La scène a duré moins de deux minutes, mais elle résume un malaise sécuritaire grandissant : trois hommes masqués, armés d’un lourd pied-de-biche et accompagnés d’un conducteur de véhicule de fuite, ont tenté hier soir de cambrioler une bijouterie d’Ofakim.
Ils pensaient avoir affaire à une cible facile. Ils ont trouvé un commerçant israélien déterminé, qui a déclenché un dispositif de défense au gaz et à la fumée — transformant leur opération en débâcle totale.
Les images, diffusées par Ynet et relayées sur les réseaux sociaux, montrent les braqueurs brisant la vitre de la boutique et pénétrant violemment à l’intérieur. Le propriétaire, surpris mais entraîné, active immédiatement son système autonome : un gaz irritant mêlé à une opacité qui envahit la pièce en quelques secondes. Désorientés, suffoquant, incapables de distinguer leur environnement, les braqueurs battent en retraite, abandonnant leur tentative avant même d’avoir pu saisir la moindre chaîne ou bague.
Cette scène, digne d’un film, aurait pu se terminer de manière dramatique. Au moment où le brouillard se déployait, un employé est même filmé lançant une chaise sur l’un des assaillants, qui parvient à s’extraire de la boutique avant de s’engouffrer dans la voiture de fuite.
À l’heure où ces lignes sont écrites, la police n’a procédé à aucune arrestation, une donnée qui aggrave l’inquiétude des résidents d’Ofakim, encore traumatisés par les événements du 7 octobre 2023.
Le premier à réagir publiquement a été le vice-ministre Almog Cohen — figure connue d’Ofakim, élu dans le passé sous la bannière d’Otzma Yehudit avant de rejoindre le Likoud.
Sa réaction, brutale, traduit une colère largement partagée :
« Ofakim, 20h. Les familles, les enfants dans les commerces… zéro gouvernance, zéro peur du côté des criminels. Où est la police ? Cela ne peut plus continuer. »
Quelques heures plus tard, l’ancien Premier ministre Naftali Bennett a répondu :
« L’anarchie criminelle atteint des sommets historiques : record de meurtres, extorsion partout, chaos. Israël n’est pas gouverné. Nous réparerons cela bientôt. »
Cohen a aussitôt répliqué en ramenant Bennett à ses alliances passées :
« Tu ne réparerais rien. Les criminels masqués, ce sont les électeurs de Mansour Abbas et Ahmad Tibi, tes partenaires. »
L’échange, aussi virulent que révélateur, expose à quel point la question du banditisme devenu quasi-militaire est désormais une ligne de fracture nationale.
Les experts sécuritaires interrogés par The Jerusalem Post décrivent une tendance s’accélérant depuis plusieurs années : la criminalité organisée, particulièrement dans le sud, opère avec des méthodes de plus en plus audacieuses, une mobilité rapide, des véhicules volés ou maquillés, et une connaissance fine des lacunes policières.
L’État semble pris à contre-pied :
– pénurie d’effectifs dans les stations locales ;
– temps d’intervention souvent trop long pour des attaques éclair ;
– présence accrue d’armes illégales, souvent en provenance du Sinaï ou des stocks volés dans des bases militaires ;
– coordination accrue entre cellules criminelles issues de villages arabes, bédouins, et groupes opportunistes.
À Ofakim, ville meurtrie par le massacre du 7 octobre, l’impact émotionnel est particulièrement violent.
Les habitants interrogés par N12 parlent d’un sentiment de double menace :
– d’un côté les fantômes du terrorisme ;
– de l’autre une criminalité intérieure qui profite du traumatisme collectif pour agir sans crainte.
« On vérifie nos portes trois fois par soir », confie une résidente, dont la boutique se trouve à 200 mètres de celle visée hier. « Et quand on voit qu’ils peuvent agir en plein centre commercial, à 20h, avec parking plein, on comprend que quelque chose s’est cassé dans la dissuasion. »
La police, de son côté, affirme avoir lancé une enquête et rechercher activement les suspects. Mais aucune information n’a été donnée concernant :
– l’identité du véhicule,
– les caméras de circulation,
– les indices prélevés sur place.
Un silence qui suscite la frustration dans une population qui exige des résultats immédiats.
Au-delà du fait divers spectaculaire, l’affaire d’Ofakim illustre un phénomène plus profond : un sentiment de perte de contrôle sécuritaire dans certaines zones du pays, particulièrement au sud. Une criminalité devenue techniquement plus sophistiquée, exploitant les failles de l’État, et parfaitement consciente de la lenteur institutionnelle.
L’utilisation par le bijoutier d’un système de fumigation anti-effraction, inspiré des protocoles de défense européens, montre également un glissement inquiétant : les civils se dotent de technologies quasi-paramilitaires pour compenser l’absence de protection policière immédiate.
Le cas d’Ofakim doit servir d’électrochoc. Dans un pays où la menace extérieure exige une vigilance permanente, l’érosion de la sécurité intérieure devient une faille stratégique majeure. Israël ne peut se permettre de combattre le terrorisme à Gaza, le Hezbollah au nord, l’Iran en arrière-plan… tout en laissant des villes entières se débrouiller seules face à des criminels de plus en plus audacieux.
Le bijoutier d’Ofakim, armé de son gaz et de son courage, a sauvé sa boutique. Mais un pays entier ne peut reposer sur le sang-froid de citoyens isolés. La reconstruction de la dissuasion interne est désormais aussi urgente que la défense des frontières.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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