Bataille à la Cour suprême : Ben Gvir, Tibi et Gotliv s’affrontent autour du droit de visite à Barghouti

Un débat explosif a secoué la Cour suprême israélienne. Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, le député arabe Ahmad Tibi et la députée du Likoud Tali Gotliv se sont affrontés lors d’une audience portant sur le droit de visite de parlementaires israéliens à des prisonniers sécuritaires, dont le chef du Fatah Marwan Barghouti. Entre invectives, expulsions et accusations de partialité, l’audience s’est transformée en scène politique à ciel ouvert.

Les faits
Dimanche matin, la Cour suprême a tenu audience sur une requête déposée par le député Ahmad Tibi (Ra’am-Ta’al) et l’organisation Adalah. Cette requête visait à obtenir l’autorisation pour les membres de la Knesset de rencontrer des prisonniers sécuritaires palestiniens, en particulier Marwan Barghouti, condamné à la prison à vie pour son rôle dans les attentats de la Seconde Intifada.
Depuis plus d’un an, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir refuse d’accorder de telles permissions, invoquant des « motifs de sécurité ». L’audience, présidée par le juge en chef Yitzhak Amit et les juges Daphna Barak-Erez et David Mintz, devait examiner si ce refus constituait une entrave au rôle de contrôle parlementaire.

Le climat s’est rapidement enflammé. Selon Ynet et Israel Hayom, Ben Gvir a déclaré aux juges : « Il faut comprendre qu’il y a une véritable promenade de députés dans les prisons. » Le président Amit lui a rétorqué : « Ce n’est pas à vous de décider, mais au service pénitentiaire. » Le ministre a concédé : « Je fixe la politique générale, pas les cas particuliers. »
(ynetnews.com)

Tali Gotliv, députée du Likoud, accompagnait Ben Gvir. Bien que la Cour lui ait permis de s’exprimer, elle n’a cessé d’interrompre le débat. Après plusieurs avertissements du juge Amit — « Ce n’est pas la Knesset ici, madame Gotliv » — elle a refusé de se taire et a été expulsée de la salle. En sortant, elle a lancé : « Vous avez déshonoré la Cour ! »
Plusieurs membres du public ont alors crié « Honte à vous ! », tandis que d’autres accusaient Tibi de « soutenir le terrorisme ». Sept personnes, dont Gotliv, ont été escortées hors du tribunal.
(timesofisrael.com)

Les positions en présence
Ahmad Tibi et l’organisation Adalah affirment que Ben Gvir agit « sans autorité légale » et viole le droit des députés à exercer leur fonction de supervision, notamment en matière de conditions de détention. Selon leur recours, « refuser ces visites sur la base de considérations politiques ou ethniques revient à instaurer une discrimination entre prisonniers juifs et arabes ».
L’État, représenté par le procureur Roi Shweika, a rétorqué que la demande de Tibi avait été « examinée individuellement » et rejetée pour « des raisons de sécurité impérieuses ». Il a rappelé que la politique du ministre avait déjà été validée par la Cour suprême dans les précédents arrêts Jabarin (2020) et Gal-On (2011), lesquels confirment qu’aucune loi n’accorde un accès libre des députés aux prisons de sécurité.
(haaretz.com)

Une séance sous tension
L’atmosphère dans la salle G de la Cour suprême s’est tendue au point de tourner à l’affrontement verbal. Des mères endeuillées de victimes du terrorisme ont interpellé les juges : « Nos enfants ont été assassinés, et vous discutez de visites à leurs meurtriers ! » Une autre femme a crié : « Ils ont égorgé nos enfants ; une balle dans la tête, voilà ce qu’ils méritent ! »
Les juges ont dû interrompre à plusieurs reprises l’audience pour rétablir l’ordre. Le président Amit a déclaré : « Il n’existe pas, dans le monde démocratique, un tribunal suprême qui tolère un tel désordre. »
Malgré l’agitation, la Cour n’a pas rendu de décision immédiate : elle a pris la requête « en délibéré » et pourrait publier un jugement dans les semaines à venir.

Au-delà du tumulte, cette affaire révèle une fracture profonde : la tension entre le pouvoir judiciaire, soucieux de préserver le cadre légal, et un pouvoir politique dominé par des figures qui contestent l’indépendance des juges. Pour Ben Gvir et Gotliv, la scène judiciaire devient un théâtre d’affirmation politique. Pour Tibi, elle illustre la « discrimination systématique » contre les Arabes d’Israël.
Le fond du litige — la possibilité pour des élus arabes de visiter des prisonniers palestiniens — symbolise un conflit d’interprétation : transparence parlementaire ou collusion .

L’audience pourrait servir de précédent sur la séparation des pouvoirs : la Cour devra trancher entre le droit de contrôle des députés et la sécurité nationale. En toile de fond, le dossier Barghouti reste hautement sensible : le leader du Fatah, vu par certains comme un futur interlocuteur politique, est encore perçu par d’autres comme un terroriste sans repentir.
La tempête judiciaire renforce l’image d’une société israélienne polarisée où même la Cour suprême, censée incarner la neutralité, devient l’arène d’un affrontement idéologique.

Cette audience n’aura pas simplement opposé des juristes : elle a cristallisé toutes les tensions du moment — sécurité, représentation arabe, légitimité des institutions et colère populaire. La scène du jour restera comme une photographie saisissante de l’Israël de 2025 : un pays démocratique vibrant, mais fracturé, où la justice demeure le dernier rempart et le premier champ de bataille.

 


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