La crise au sommet de Tsahal : Eyal Zamir rate l’instant de vĂ©ritĂ©

À un moment oĂč Tsahal tente encore de restaurer l’autoritĂ© et la confiance effritĂ©es depuis le 7 octobre, le chef d’état-major Eyal Zamir s’est retrouvĂ© devant une occasion rare : assumer rĂ©ellement, dire la vĂ©ritĂ© et apaiser une sociĂ©tĂ© israĂ©lienne meurtrie. Mais au lieu d’un geste fort, il a choisi un document creux, dĂ©clenchant une crise inutile avec le ministre de la DĂ©fense Israel Katz et aggravant la fracture entre l’armĂ©e et le public.

Il est difficile d’exagĂ©rer la portĂ©e du faux pas d’Eyal Zamir. Dimanche soir, le chef d’état-major avait l’occasion d’envoyer un signal clair : celui d’un commandement militaire qui reconnaĂźt ses fautes, qui parle d’une seule voix et qui comprend que la confiance du public n’est pas un luxe, mais une condition d’existence dans une rĂ©gion oĂč les menaces s’accumulent. Au lieu de cela, il a prĂ©fĂ©rĂ© une dĂ©marche hĂ©sitante, bureaucratique, presque technocratique, qui a Ă©tĂ© immĂ©diatement perçue, Ă  JĂ©rusalem comme dans le pays, comme une tentative de se protĂ©ger plutĂŽt que de rĂ©former.

Selon la journaliste Tsipora Siman Tov, Israel Katz — ministre de la DĂ©fense — n’a mĂȘme pas Ă©tĂ© informĂ© des « mises en responsabilitĂ© » annoncĂ©es par Zamir. Il l’a appris dans les mĂ©dias. Dans un systĂšme militaire fondĂ© sur la hiĂ©rarchie et la coordination stratĂ©gique, ce n’est pas un dĂ©tail. C’est un sĂ©isme.

« J’ai dĂ©couvert l’annonce dans la presse », a admis Katz, visiblement furieux, quelques heures plus tard. Une humiliation politique, mais surtout institutionnelle.

Une manƓuvre perçue comme un camouflage

Depuis des semaines, des voix croissantes, dans les rangs comme dans la sociĂ©tĂ© civile, appellent Ă  une prise de responsabilitĂ© authentique aprĂšs l’effondrement du 7 octobre. Bien que la commission Turjeman ait rendu des conclusions lourdes et dĂ©taillĂ©es, Zamir avait jusqu’ici martelĂ© en privĂ© qu’il ne comptait pas publier de conclusions personnelles. Puis, face Ă  la pression publique, il a reculĂ©.

Mais reculer n’est pas assumer.
Le document publiĂ© hier soir n’était pas un rapport courageux, mais un fichier technique, dĂ©pourvu de contenu rĂ©el et sans dĂ©signation de responsabilitĂ©s concrĂštes. Une opĂ©ration de communication plutĂŽt qu’un sursaut moral. Une tentative Ă©vidente de « cocher la case », sans rien rĂ©former.

C’est prĂ©cisĂ©ment ce type de contorsion qui dĂ©truit, jour aprĂšs jour, la crĂ©dibilitĂ© du commandement.

La fracture avec le ministre de la Défense

Le point de rupture, toutefois, s’est produit lorsque Zamir a omis — ou choisi d’omettre — de coordonner la moindre ligne avec Israel Katz.
Et ce choix est lourd de sens : il signale un chef d’état-major repliĂ©, qui gĂšre la crise interne comme si elle Ă©tait sa propriĂ©tĂ© exclusive, alors qu’elle appartient au pays entier.

Katz, fidĂšle Ă  son tempĂ©rament droit et politique, n’a pas tardĂ© Ă  rĂ©agir. Il a annoncĂ© ouvertement qu’il exigeait un rĂ©examen complet des conclusions, allant mĂȘme jusqu’à ordonner l’étude de la nĂ©cessitĂ© « d’enquĂȘtes complĂ©mentaires ».
Lien source : https://www.israelhayom.co.il

En d’autres termes : il n’a plus confiance dans le processus interne de l’état-major.

La question centrale : oĂč est l’authenticitĂ© ?

Dans un IsraĂ«l traumatisĂ©, endeuillĂ©, et encore menacĂ© par le Hezbollah au nord et par l’Iran, la population veut un message simple :
dire la vérité, assumer les fautes, et se préparer sérieusement à la prochaine menace.

