Amit Segal dénonce l’hypocrisie médiatique : “Haïr Channel 14 est devenu un sport national”

Un simple graffiti, tagué à l’extérieur des studios de Reshet 13, a suffi à déclencher un débat passionné en direct sur Keshet 12. Mais c’est la réaction d’Amit Segal, l’un des commentateurs les plus influents d’Israël, qui a marqué les esprits. En dénonçant une indignation sélective et une hostilité devenue “à la mode” envers Channel 14 et les journalistes de droite, Segal expose une fracture profonde au sein de la presse israélienne.

L’incident, rapporté le mercredi soir, part d’un acte grave : un graffiti menaçant, “Le sang des traîtres doit couler encore plus”, pulvérisé à proximité des studios de Reshet 13. La journaliste Moriah Asraf a été invitée sur Keshet 12 pour témoigner, évoquant le choc et la peur ressentis par les équipes. Mais le débat a rapidement dévié vers une confrontation entre Segal et le journaliste Liron Avraham, révélant un fossé médiatique que beaucoup préfèrent ignorer.

Dès ses premières paroles, Segal adopte un ton calme, presque désabusé : « Permets-moi de ne pas m’émouvoir. J’aimerais beaucoup voir les médias s’indigner également quand des graffitis visent la droite. » Il rappelle qu’à la sortie de Neve Ilan, où se trouvent les studios de nombreux réseaux, deux tags immenses — “Traître” et “Tyran” — sont visibles depuis des mois. « Est-ce que ça a dérangé quelqu’un ? » interroge-t-il. Personne ne répond vraiment.

Ce double standard, selon Segal, affaiblit la crédibilité du discours public. “Je sais très bien pour quelles manifestations on s’agite, et pour lesquelles on ne dit rien.” Il accuse une partie de la presse d’ignorer systématiquement les intimidations dirigées contre les journalistes de droite, notamment ceux d’Channel 14, cible régulière de dénigrement sur les réseaux sociaux et dans les autres médias.

Le commentaire le plus fort arrive ensuite : « C’est devenu très tendance de penser que les journalistes de Channel 14 ne sont pas de vrais journalistes. » Pour Segal, cette attitude méprisante alimente un climat dangereux, où certains se sentent légitimes à s’en prendre verbalement — voire physiquement — à des professionnels qui ne partagent pas leur ligne politique.

En face, Liron Avraham tente de nuancer. Il affirme que Keshet 12 a déjà condamné plusieurs agressions visant des journalistes de droite, et nie toute complaisance envers la violence contre ses concurrents. “Montre-moi une seule fois où quelqu’un de Channel 14 a condamné ce qui a été fait à Guy Peleg”, lance-t-il, renvoyant la balle dans le camp opposé. Le ton monte, les arguments s’entrechoquent : chacun exige des preuves de cohérence morale.

Segal insiste : la presse ne peut pas choisir quelle violence la choque. Les attaques contre les journalistes — qu’elles viennent de l’extrême droite ou de l’extrême gauche — doivent être condamnées avec la même force. « Je ne serai pas Don Quichotte contre des moulins à vent. Le problème, c’est que vous avez normalisé ces comportements. »

Le débat illustre un phénomène plus vaste : l’instrumentalisation médiatique de la violence politique. En Israël, où la polarisation atteint des niveaux rarement vus, chaque camp choisit ses indignations et passe sous silence celles du camp adverse. La presse, traditionnellement perçue comme l’un des derniers bastions de l’objectivité, glisse elle aussi dans cette dynamique.

La situation de Channel 14, en particulier, symbolise cette fracture. Pour une partie du public, la chaîne représente un contrepoids nécessaire au “bloc médiatique dominant”, trop aligné sur les positions centristes et progressistes. Pour d’autres, il s’agit d’un organe partisan, militant, qui s’éloigne des standards journalistiques. Mais quel que soit le jugement porté, les menaces physiques ou verbales contre les journalistes de droite ne reçoivent pas la même visibilité médiatique que celles dirigées contre leurs homologues de gauche ou du centre.

Cette asymétrie nourrit un sentiment de persécution et renforce le discours des partisans de la droite selon lequel les institutions médiatiques seraient manipulées par un “système” hostile. Le débat à Keshet 12 l’illustre parfaitement : deux visions du pays, deux définitions du journalisme, et une lutte pour le contrôle du récit public.

Cet épisode met également en évidence l’incapacité croissante des médias à se percevoir comme un espace commun. Chaque chaîne se vit comme assiégée par les critiques, chaque journaliste se voit attaqué par un camp politique, et chaque indignation semble susciter une contre-indignation. Le climat national est saturé de tensions, et la presse, au lieu d’apaiser, reflète et amplifie cette fragmentation.

Au-delà de la question médiatique, l’affaire rappelle que la violence verbale peut facilement se transformer en violence réelle. Dans un pays où les tensions politiques ont déjà mené à des tragédies, l’indifférence envers certaines menaces est un danger majeur. Segal le dit sans détour : « Je veux qu’on enquête sur les graffitis qui visent Channel 14, tout autant que ceux qui visent la gauche. » Une demande simple, mais qui met en lumière une faille profonde dans le débat public israélien.

Alors que les tensions sociales, sécuritaires et politiques s’intensifient dans le pays, l’affaire du graffiti n’est qu’un symptôme d’une crise plus vaste : celle de la confiance envers les médias, de la cohésion nationale et du dialogue public. Et dans cette bataille, comme le souligne Segal, l’hypocrisie est devenue dangereuse — car elle masque les véritables menaces.


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