Le Hezbollah tente une nouvelle fois de redéfinir la souveraineté libanaise à son profit. En affirmant que « le Liban est tenu par le cessez-le-feu mais pas contraint de négocier avec Israël », la milice chiite renforce sa posture d’État dans l’État et fragilise les efforts diplomatiques de Beyrouth pour éviter une nouvelle guerre. Derrière le discours d’« autodéfense légitime » se profile une stratégie claire : maintenir la pression sur la frontière nord et préserver l’agenda régional de Téhéran.
Dans un communiqué publié ce jeudi, le mouvement chiite a réaffirmé sa « légitimité à résister à l’occupation et à l’agression israélienne », en précisant qu’il « se tient aux côtés de l’armée et du peuple libanais pour défendre la souveraineté nationale ». Ces formules, rodées depuis des décennies, traduisent en réalité la volonté du Hezbollah d’imposer sa lecture des événements, bien au-delà des institutions officielles du pays. L’organisation affirme que, si le Liban respecte l’accord de cessez-le-feu, « cela ne signifie pas qu’il doive être entraîné dans des négociations politiques avec l’ennemi ».
Cette sortie survient une semaine après la décision du président libanais Joseph Aoun d’ordonner à l’armée de répondre à toute « incursion israélienne » au Sud-Liban, après un incident frontalier ayant coûté la vie à un employé municipal. Les troupes israéliennes, engagées dans des opérations de sécurité le long de la Ligne bleue, avaient traversé de quelques mètres le territoire libanais à la suite d’une alerte opérationnelle. Malgré les efforts de médiation des États-Unis, le Hezbollah a immédiatement saisi l’occasion pour se présenter en « défenseur de la souveraineté libanaise », tout en alimentant la tension.
Depuis la mort d’Hassan Nasrallah, il y a un an, le Hezbollah cherche à préserver son image de « résistance populaire » face à Israël. Les commémorations organisées en septembre dernier sur la plage de Beyrouth, drapeaux jaunes au vent, ont rappelé que le mouvement conserve un appareil de propagande intact, soutenu par l’Iran et toléré par les autorités libanaises. La photographie d’Anwar Amro (AFP), montrant des milliers de sympathisants rassemblés sous les portraits de Nasrallah, illustre l’emprise politique et émotionnelle que la milice exerce toujours sur une partie de la population chiite.
Du côté israélien, cette déclaration n’a rien d’une surprise. Les services de renseignement de Tsahal surveillent de près les mouvements du Hezbollah au Sud-Liban, notamment dans les zones de Maroun al-Ras et Bint Jbeil, où des drones d’observation ont repéré ces dernières semaines des activités suspectes. Selon des sources militaires israéliennes, la milice conserve des dizaines de positions fortifiées et de dépôts d’armes à quelques kilomètres de la frontière, en violation directe de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui interdit toute présence armée autre que celle de l’armée libanaise.
Sur le plan diplomatique, les propos du Hezbollah interviennent alors que Washington tente de consolider le cessez-le-feu fragile entré en vigueur en octobre, après des mois de frappes mutuelles. Les États-Unis, par la voix du secrétaire d’État, ont rappelé que « toute partie libanaise qui menace la stabilité de la région met en danger le peuple libanais lui-même ». Pourtant, Beyrouth peine à parler d’une seule voix : l’État officiel cherche la désescalade, tandis que le Hezbollah agit en acteur autonome, fidèle à la stratégie iranienne d’« encerclement » d’Israël par des milices interposées – du Hamas à Gaza jusqu’aux Houthis au Yémen.
Cette dichotomie interne au Liban n’est pas nouvelle, mais elle devient plus périlleuse que jamais. Dans un pays en crise économique profonde, où la livre libanaise s’effondre et les infrastructures s’écroulent, la priorité devrait être la reconstruction et non la confrontation. Pourtant, le Hezbollah continue d’instrumentaliser la colère populaire contre Israël pour détourner l’attention de ses propres échecs politiques et de son implication dans les trafics régionaux.
Pour Israël, l’enjeu est clair : empêcher que le Liban ne se transforme à nouveau en base avancée du front iranien. Depuis la guerre de 2006, l’armée israélienne a considérablement renforcé son dispositif au nord du pays. Les exercices conjoints entre les divisions du commandement Nord et l’unité 91, « Galilée », visent précisément à anticiper une reprise des hostilités. Le ministre de la Défense, Yoav Katz, l’a rappelé récemment : « Israël ne cherche pas l’escalade, mais toute violation de notre souveraineté entraînera une réponse immédiate. »
Le message du Hezbollah – « nous soutenons notre armée tout en gardant notre droit à la résistance » – résume toute l’ambiguïté de la scène libanaise : une armée nationale affaiblie, doublée d’une milice qui se prétend son alliée tout en la supplantant. En refusant toute perspective de dialogue avec Israël, le Hezbollah bloque toute évolution politique et condamne le Liban à rester otage de sa rhétorique guerrière.
Au-delà du Sud-Liban, cette posture illustre l’impasse régionale : Téhéran ne veut ni guerre totale ni paix réelle, mais une tension permanente qui maintient Israël sous pression et empêche toute normalisation durable avec les États arabes voisins. En prétendant défendre la « souveraineté libanaise », le Hezbollah ne protège personne — il protège l’influence iranienne sur la Méditerranée.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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