Parfois, un document ancien suffit à fissurer les mythes les plus enracinés. Le manuscrit latin rédigé en 1695 par le géographe, cartographe et philologue Adrien Reland appartient à cette catégorie d’ouvrages dont la lecture bouleverse les récits politiques modernes. Sans idéologie, sans contexte nationaliste — deux siècles avant le sionisme moderne — l’auteur entreprenait un travail scientifique méticuleux : recenser et étudier près de 2 500 localités mentionnées dans la Bible, parcourir les routes de la « Palestine » ottomane, et documenter objectivement sa population, sa toponymie et sa structure démographique. Ce qu’il a constaté à la fin du XVIIe siècle contredit frontalement les narratifs contemporains qui prétendent que la région était une « terre arabe historiquement peuplée et culturellement établie ». Les observations de Reland dressent au contraire le portrait d’un espace largement vide, dominé par une présence juive significative, où la population musulmane était faible, éparse et essentiellement nomade.
Reland rapporte d’abord une donnée que peu de manuels d’histoire osent mentionner : la Palestine du XVIIe siècle est un territoire majoritairement déserté. La vaste majorité des terres sont vides, abandonnées ou exploitées uniquement de manière saisonnière. Seules quelques villes, principalement Jérusalem, Acre, Safed, Jaffa, Tibériade et Gaza, présentent une densité humaine notable. Dans l’ensemble de ces localités, la présence juive est dominante, suivie d’une minorité chrétienne. Quant aux musulmans, Reland les décrit comme des groupes marginalement installés, souvent des Bédouins vivant de manière nomade, se rendant dans les villes uniquement pour travailler provisoirement dans l’agriculture ou la construction. Ces observations, écrites en 1695, renversent les récits modernes qui affirment l’existence d’un « peuple palestinien » enraciné depuis des siècles. L’auteur ne mentionne ni institutions arabes, ni grandes tribus sédentarisées, ni présence culturelle établie ; seulement des familles dispersées, des passages saisonniers, et une occupation minimale.
La seule exception musulmane notable que Reland recense est la ville de Naplouse, alors peuplée d’environ 120 membres de la famille musulmane Natsha et d’environ 70 Samaritains. Une ville entière, l’une des plus “arabes” de la région selon les récits ultérieurs, ne compte à la fin du XVIIe siècle qu’une poignée de résidents permanents — un chiffre qui suffirait aujourd’hui à remplir deux autobus. Quant à Jérusalem, Reland estime qu’elle abrite environ 5 000 habitants, dont l’immense majorité est juive, accompagnée de quelques chrétiens. Ce constat, posé deux siècles avant la montée des nationalismes au Moyen-Orient, confirme un fait historiquement documenté : la présence juive à Jérusalem a été continue, majoritaire, et profondément enracinée, bien avant que les pouvoirs ottomans ou arabes n’utilisent cette ville comme symbole national.
Plus frappant encore est le relevé toponymique réalisé par l’auteur. Sur près de 2 500 localités étudiées, Reland conclut que les noms sont presque tous d’origine hébraïque, grecque ou latine. Seule la ville de Ramla présente une origine linguistique arabe authentique. Pour le reste, les noms perçus aujourd’hui comme arabes ne sont que des déformations phonétiques de leurs versions hébraïques ou hellénistiques, souvent dépouillées de leur signification originale. Ainsi, avant même que l’immigration juive moderne ne commence, la Terre d’Israël portait déjà dans ses lieux, dans son paysage et dans sa mémoire linguistique les traces indélébiles de son identité juive plurimillénaire. L’Arabisation massive des noms de lieux est un phénomène tardif, lié autant aux réinterprétations religieuses qu’aux mutations administratives de l’Empire ottoman.
Reland apporte également des indications précieuses concernant la composition sociale et les activités économiques. À Gaza, par exemple, environ 550 habitants vivent au XVIIe siècle, dont la moitié sont juifs et l’autre moitié chrétiens. Aucune majorité arabe, aucun foyer structuré musulman, aucun signe d’un « centre palestinien » préexistant. L’agriculture est dominée par les Juifs, notamment la vigne, les oliviers et le blé, tandis que les chrétiens s’occupent du commerce et du transport. Ce tableau, loin des caricatures véhiculées depuis le XXe siècle, montre une région où les populations juives et chrétiennes sont sédentaires, structurées, impliquées dans l’économie et la gestion des terres, alors que les groupes musulmans sont décrits comme passagers, non enracinés, sans institutions durables.
L’œuvre de Reland, redécouverte par plusieurs historiens contemporains, est d’une portée politique considérable dans le contexte actuel. Elle démontre que la narration moderne présentant la Palestine comme un territoire arabe homogène depuis « des temps immémoriaux » ne résiste pas à l’examen des sources historiques authentiques. Contrairement à l’image souvent relayée dans les débats internationaux, il n’existait pas, en 1695, de nation palestinienne, de structure politique arabe autonome, ni même d’identité culturelle territoriale définie. La région était un espace périphérique de l’Empire ottoman, peuplé principalement de communautés juives et chrétiennes anciennes, et traversé par des tribus musulmanes nomades dépourvues de sédentarisation durable.
Cette réalité historique prend un relief particulier à l’heure où certains acteurs internationaux tentent de réécrire le passé pour légitimer des revendications politiques modernes. Les campagnes de délégitimation contre Israël reposent souvent sur une inversion chronologique : faire croire que les Juifs seraient les « nouveaux venus », arrivés tardivement pour déposséder un peuple autochtone arabe. Or les descriptions de Reland, confirmées par d’autres voyageurs européens de l’époque — et même par des recensements ottomans — indiquent clairement que l’inverse est vrai : les Juifs disposaient d’une présence majoritaire dans plusieurs villes, entretenaient une agriculture florissante, et représentaient une composante centrale du paysage humain local. Ce sont les populations arabes qui se sont sédentarisées tardivement, en grande partie au XIXe siècle, attirées par la prospérité économique générée par les développements apportés par les Juifs revenus construire la région.
La conclusion implicite du livre de 1695 dérange encore aujourd’hui : la population dite « palestinienne » n’est pas un héritage millénaire, ni une entité historique continue, mais le produit d’évolutions récentes liées aux dynamiques ottomanes, européennes et économiques. La présence juive, elle, est ancienne, continue, enracinée, cultuelle et culturelle. Elle précède l’islam, elle traverse les époques, elle demeure visible malgré les conquêtes, les exils et les persécutions. Les affirmations politiques modernes occultant cette évidence ne résistent pas aux textes des époques où les propagandes contemporaines n’existaient pas encore.
À l’heure où des groupes militants — et même certains États — cherchent à effacer l’histoire juive de la région ou à présenter Israël comme une anomalie coloniale, la voix d’un érudit du XVIIe siècle agit comme une réfutation cinglante. Aucune idéologie, aucune revendication identitaire récente ne peut effacer les faits consignés il y a trois siècles par un savant neutre, multilingue, respecté, dont le seul objectif était de décrire scientifiquement la réalité de la Terre Sainte. En ce sens, Reland rappelle une vérité qu’aucune résolution politique ne peut abolir : Israël est chez lui sur sa terre, et son histoire se lit dans les pierres, les noms, les archives et les chroniques bien avant qu’un récit alternatif ne tente de s’imposer.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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