Liberman accuse Netanyahou d’avoir promis la libération de terroristes à Rafah : le bureau du Premier ministre dément

Secretary of Defense Jim Mattis meets with Israel's defense minister, Avigdor Lieberman, at the Pentagon in Washington, D.C., March 7, 2017. (DOD photo by U.S. Air Force Staff Sgt. Jette Carr)

Un nouvel affrontement politique s’est ouvert à Jérusalem après les accusations explosives d’Avigdor Liberman. Le président d’Israël Beiteinou affirme que Benyamin Netanyahou aurait promis aux Américains de libérer des terroristes retranchés à Rafah sans consulter ni le cabinet ni les services de sécurité. Le bureau du Premier ministre dément catégoriquement.

La scène politique israélienne s’embrase à nouveau. Mardi matin, le chef du parti Israël Beiteinou, Avigdor Liberman, a affirmé que le Premier ministre Benyamin Netanyahou s’était engagé « sans aucune concertation » auprès des Américains à autoriser la sortie de terroristes palestiniens piégés dans les tunnels de Rafah, au sud de la bande de Gaza.
Selon Liberman, cette promesse aurait été formulée lors d’une conversation entre Netanyahou et Jared Kushner, le gendre du président américain Donald Trump, aujourd’hui en charge du suivi des négociations israélo-palestiniennes sous la nouvelle administration.

Une discussion tendue avec Kushner

D’après les informations diffusées par Israël Hayom et confirmées par des sources proches de Liberman, l’entretien entre Netanyahou et Kushner aurait principalement porté sur l’avenir de Gaza et sur la phase postérieure à la guerre actuelle.
Les États-Unis souhaiteraient relancer un processus politique fondé sur « un redéploiement coordonné » de Tsahal et sur une « stabilisation graduelle » de la zone, incluant l’évacuation des poches de combattants du Hamas et du Jihad islamique toujours retranchées à Rafah.

Le plan américain, relayé par Kushner, comporterait plusieurs pistes, dont la possibilité d’autoriser les terroristes encerclés à quitter les tunnels sans leurs armes, en direction des zones sous contrôle du Hamas, afin d’éviter un bain de sang et de faciliter l’accès humanitaire au sud de Gaza.
Une proposition que Liberman qualifie de « capitulation morale et stratégique ».

« Une folie absolue »

Le ton du président d’Israël Beiteinou a été sans appel :

« C’est une folie absolue. On ne négocie pas avec des assassins. Les terroristes assoiffés de sang n’ont que deux options : la reddition et la prison, ou la mort. Toute autre option, c’est une trahison pure et simple. »

Selon lui, Netanyahou aurait donné son feu vert de manière unilatérale, sans consulter ni le cabinet de sécurité ni les chefs militaires.

« Nous sommes dans un système où les décisions vitales pour la sécurité nationale sont prises comme si elles concernaient une question de protocole diplomatique. C’est irresponsable et dangereux. »

Cette sortie fracassante, qui intervient à la veille d’une réunion du Conseil national de sécurité, s’inscrit dans un climat de tensions croissantes entre Liberman et Netanyahou, pourtant anciens alliés politiques.

Le bureau du Premier ministre : « Une accusation mensongère »

Quelques heures après la déclaration de Liberman, le bureau du Premier ministre a publié un communiqué sec, niant catégoriquement toute promesse américaine :

« Les allégations selon lesquelles le Premier ministre aurait accepté la libération de terroristes depuis Rafah sont totalement fausses. Il n’existe aucun accord ni aucune discussion de ce type. Aucune décision n’a été prise concernant le sort des terroristes retranchés dans le sud de la bande de Gaza. »

L’entourage de Netanyahou affirme que la position israélienne reste inchangée : aucune clémence ne sera accordée aux membres du Hamas ou des autres organisations armées, et la neutralisation totale des infrastructures terroristes de Rafah demeure un objectif prioritaire de Tsahal.

Le spectre du précédent de 2011

Les accusations de Liberman ravivent un traumatisme politique encore vif : celui de l’échange Gilad Shalit de 2011, au cours duquel Israël avait libéré 1 027 prisonniers palestiniens, dont plusieurs dirigeants du Hamas, en contrepartie de la libération du soldat franco-israélien enlevé en 2006.
Une partie de ces ex-détenus est depuis revenue à des postes de commandement au sein du Hamas, et certains ont même été directement impliqués dans les attaques du 7 octobre.

