450 000 shekels : le reprĂ©sentant israĂ©lien Ă  l’Eurovision poursuivi pour harcĂšlement sexuel envers un palestinien

Un sĂ©isme mĂ©diatique frappe l’univers culturel israĂ©lien : Doron Medalie, l’un des compositeurs les plus influents du pays — auteur de “Toy” (Eurovision 2018) et d’innombrables succĂšs pop — fait l’objet d’une plainte civile de 450 000 shekels pour harcĂšlement sexuel dĂ©posĂ©e par un Palestinien en situation irrĂ©guliĂšre.
L’onde de choc est immĂ©diate. D’un cĂŽtĂ©, un artiste cĂ©lĂ©brĂ©, personnage public soumis Ă  l’implacable tribunal mĂ©diatique. De l’autre, un plaignant sans statut lĂ©gal, Ă©voquant une dĂ©tresse personnelle, mais dont la situation l’expose aussi Ă  des manipulations, Ă  des risques d’instrumentalisation et Ă  des zones grises juridiques.
Au centre : une narration encore floue, un récit à charge, et un risque de glissement vers une condamnation sociale avant toute instruction.

L’enquĂȘte rĂ©vĂ©lĂ©e par i24NEWS et confirmĂ©e par les documents transmis au tribunal dĂ©crit un Ă©change entre Medalie et un homme palestinien entrĂ© illĂ©galement en IsraĂ«l, affirmant ĂȘtre menacĂ© d’exĂ©cution dans les territoires. Selon la plainte, ce dernier accuse Medalie de l’avoir “exploitĂ©e sa vulnĂ©rabilitĂ©â€, de lui avoir proposĂ© des sommes d’argent, de l’avoir droguĂ©, puis d’avoir imposĂ© des contacts sexuels.
Le compositeur nie fermement et parle de “tentative de chantage”, une formulation sĂšche, tranchĂ©e, typique d’une affaire oĂč l’intĂ©gritĂ© de l’accusĂ© devient monnaie d’échange.

Les messages citĂ©s dans la plainte — dont certains extraits apparaissent dans les rapports de presse — dĂ©crivent des Ă©changes Ă  connotation sexuelle, parfois crus, parfois ambigus, parfois franchement suspects. Mais rien, Ă  cette Ă©tape, ne permet de conclure Ă  la vĂ©racitĂ© ou Ă  la cohĂ©rence du rĂ©cit prĂ©sentĂ©.
Le demandeur, selon son propre dossier, vivait dans une situation d’illĂ©galitĂ© totale : sans autorisation de sĂ©jour, sans travail, sans ressources, sans assurance mĂ©dicale. Il affirme avoir Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  mort par l’AutoritĂ© palestinienne pour avoir “empĂȘchĂ© un attentat”, une affirmation impossible Ă  vĂ©rifier publiquement et qui interroge la crĂ©dibilitĂ© des motivations, mais aussi la possibilitĂ© qu’il soit lui-mĂȘme sous pressions politiques ou criminelles.

Ce qui ressort en revanche des documents judiciaires, c’est une vulnĂ©rabilitĂ© extrĂȘme et une dĂ©pendance totale du plaignant Ă  l’égard de toute personne lui offrant argent, refuge ou assistance. Une situation qui, dans tout systĂšme judiciaire, impose prudence et vĂ©rifications, notamment pour Ă©carter les risques de chantage — un phĂ©nomĂšne bien documentĂ© par les services israĂ©liens lorsqu’il s’agit de personnes en situation irrĂ©guliĂšre ou d’individus exploitant la peur d’expulsion.


Les avocats spécialisés en droit pénal interrogés par Haaretz et Ynet rappellent que le droit israélien distingue clairement entre :
– plainte pĂ©nale, ouverte par la police,
– action civile (comme ici), visant l’indemnisation financiùre.
Or, dans ce dossier, aucune plainte pĂ©nale n’a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e Ă  ce stade.
Ce choix est lourd de sens : un plaignant qui estime avoir subi un viol ou une agression sexuelle choisit habituellement la voie pĂ©nale pour rechercher condamnation et protection. La voie civile seule, sans signalement criminel, laisse planer un doute inhĂ©rent sur les motivations exactes, mĂȘme si elle ne suffit Ă©videmment pas Ă  invalider le rĂ©cit prĂ©sentĂ©.

