-division israélienne confie :

« Les Iraniens savent qu’ils ne peuvent pas briser Tsahal sur le champ de bataille. Ils cherchent donc à le miner de l’intérieur, un citoyen à la fois. »

Ce phénomène révèle un enjeu plus large : celui de la résilience sociale israélienne. Dans un pays où la guerre et les tensions économiques s’installent dans la durée, la frontière entre détresse financière et vulnérabilité sécuritaire devient floue. La bataille du renseignement n’est plus seulement une affaire de services secrets — elle se joue désormais dans les salons, les téléphones et les comptes bancaires des citoyens ordinaires.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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