La colère des réservistes contre le chef d’état-major : “Un fossé immense entre les soldats et les généraux”

La tempête continue de gronder dans les rangs des réservistes israéliens. Après la décision du chef d’état-major Eyal Zamir d’imposer des sanctions limitées à certains officiers jugés responsables des défaillances du 7 octobre, de nombreuses voix s’élèvent, dénonçant un traitement arbitraire et profondément inéquitable. L’un des plus virulents, l’avocat Omer Ben-Hamo, directeur adjoint du mouvement « Les Réservistes – Génération de la Victoire », résume le sentiment général : « Il existe un fossé immense entre le soldat de base et le haut commandement. »

Les critiques, relayées notamment par Radio Aroutz 7, sont claires : les sanctions sont jugées trop faibles, trop ciblées, et surtout déconnectées de la gravité du désastre du 7 octobre, qualifié par beaucoup de « plus grand échec sécuritaire de l’histoire d’Israël ». Pour Ben-Hamo, l’écart entre les sanctions infligées aux soldats et aux jeunes commandants, comparé à l’indulgence dont bénéficieraient les officiers supérieurs, est intenable.

Il rapporte plusieurs exemples vécus en unité d’élite : « Lors de mon parcours à Egoz, un camarade qui avait mangé un shawarma en pleine navigation, après plus d’un an d’entraînement, a été jugé et renvoyé de l’unité le jour même. Un autre qui avait perdu son arme a fait de la prison. Et là, des gens qui ont perdu toute la frontière sud sortent de là sans rien ? » La colère est palpable, d’autant que certains soldats sont aujourd’hui retenus en détention militaire pour avoir pris des “souvenirs” à Gaza – alors que les responsables des failles structurelles du 7 octobre restent en poste ou partent en retraite, presque sans conséquences.

Ben-Hamo rappelle qu’après l’attaque du 7 octobre, un seul officier a été officiellement limogé. Le chef d’état-major précédent, Herzi Halevi, et le chef du renseignement Aharon Haliva ont démissionné volontairement, mais la plupart des autres officiers supérieurs n’ont pas été réellement sanctionnés. « Le seul limogé est le chef du renseignement de la division Gaza. Imaginez une entreprise privée qui perd 30% de ses revenus : des têtes tomberaient. Et ici ? Rien. Quel message cela envoie-t-il au soldat de terrain ? »

Le mouvement des réservistes accuse également l’armée de « deux poids, deux mesures ». L’avocat rappelle que par le passé, des officiers éminents avaient été sévèrement punis pour des fautes bien moindres : le général Chiko Tamir sanctionné pour un incident de quad, le colonel Imad Fares pour un accident de véhicule, ou encore l’arrêt de carrière d’Ofer Winter pour des raisons politiques internes. « Il existe une peur de voir émerger de nouvelles forces dans le peuple d’Israël, des forces qui ne partagent pas la culture d’“acceptation” et de compromis du haut commandement », estime-t-il, citant le cas du général Zini comme exemple d’une génération qui dérange.

Plus que la punition elle-même, c’est la question du message envoyé qui le préoccupe : « Je suis inquiet pour l’armée. Un système où l’on peut être responsable du front sud — et tout perdre — puis continuer la guerre et partir ensuite en retraite honorable, avant d’être déclaré inapte aux réserves… Quel message cela envoie-t-il au commandant sur le terrain ? Où est la culture de la responsabilité ? Sans elle, il n’y a pas d’armée. »

Cette frustration n’est pas isolée. De nombreux réservistes partagent cette impression d’un renversement des responsabilités : « Plus le grade est élevé, moins la responsabilité l’est, et au final tout retombe sur le simple soldat », déplore Ben-Hamo. Il souligne également l’absurdité d’un système où un soldat fautif doit se contenter d’un avocat commis d’office, tandis que la procureure militaire bénéficie des services de l’un des avocats les plus coûteux du pays, payés par l’armée. « Les meilleurs avocats ont été mobilisés pour conseiller les généraux avant la commission d’enquête. C’est encore le même schéma. Un traitement pour le soldat, un autre pour l’état-major. »

Le mouvement critique également la gestion de la future commission d’enquête, estimant que « cinq des enquêtes internes sont classées “rouges”, ce qui signifie dissimulation, voire responsabilité pénale ». Selon eux, si le chef d’état-major n’agit pas, « c’est aux responsables politiques de le faire ». Le mouvement salue la pression exercée par le ministre de la Défense Israel Katz, la qualifiant de « bataille morale qu’on ne peut abandonner ».

Sur le terrain, ce ressentiment est devenu un phénomène répandu. « C’est vécu par chaque soldat », assure Ben-Hamo. « On nous apprend que plus le grade est élevé, plus la responsabilité augmente. Mais aujourd’hui, c’est l’inverse. » Pour lui, c’est une faille qui peut mettre en danger l’avenir de Tsahal. « Si le message est qu’un soldat sera puni pour une erreur mineure mais qu’un général ne paiera pas pour un échec historique, alors le lien moral entre l’armée et ses combattants se fissure. »

Dans une période où Israël fait encore face à des menaces multiples et à une guerre qui n’est pas terminée, cette question de responsabilité n’est pas seulement symbolique : c’est une question de survie morale et opérationnelle. Ce débat, brûlant au sein de l’institution militaire, dépasse les individus concernés et touche au cœur même de la culture militaire israélienne — une culture forgée dans l’idée que l’exemple doit venir d’en haut.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés

 

Â