L’ombre du 7 octobre continue de secouer Tsahal : le haut responsable que l’armée ne convoquera pas

L’affaire a resurgi avec une force inattendue ce dimanche, lorsque plusieurs médias israéliens ont rapporté que le chef d’état-major Eyal Zamir avait convoqué une série de hauts gradés pour discuter de leur avenir dans l’armée, dans le cadre de la réévaluation profonde menée après les événements du 7 octobre. Pourtant, un nom manque à la liste : celui du général Rassan Alian, coordinateur des opérations du gouvernement dans les territoires (COGAT). Alors que les convocations se multiplient pour des officiers impliqués de près ou de loin dans le désastre du 7 octobre, l’absence d’Alian sur la liste interroge. Selon le journaliste militaire Doron Kadosh, il ne sera ni convoqué ni inquiété, car son unité — Metpa »sh — n’a pas été formellement investiguée dans les commissions internes.

Cette information a immédiatement relancé un débat sensible : qui doit rendre des comptes, et pourquoi certains semblent protégés ? Depuis plus d’un an, l’opinion publique israélienne réclame une transparence totale sur la chaîne d’échecs qui a permis au Hamas de mener l’attaque la plus meurtrière de l’histoire moderne d’Israël. À ce jour, de nombreux commandants ont déjà été relevés de leurs fonctions, d’autres ont été convoqués, et plusieurs sont encore en attente de décisions. Dans le cas présent, trois généraux convoqués — Shlomi Binder, alors chef des opérations au moment du massacre, Tomer Bar, commandant de l’armée de l’air, et David Saar Salama, commandant de la marine — symbolisent la volonté de Tsahal de revoir en profondeur son appareil décisionnel.

Pourtant, l’absence d’Alian intrigue, d’autant que la commission d’enquête dirigée par le général (rés.) Sami Turgeman avait explicitement souligné la nécessité d’un examen détaillé du rôle joué par COGAT dans la gestion des signaux précurseurs du Hamas, et dans la circulation des informations entre l’armée et le gouvernement. Ce point, rapporté notamment par les médias Kan et Srogim, renforce l’idée qu’une zone floue persiste dans les investigations. Tsahal, de son côté, affirme qu’Alian et son unité ont bien été examinés dans le cadre des « investigations systémiques » du 7 octobre, et qu’un débriefing interne aurait eu lieu. Mais aucun élément public ne vient confirmer la nature de cette enquête, ni son étendue.

L’affaire s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu au sein de la hiérarchie militaire. Le chef d’état-major Zamir, entré en fonction après la guerre du 7 octobre, tente de reconstruire une armée meurtrie, tout en imposant une nouvelle doctrine stratégique face à l’Iran, au Hezbollah et au Hamas. Les choix qu’il opère — qui est convoqué, qui est relevé, qui est protégé — ont un impact direct sur la cohésion interne et la confiance du public. Cette question devient encore plus sensible alors que les tensions s’intensifient au nord, et qu’Israël fait face à la possibilité d’un affrontement majeur avec le Hezbollah, surtout après la liquidation spectaculaire d’Ali Tabatabai, numéro deux militaire du mouvement terroriste, élimination confirmée par plusieurs sources libanaises et relayée par Reuters.

Dans ce climat de haute instabilité, chaque décision est scrutée comme un message politique et militaire. Ne pas convoquer Alian peut être interprété de diverses manières : soit comme le signe qu’il n’a rien à se reprocher, soit comme une volonté de ménager une figure stratégique dans un poste hautement sensible, soit — et c’est ce que suggèrent certains analystes — comme le symptôme d’un malaise plus profond quant aux responsabilités de certaines unités administratives, moins visibles que les unités opérationnelles mais tout aussi cruciales dans la gestion des signaux de terrain.

Le 7 octobre a révélé non seulement une défaillance opérationnelle, mais aussi un effondrement de la coordination interinstitutionnelle : renseignements épars, évaluations contradictoires, transmission tardive de signaux, et absence de réaction face aux indications alarmantes provenant de Gaza. COGAT, qui gère les affaires civiles dans les territoires palestiniens, joue un rôle central dans l’analyse des comportements du Hamas et des dynamiques sociales dans la bande. Sa voix, ses rapports, et ses alertes auraient dû peser dans les décisions stratégiques. L’absence d’enquête approfondie, telle que revendiquée par les sources de Kadosh, laisse planer une question lourde : a-t-on vraiment examiné l’ensemble des maillons de la chaîne ?

La question n’est pas seulement militaire : elle est aussi politique. Depuis les événements du 7 octobre, la classe politique israélienne se déchire sur l’étendue des responsabilités — du cabinet de sécurité jusqu’aux chefs de division. L’armée tente, de son côté, de préserver sa crédibilité en assumant ses erreurs, tout en protégeant ce qui peut encore l’être. Mais la population israélienne, meurtrie, endeuillée, exige bien davantage que des demi-mesures. Les familles des victimes du kibboutz Be’eri, de Kfar Aza, de Reïm et de tant d’autres localités du sud réclament la vérité. Et chaque nom non convoqué vient alimenter l’idée que certains bénéficient d’une forme d’immunité.

La communication de Tsahal, qui réaffirme qu’Alian a bien été interrogé comme les autres, témoigne de la pression publique grandissante. L’armée se défend d’avoir créé une zone d’ombre et insiste sur le fait que le processus de débriefing inclut toutes les unités pertinentes. Mais l’opinion demeure sceptique. L’absence d’un appel officiel, public, et documenté, contraste fortement avec les mesures prises contre d’autres officiers. Il suffit parfois d’un seul choix administratif pour déclencher une tempête médiatique.

Cette affaire pose une nouvelle fois la question fondamentale de la gouvernance sécuritaire en Israël. Comment garantir la transparence, l’équité, et la prise de responsabilité pleine et entière — tout en maintenant la solidité de l’appareil militaire au moment où les menaces extérieures atteignent un niveau critique ? Le dilemme est d’autant plus aigu que l’armée se prépare à des scénarios d’escalade simultanée au nord, au sud et potentiellement en Cisjordanie. Dans cette configuration, chaque rouage doit fonctionner parfaitement. Chaque erreur du passé doit être examinée jusqu’au moindre détail.

L’histoire retiendra peut-être que la reconstruction de Tsahal après le 7 octobre a été l’un des processus les plus complexes depuis la guerre de Kippour. Le pays exige une armée lucide, capable de scruter toutes ses zones d’ombre. Et tant que certains officiers resteront en dehors du champ d’enquête officiel, la question reviendra encore et encore : a-t-on vraiment appris la leçon ? La survie stratégique d’Israël dépend de cette réponse.


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