Le débat sur le projet de loi sur la conscription des ultra-orthodoxes a de nouveau fait exploser les tensions au sein de la coalition gouvernementale. La déclaration surprise des rabbanim de Degel HaTorah, appelant leurs députés à soutenir l’avancement de la loi, a ranimé l’un des conflits les plus explosifs de la politique israélienne. Plus que la guerre, plus que les crises judiciaires ou sécuritaires, c’est la question du service militaire des haredim qui ébranle aujourd’hui l’équilibre fragile de la coalition.
L’événement déclencheur a été bref, mais dévastateur. Les rabbanim de Degel HaTorah — l’un des deux partis composant le judaïsme unifié de la Torah — ont diffusé une directive claire : leurs parlementaires doivent appuyer la progression du projet de loi sur la conscription. En quelques heures, le barrage s’est brisé. Les fuites, les débriefings, les contradictions internes ont envahi les sphères politiques du Likoud et de la coalition.
Dans le camp du sionisme religieux, le message est net : aucune loi ne sera soutenue si elle ne garantit pas un recrutement effectif des étudiants des yeshivot. Pour eux, la législation actuelle n’offre qu’un cadre vide, un compromis politique qui ne répond ni à l’exigence morale ni à la nécessité sécuritaire. Le pays mène encore des combats, les unités manquent de personnel, et l’idée de maintenir des exemptions massives est, pour certains députés, « moralement indéfendable ».
Au Likoud, en revanche, le paysage est brouillé. Les messages changent selon les interlocuteurs, produisant une cacophonie qui témoigne du malaise profond : certains affirment que plusieurs députés voteraient contre le texte, dont David Bitan. Mais Bitan a immédiatement démenti, assurant qu’il soutiendrait la loi. Le ministre Shlomo Karhi, connu pour ses positions anti-exemptions dans le passé, s’aligne désormais sur la position favorable au projet. Cette valse-hésitation reflète une réalité politique inconfortable : le Likoud se retrouve coincé entre la pression de ses partenaires ultra-orthodoxes et la colère grandissante d’une partie de son électorat laïc et militaire.
Puis un nouveau rebondissement éclate : des fuites prétendent que Benjamin Netanyahou aurait ordonné de retirer la loi de l’ordre du jour de la commission de la Défense et des Affaires étrangères. Immédiatement, un démenti surgit, affirmant que le Premier ministre se trouvait en visite sécuritaire au moment des discussions — une précision factuelle exacte. Mais le mal est fait : dans une coalition hyper-sensibilisée, chaque rumeur devient un incendie.
Ce chaos révèle une vérité plus large. Les tensions autour du projet de loi ne sont pas un épisode isolé, mais l’expression d’un conflit identitaire majeur : l’avenir des relations entre l’État israélien, l’armée, et les communautés ultra-orthodoxes.
Pour certains, la participation de tous à l’effort militaire est devenue une nécessité morale ineffaçable depuis les événements du 7 octobre. Des milliers d’Israéliens, y compris des réservistes, expriment publiquement leur exaspération devant ce qu’ils perçoivent comme une injustice structurelle. Des organisations de milouimnikim interpellent même le député Boaz Bismuth pour qu’il « stoppe immédiatement » la loi, exigeant un dialogue avant tout vote.
Pour d’autres, notamment les partis haredim, l’étude de la Torah constitue déjà une contribution essentielle à la nation, un pilier spirituel qui justifie des exemptions traditionnellement acceptées. Mais la société israélienne évolue, le contexte sécuritaire aussi, et le fossé entre les communautés se creuse. Ce qui, hier, pouvait encore être toléré comme un compromis historique devient aujourd’hui un point de rupture.
Dans ce climat, le silence prudent de Netanyahou intrigue. Le Premier ministre, maître des équilibres politiques, semble temporiser, laissant les différentes factions s’épuiser dans un débat interne. Mais cette stratégie comporte un prix : celui de voir la coalition se fissurer non sous la pression d’une question sécuritaire ou diplomatique, mais sous celle d’un débat identitaire interne.
La guerre actuelle, les tensions régionales croissantes, les dossiers internationaux brûlants : rien ne secoue la coalition autant que la question du service militaire des haredim. Le texte le dit explicitement : « Ce n’est ni le procès de Netanyahou, ni le drame des otages, ni la guerre des Épées de Fer — un seul sujet divise réellement la coalition : la conscription des ultra-orthodoxes. »
Cette phrase résume l’état d’esprit du moment : un pays entier mobilisé, un front intérieur fragilisé, et un système politique déchiré par une question qui dépasse largement la législation elle-même.
Au-delà du tumulte immédiat, la crise pose une question fondamentale : Israël peut-il maintenir un modèle de défense basé sur une conscription quasi universelle alors que l’une des principales communautés du pays demeure massivement exemptée ? Et si la réponse est non, quel modèle pourrait remplacer celui-ci sans provoquer un choc identitaire encore plus profond ?
La coalition est toujours debout, mais elle tremble. Les débats sur la conscription ne font que commencer. Et si la classe politique ne trouve pas rapidement une voie commune, la question du service militaire des haredim pourrait devenir le point de rupture majeur du gouvernement.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés
Â





