Un rapport officiel publié à Prague révèle une hausse inquiétante des actes antisémites en 2023-2024, y compris des attaques physiques et des tentatives d’incendie contre des synagogues. Ironie tragique : cette flambée survient dans l’un des derniers bastions pro-israéliens de l’Union européenne, considéré depuis des décennies comme un allié indéfectible de Jérusalem.
La Tchéquie n’est ni Paris ni Londres. Longtemps, Prague fut perçue comme un havre de stabilité pour les Juifs d’Europe centrale : un pays dont les dirigeants défendaient Israël systématiquement à l’ONU, où les communautés locales vivaient dans un climat relativement serein. Pourtant, le dernier rapport annuel de la Fédération des Communautés juives tchèques — relayé par l’agence Associated Press et par le média israélien Ynet — dresse un constat radicalement différent : la haine anti-juive a explosé depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023.
Selon les données collectées, 4 694 actes antisémites ont été recensés en 2024, contre 4 328 incidents en 2023, soit une augmentation de 8,5 %. Mais derrière ces chiffres, un saut encore plus saisissant : +90 % d’incidents signalés après le 7 octobre, un tournant brutal où la rhétorique antijuive est passée de la marge aux réseaux dominants. Loin d’être un phénomène localisé, cette flambée s’inscrit dans une vague mondiale d’hostilité — mais elle touche désormais un pays que beaucoup pensaient immunisé.
Un allié historique d’Israël frappé de plein fouet
La Tchéquie n’est pas un État européen comme les autres. Depuis sa création post-communiste, elle s’est toujours tenue aux côtés d’Israël : soutien diplomatique constant, votes pro-israéliens à l’ONU, condamnation systématique des attaques terroristes. C’est d’ailleurs à Prague que, le 10 octobre 2023, le ministre des Affaires étrangères tchèque Jan Lipavský devint le premier responsable européen à se rendre en Israël pour témoigner de sa solidarité après les massacres du Hamas.
Quelques semaines plus tard, le Premier ministre Petr Fiala réitérait cet engagement lors d’une visite officielle, déclarant à Benjamin Netanyahou :
« Le Hamas est notre ennemi commun. Nous devons l’isoler. »
C’est dans ce contexte, presque paradoxal, que les actes antisémites se sont multipliés. Le pays qui, pendant des années, paraissait échapper aux dérives idéologiques des grandes métropoles occidentales, se retrouve désormais confronté à la même dynamique toxique : radicalisation en ligne, convergences extrêmes, désinformation virale.
Une haine numérique devenue phénomène de masse
Le rapport est explicite : 96 % des actes antisémites recensés en Tchéquie sont commis en ligne.
X (ancien Twitter), Facebook, TikTok, forums anonymes : partout, une même mécanique. Dans ces espaces, l’antisionisme se mélange à des motifs antisémites classiques, à la propagande islamiste et aux narratifs complotistes d’extrême droite.
Petr Papoušek, président de la Fédération juive, parle d’une « synergie sans précédent entre extrême droite, extrême gauche, islamisme radical et réseaux de désinformation », citée par AP. Un cocktail explosif où les codes historiques de la haine — caricatures, fantasmes de domination, vocabulaire Shoah — fusionnent avec les obsessions contemporaines visant Israël.
L’antisémitisme est redevenu « tendance ». Et pour la première fois depuis des années, les Juifs tchèques n’en mesurent pas seulement l’écho virtuel, mais aussi le potentiel violent.
Des passages à l’acte : violences physiques, tentatives d’incendie, profanations
Malgré la domination numérique du phénomène, l’année 2024 a franchi un seuil dangereux : quatre agressions physiques avérées, contre zéro l’année précédente.
S’y ajoutent :
- 12 profanations de cimetières juifs,
- des dégradations d’édifices historiques,
- et surtout une tentative d’incendie criminel contre une synagogue de Brno en janvier 2024.
Dans ce dernier cas, cinq adolescents — radicalisés en ligne par des contenus affiliés à Daech — ont été arrêtés. Deux ont été inculpés pour activités terroristes. Un symbole glaçant : la haine antisémite en Europe ne se contente plus d’une expression idéologique, elle adopte les méthodes du djihadisme.