Medalie, par l’intermĂ©diaire de son entourage citĂ© par i24NEWS, se dit “prĂȘt Ă  parler devant la justice si nĂ©cessaire”. Une posture d’ouverture cohĂ©rente avec une stratĂ©gie de dĂ©fense visant Ă  exposer contradictions, incohĂ©rences et potentiels mobiles cachĂ©s.


Le rĂ©cit du plaignant, trĂšs dĂ©taillĂ©, Ă©voque un enchaĂźnement d’évĂ©nements dramatiques :
– une rencontre prĂšs de la CinĂ©mathĂšque de Tel-Aviv ;
– des invitations rĂ©currentes Ă  venir chez Medalie ;
– un supposĂ© usage de drogues (“cocktails”) ;
– une soirĂ©e dĂ©crite comme une “fĂȘte fictive” oĂč il serait devenu incapable de se dĂ©fendre ;
– des menaces liĂ©es Ă  son statut juridique ;
– puis l’effondrement total de sa situation personnelle, jusqu’à se retrouver à la rue pendant la guerre.

Certaines de ces descriptions — notamment l’évocation d’une “fĂȘte oĂč personne n’est venu”, et la mention de “cocktails non identifiĂ©s” — nĂ©cessitent des analyses mĂ©dico-lĂ©gales pour ĂȘtre crĂ©dibles devant un tribunal.
L’absence totale de preuves matĂ©rielles connues Ă  ce stade (analyses toxicologiques, certificats de blessures, tĂ©moins directs) laisse la procĂ©dure dans une zone d’ombre Ă  forte composante Ă©motionnelle mais Ă  faible densitĂ© probatoire.

Les passages Ă©voquant une “rĂ©seau de Palestiniens vendus 1 000 shekels Ă  des hommes israĂ©liens” ajoutent une dimension particuliĂšrement sensible, laissant ouverte l’idĂ©e d’un univers clandestin oĂč s’entremĂȘlent exploitation, survie et chantage. LĂ  encore, aucune enquĂȘte indĂ©pendante ne vient Ă©tayer ces propos.


Politiquement, l’affaire survient dans un climat oĂč les cĂ©lĂ©britĂ©s israĂ©liennes sont davantage scrutĂ©es, oĂč les rĂ©seaux sociaux fonctionnent comme multiplicateurs de suspicion, et oĂč la question des infiltrĂ©s palestiniens est plus brĂ»lante que jamais depuis le 7 octobre.
Le risque de rĂ©cupĂ©ration politique — dans un sens comme dans l’autre — est rĂ©el.

Pour la justice israĂ©lienne, l’équation est complexe : protĂ©ger les victimes potentielles, Ă©viter d’offrir un boulevard au chantage organisĂ©, et garantir la prĂ©somption d’innocence dans un climat mĂ©diatique dĂ©jĂ  en fusion.


Ce dossier n’en est qu’à son dĂ©but. Il exigera prudence, rigueur et transparence — loin des emballements immĂ©diats. Ni glorification naĂŻve du plaignant, ni lynchage hĂątif du compositeur : la seule voie possible est celle d’une enquĂȘte minutieuse.

Dans un pays oĂč les fissures sociales sont exploitĂ©es par des ennemis extĂ©rieurs comme intĂ©rieurs, IsraĂ«l ne peut se permettre que ses propres dĂ©bats internes se transforment en outils de dĂ©stabilisation. Qu’il s’agisse d’un drame rĂ©el ou d’une tentative de pression opportuniste, l’affaire Medalie devra ĂȘtre tranchĂ©e par les faits, rien que les faits.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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