L’explosion actuelle de cas de rougeole en Israël est en train de devenir l’un des événements sanitaires les plus graves qu’ait connus le pays depuis des décennies. Avec déjà 11 décès – le dernier en date, un bébé d’un an et demi de Jérusalem, décédé après dix jours d’hospitalisation à l’unité de soins intensifs pédiatriques de Hadassah Ein Kerem – les autorités sanitaires avertissent que le plus dur est encore à venir. Les chiffres réels de contamination, estimés entre 6 800 et 11 000 cas, dépassent largement les 2 100 cas confirmés par le ministère de la Santé. Pour les spécialistes, la situation relève d’un « effondrement systémique » après 35 ans de quasi-disparition de la maladie grâce au vaccin.
Le Dr Yan Miskin, expert en médecine familiale et en maladies infectieuses au sein de Clalit, a résumé avec émotion la gravité de la situation : « C’est une catastrophe nationale. Des familles sont détruites, des communautés sont frappées – et c’est une tache sur nous tous. Ce n’est pas un “malheureux incident”, c’est un échec systémique. Pendant 35 ans, il n’y a pas eu d’épidémie grâce au vaccin. Comment le vaccin est-il soudain devenu dangereux ? Qui a décidé cela ? » Ses propos, relayés par plusieurs médias médicaux israéliens, résument un sentiment de désarroi au sein du personnel soignant.
Un élément essentiel ressort des données : les foyers d’infection sont concentrés dans plusieurs villes et localités à majorité haredi, où les taux de vaccination sont nettement inférieurs à la moyenne nationale. Alors que la couverture vaccinale atteint environ 90 % dans la population générale, elle tombe parfois en dessous de 50 % dans certains quartiers ultra-orthodoxes. Les clusters les plus importants se situent à Jérusalem, Beit Shemesh, Bnei Brak, Modi’in Illit, Safed, Tibériade, Beitar Illit, Ashdod, Netivot, Harish et d’autres localités de forte densité démographique.
Pour les médecins, il ne s’agit pas d’une surprise : « La société haredi possède des systèmes communautaires alternatifs. Cela peut fonctionner pour de nombreuses choses, mais pas pour l’épidémiologie », explique le Dr Erez Garti, représentant du ministère de la Santé. Il rappelle que les plus grands succès de vaccination dans ces zones ont été obtenus grâce au soutien de rabbanim et de responsables communautaires : « Dans des zones avec 40 % de couverture vaccinale, nous sommes montés à 400 % grâce à leurs lettres et leur implication. »
Mais le danger dépasse largement la flambée actuelle. Selon le Dr Miskin, certains enfants infectés aujourd’hui pourraient mourir dans cinq ans ou plus, victimes de la SSPE (encéphalite subaiguë sclérosante). Cette maladie dégénérative du cerveau, rare mais toujours fatale, survient chez 1 enfant sur 100 000 infectés et conduit, après une phase silencieuse, à des troubles cognitifs, des changements comportementaux, puis à une dégradation neurologique irréversible. « Nous ne voyons aujourd’hui que le sommet de l’iceberg », avertit-il. « C’est une illusion dangereuse de croire qu’une infection naturelle protège mieux. Il n’y a aucun avantage à attraper la rougeole. »
Le président de l’organisation « Lemaanchem », Yossi Erblich, confirme que les appels à la vigilance n’ont pas été pris au sérieux : « Il y a six mois, on me disait que je créais la panique. Aujourd’hui, 11 enfants sont morts. Ce n’est pas de la panique – c’est une tragédie. » Selon lui, l’approche du ministère de la Santé envers les communautés concernées n’a pas été suffisamment proactive ni adaptée à leur fonctionnement interne.
En parallèle, un autre virus frappe durement : la grippe. Une fillette de 10 ans et demi de Modi’in Illit est décédée cette semaine des suites de complications grippales – premier cas mortel de la saison. L’an dernier, 422 personnes sont mortes de la grippe, dont quatre enfants. Comme pour la rougeole, l’enfant décédée n’était pas vaccinée. Le ministère de la Santé rappelle que le vaccin contre la grippe ne supprime pas totalement le risque d’infection, mais réduit de manière très significative la gravité des complications, l’hospitalisation et la mise sous respiration artificielle.
Au-delà du drame humain, l’explosion des cas menace d’asphyxier un système de santé déjà surchargé depuis la guerre du 7 octobre. Les urgences pédiatriques sont sous pression, les équipes médicales épuisées, et les autorités redoutent une hausse continue des hospitalisations dans les semaines à venir. Cette simultanéité entre rougeole, grippe et autres infections hivernales crée un « cocktail épidémiologique » redouté par les hôpitaux.
À l’échelle nationale, les implications sont lourdes : baisse de la confiance dans les vaccins, propagation rapide dans des communautés densément peuplées, risque de maladies cérébrales sur plusieurs années, surcharge structurelle du système de santé. Pour les responsables sanitaires, il est impératif de reconstruire une politique vaccinale unie, ciblant particulièrement les localités où la défiance face aux vaccins est devenue structurelle.
L’alerte lancée par le Dr Miskin résonne comme un signal ultime : « Si nous voyions 11 enfants mourant écrasés après avoir été laissés seuls sur la route, le pays serait horrifié. Ici, c’est exactement la même chose : c’est du Pikuach Nefesh. » Une phrase qui résume la gravité de cet instant – et la nécessité d’un sursaut immédiat.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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