Plus récemment encore, une boutique de souvenirs juifs et de produits casher du quartier Vinohrady, à Prague, a été dégradée à trois reprises : graffitis hostiles, slogans « fascists », « Shoah 2025 », menaces voilées.
Un message d’intimidation évident, dans une capitale qui accueille plus de 8 millions de touristes par an — dont des centaines de milliers venus visiter les synagogues du quartier juif historique.
Pourquoi maintenant ? La mécanique post-7 octobre
La corrélation est nette : l’essentiel des incidents recensés survient après l’attaque du Hamas. Comme si, soudain, la haine envers Israël servait de prétexte pour libérer des hostilités latentes à l’égard des Juifs.
Cette dynamique, déjà observée en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne, apparaît désormais dans un pays où l’Église catholique, les institutions politiques et les élites culturelles avaient pourtant consolidé un consensus pro-israélien stable.
Trois facteurs semblent avoir joué un rôle décisif :
- La contagion internationale : slogans, hashtags et campagnes de propagande pro-Hamas circulent instantanément d’un pays à l’autre.
- La radicalisation de micro-groupes : groupes néo-nazis, activistes d’extrême gauche et cercles islamistes s’unissent contre un ennemi commun : l’État juif.
- La désinformation massive : photos sorties de leur contexte, manipulations de bilans, narratifs hostiles produits par des réseaux étrangers (Russie, Iran), amplifiés par des influenceurs radicaux européens.
Un pays encore sûr — mais en alerte
Le rapport insiste sur un point important : la Tchéquie demeure un pays globalement sûr pour les Juifs.
Il n’y a ni zones de non-droit, ni ghettos hostiles, ni agressions quotidiennes comme dans certaines capitales d’Europe occidentale. Les autorités réagissent vite, les condamnations politiques sont fermes, les enquêtes policières particulièrement efficaces.
Mais l’avertissement des responsables communautaires est clair :
« Le discours public se dégrade. Les mythes antisémites reviennent au premier plan. »
C’est exactement cette dégradation, insidieuse et progressive, qui a précédé les vagues ultraviolentes observées dans d’autres pays européens après 2014, puis après 2023.
Un miroir du malaise européen
Ce que révèle le cas tchèque dépasse la seule réalité locale.
Il met en lumière une tendance européenne profonde : même les États les plus pro-israéliens, les plus démocratiques et les moins marqués par l’immigration radicalisée, ne sont pas immunisés contre la logique du bouc émissaire.
Le 7 octobre n’a pas seulement fait vaciller le Moyen-Orient. Il a fracturé l’Europe, démultiplié les lignes de clivage, ravivé des narratifs qui paraissaient enfouis. Dans ce contexte, la Tchéquie devient un laboratoire : un pays qui mesure la vitesse avec laquelle la haine peut circuler à travers les réseaux, sans qu’aucune frontière géographique ou idéologique ne puisse la contenir.
Pour Israël, l’évolution tchèque est un signal politique majeur : même les alliés les plus fidèles doivent être protégés, soutenus et accompagnés. Et pour les communautés juives d’Europe, une réalité s’impose : la normalisation de la haine contre l’État hébreu alimente, partout, la haine des Juifs.
Conclusion : l’enjeu dépasse Prague — il concerne tout l’Occident
L’affaire tchèque n’est pas un épisode isolé. C’est un symptôme.
La haine d’Israël n’est pas un désaccord politique, c’est un vecteur de radicalisation transversale qui unit extrémistes de droite, militants islamistes, activistes anti-système et propagandistes étrangers.
Si même Prague, alliée fidèle et lucide face au terrorisme islamiste, en ressent les secousses, c’est que l’Europe traverse une phase critique. Préserver la sécurité des communautés juives, mais aussi la vérité historique et la cohérence morale du continent, devient un impératif stratégique.
Les chiffres publiés par la Fédération juive tchèque ne sont pas seulement un rapport.
Ils sont une alarme.
Et Israël sait mieux que quiconque ce que signifie une alarme ignorée.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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