Tout ce qui ressemble Ă  une manƓuvre interne, Ă  une rĂ©daction Ă©dulcorĂ©e ou Ă  un traitement cosmĂ©tique est immĂ©diatement perçu comme un affront.

Depuis le 7 octobre, Tsahal a certes montré une résilience opérationnelle impressionnante, mais la fracture entre le public et le commandement supérieur demeure profonde.
Le pays a vu ses communautĂ©s massacrĂ©es, encerclĂ©es, abandonnĂ©es pendant des heures. Beaucoup n’acceptent plus les « dĂ©faillances systĂ©miques » anonymes : ils veulent des noms, des rĂ©ponses, des actes.

Zamir, en choisissant hier la voie la plus prudente et la plus opaque, a semblĂ© dire exactement l’inverse.

IsraĂ«l Katz : un ministre dĂ©terminĂ© Ă  rĂ©tablir l’intĂ©gritĂ© du commandement

Depuis son entrĂ©e au ministĂšre de la DĂ©fense, Israel Katz a fait de la restauration de la confiance et de la cohĂ©rence de Tsahal son objectif central. Contrairement Ă  l’image souvent vĂ©hiculĂ©e, Katz est un homme de dĂ©cisions rapides et tranchĂ©es. Lorsqu’il affirme que les conclusions du chef d’état-major l’ont pris par surprise, il ne s’exprime pas seulement en tant que ministre : il parle au nom de l’autoritĂ© politique lĂ©gitime supervisant l’armĂ©e.

Ce qui s’est produit hier est donc plus qu’un incident de communication : c’est une crise de gouvernance militaire.

Et dans un pays oĂč la coordination militaire-politique doit ĂȘtre totale face Ă  l’Iran, au Hezbollah et au Hamas, cette crise arrive au pire moment.


Tsahal face Ă  un test historique

La question dĂ©sormais dĂ©passe Zamir lui-mĂȘme.
Elle touche au cƓur du rapport entre Tsahal et la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne.

IsraĂ«l est unique : aucune armĂ©e au monde n’a un lien aussi organique, Ă©motionnel et civilisationnel avec son peuple.
Quand ce lien se fissure, l’ensemble du systĂšme stratĂ©gique tremble.

Le 7 octobre n’a pas seulement rĂ©vĂ©lĂ© un Ă©chec opĂ©rationnel.
Il a exposĂ© une culture organisationnelle qui, pendant des annĂ©es, a prĂ©fĂ©rĂ© l’illusion de contrĂŽle Ă  la luciditĂ©, la bureaucratie Ă  l’action, la certitude arrogante Ă  la vigilance. C’est cette culture qu’il faut affronter — pas seulement publier un document technique.

Dans ce contexte, le geste avortĂ© de Zamir ne fait qu’accentuer l’impression que le sommet de l’armĂ©e peine Ă  saisir la gravitĂ© du moment.


La rĂ©gion observe — et l’ennemi aussi

Ce faux pas n’est pas interne. Il est observĂ© de prĂšs par TĂ©hĂ©ran, par Beyrouth, et par Gaza.

Chaque signe de fragilitĂ©, chaque querelle interne, chaque fracture entre l’armĂ©e et le gouvernement est interprĂ©tĂ© comme un levier pour tester IsraĂ«l sur un autre front.

AprĂšs l’élimination spectaculaire du chef militaire du Hezbollah Ali Tabatabai (source : Reuters, AP, AFP), le Liban bruisse d’inquiĂ©tude, et les analystes internationaux soulignent que le Hezbollah, affaibli mais piĂ©gĂ©, scrute dĂ©sormais la cohĂ©sion israĂ©lienne.

Une armée divisée est une armée moins dissuasive.
Et Zamir, qu’il le veuille ou non, en porte la responsabilitĂ©.


L’heure n’est plus aux documents, mais au courage

Le pays n’attend plus des jeux d’écriture, ni des formulations techniques qui n’engagent Ă  rien.
Il attend, aprĂšs la pire tragĂ©die sĂ©curitaire depuis la crĂ©ation de l’État, une rupture claire, une responsabilitĂ© assumĂ©e, et une visibilitĂ© stratĂ©gique.

Eyal Zamir avait la possibilitĂ© d’ouvrir cette voie hier soir.
Il l’a manquĂ©e.
Dans un IsraĂ«l en Ă©tat d’alerte permanent, oĂč les ennemis avancent lorsque nous reculons, l’armĂ©e n’a plus le luxe d’improviser la confiance. Elle doit la reconquĂ©rir — par la vĂ©ritĂ©, par la responsabilitĂ©, et par la colonne vertĂ©brale.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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