Ce souvenir douloureux alimente la colère de la droite israélienne, qui redoute qu’une nouvelle concession — même limitée — soit perçue comme une faiblesse.
Pour Liberman, l’idée même d’un « couloir de sortie » pour des terroristes constitue un retour au schéma des échanges qui ont affaibli la dissuasion israélienne :

« On a vu ce que ces compromis ont produit : du sang et des massacres. Aucun État au monde ne se maintient en relâchant ses ennemis. »

Entre diplomatie américaine et politique intérieure

Du côté de Washington, la Maison-Blanche se garde bien de commenter directement. Un porte-parole du département d’État a simplement rappelé que les discussions avec Israël portent sur la stabilisation humanitaire et la prévention d’un effondrement total de Gaza, mais sans évoquer de mesures spécifiques concernant les prisonniers.

En Israël, cette controverse survient alors que Netanyahou tente de consolider sa coalition après plusieurs semaines de critiques internes sur sa gestion de la guerre et sur ses relations tendues avec le ministre de la Défense Yoav Katz et les chefs militaires.

L’ancien ministre des Finances Liberman, désormais figure de l’opposition, en profite pour se repositionner comme la voix d’une droite « patriote et pragmatique », opposée selon lui aux « manœuvres politiciennes d’un Premier ministre accroché à son siège ».

Une fracture entre sécurité et communication

Au-delà du duel personnel, cette affaire illustre une crise de confiance structurelle entre la classe politique et l’appareil sécuritaire.
Selon des sources proches de Tsahal citées par Channel 14, aucune instruction opérationnelle n’a été transmise sur une évacuation éventuelle des tunnels de Rafah. Les commandants sur le terrain confirment que les opérations de neutralisation se poursuivent, notamment autour des quartiers de Tel Sultan et Al-Shaboura.

Un officier de réserve, interrogé anonymement, confie :

« Nous avons perdu trop d’hommes pour que ces terroristes puissent simplement sortir et retourner dans les zones du Hamas. Ce serait incompréhensible pour nos soldats et pour les familles des otages. »

Ce témoignage reflète l’état d’esprit général dans l’armée : une détermination absolue à achever la mission et une méfiance croissante envers les signaux politiques envoyés depuis Jérusalem.

Le poids de Washington et la ligne rouge israélienne

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier, la coordination stratégique entre Washington et Jérusalem a repris un rythme intense.
Trump souhaite, selon ses proches, « stabiliser le front sud » et préparer un cadre régional de sécurité incluant l’Égypte, Israël et les États du Golfe.
Mais dans ce cadre, certains diplomates américains envisagent des gestes humanitaires envers les « combattants non dangereux », une approche jugée inacceptable à Jérusalem.

Israël a déjà opposé une fin de non-recevoir à toute demande de cessez-le-feu unilatéral ou de passage sécurisé pour les miliciens retranchés.
Une source du cabinet de sécurité confie :

« Le Premier ministre sait que ce genre de décision, s’il la prenait, serait politiquement suicidaire. Et militairement, c’est tout simplement impossible. »

Un climat politique empoisonné

Cette polémique survient alors que le gouvernement affronte des vents contraires : la montée des tensions avec le Hezbollah au nord, le débat sur la peine de mort pour les terroristes (voir notre article ici), et la pression internationale pour relancer des pourparlers post-guerre avec le Qatar et les États-Unis.

Pour beaucoup d’observateurs, les déclarations de Liberman participent d’une stratégie de harcèlement politique visant à affaiblir Netanyahou de l’intérieur tout en le forçant à adopter une ligne plus dure pour ne pas perdre sa base électorale.

Mais cette bataille de mots révèle aussi une inquiétude plus profonde : la peur d’un relâchement face à un ennemi qui ne désarme pas.

La ligne rouge israélienne

À Jérusalem comme à Rafah, le message semble clair : Israël n’entend pas reproduire les erreurs du passé.
Si les propos de Liberman restent à ce stade non confirmés, ils ont suffi à rappeler que la sécurité nationale ne se négocie pas dans l’ombre des tunnels.
L’opinion publique, encore marquée par la tragédie du 7 octobre, ne tolérera plus la moindre ambiguïté entre diplomatie et faiblesse.

Et même si la vérité de cette conversation reste confinée aux bureaux du pouvoir, une chose est sûre : dans le sud de Gaza, la guerre ne se terminera pas autour d’une table, mais dans les profondeurs où Israël a juré de ne plus jamais céder.

 


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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