Meme cellule : Yifat Tomer-Yerushalmi détenue à la prison de Neve Tirza avec l’épouse du patron de l’Histadrout

C’est une scène surréaliste qui illustre la tourmente politique et judiciaire d’Israël : Yifat Tomer-Yerushalmi, ancienne procureure militaire en chef, partage désormais sa cellule à la prison de Neve Tirza avec Hila Bar David, l’épouse d’Arnon Bar David, président de l’Histadrout. Un choix voulu par le ministère de la Sécurité nationale, officiellement « pour des raisons de sécurité », mais que certains voient comme une mesure d’humiliation publique.

Selon les autorités pénitentiaires, le placement conjoint des deux femmes a été décidé après la tentative de suicide présumée de Yifat Tomer-Yerushalmi, survenue quelques jours plus tôt à la plage de Tel-Aviv. La direction du Service des prisons (IPS) a jugé nécessaire de la maintenir « sous surveillance rapprochée » — une formule qui dissimule mal les tensions politiques entourant cette affaire.

Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, aurait personnellement donné des instructions pour que l’ancienne haute magistrate soit placée dans une cellule d’isolement « sous caméra continue », et en présence d’une codétenue choisie. Selon Channel 14, il s’agirait de Hila Bar David, arrêtée dans le cadre d’un dossier de corruption interne à l’Histadrout, et considérée comme « détenue sensible ».

Les autorités expliquent que cette cohabitation vise à « assurer la sécurité de chacune », évitant un isolement total après la crise psychologique de Tomer-Yerushalmi. Pourtant, plusieurs observateurs y voient une mise en scène politique. Un responsable de l’administration pénitentiaire, cité anonymement par C14, a reconnu : « L’ordre venait d’en haut. L’objectif est clair : qu’elle soit vue, qu’elle soit exposée. »

Ben Gvir a tenu à souligner « l’importance de préserver la vie humaine, tout en permettant la poursuite de l’enquête dans la transparence et la rigueur ». Derrière ces mots, un autre message se lit : celui d’un ministre déterminé à affirmer son autorité sur les institutions judiciaires. La rivalité entre le ministère de la Défense et celui de la Sécurité nationale s’était déjà accentuée après la démission forcée de Tomer-Yerushalmi, accusée d’avoir « couvert » certains officiers dans des affaires d’abus présumés à Gaza.

L’affaire a pris un tour explosif lorsqu’une accusation de “meurtre rituel” contre des soldats de Tsahal a été évoquée par certains médias radicaux, puis démentie par l’armée. Ce glissement vers le sensationnalisme a conduit la procureure à être la cible d’une campagne virulente sur les réseaux sociaux. Harcelée, attaquée par des députés de droite, elle aurait sombré dans une profonde détresse avant de mettre en scène sa disparition.

L’épisode a secoué le pays : une figure de la justice militaire, connue pour sa rigueur et sa loyauté envers l’institution, tombant sous le feu politique. Le placement dans la même cellule que l’épouse d’un syndicaliste influent, elle-même impliquée dans un scandale, ajoute une dimension presque théâtrale à cette descente aux enfers.

Les milieux juridiques dénoncent une instrumentalisation de la justice. « Ce qui arrive à Yifat Tomer-Yerushalmi est une mise en garde adressée à tous les magistrats qui oseraient s’opposer au pouvoir », déclare un ancien procureur militaire sous couvert d’anonymat. À l’inverse, les soutiens de Ben Gvir justifient la décision par des « impératifs sécuritaires et psychologiques ».

Le symbole n’échappe à personne : deux femmes, deux mondes — la justice militaire et le syndicalisme civil — réunies dans une même cellule, sous la caméra d’un État en crise de confiance. Israël, où la guerre et la politique se confondent de plus en plus, semble désormais régler ses comptes à huis clos.

À Neve Tirza, les caméras tournent. À Jérusalem, les langues se délient. L’image d’une procureure en uniforme, devenue prisonnière d’un système qu’elle servait, résonne comme un avertissement.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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