“La situation est une catastrophe” : Israël manque de psychologues malgré la hausse des salaires – un système à bout de souffle

Alors qu’Israël tente encore de se relever des traumatismes du 7 octobre et des deux années de guerre qui ont suivi, une nouvelle crise se profile : celle de la santé mentale. Malgré un accord salarial historique destiné à ramener les psychologues vers le service public, les témoignages convergent : il n’y a tout simplement pas de postes disponibles. Résultat : des milliers d’Israéliens en détresse psychologique se retrouvent sans soins, et les files d’attente pour un rendez-vous s’étirent parfois jusqu’à un an et demi.

Un responsable du système de santé, interrogé par Ynet, décrit une réalité « catastrophique » : « Les hôpitaux et les services de santé publics croulent sous la charge, surtout depuis le 7 octobre. Nous faisons face à des personnes brisées, traumatisées, présentant des symptômes d’une intensité rare. Mais les effectifs ne suivent pas. Nous avons besoin de bras, et vite. » Selon lui, l’écart entre les besoins et les postes disponibles est si grand qu’il menace de faire exploser tout l’écosystème de soins.

Un sondage du Forum des organisations pour la psychologie publique, réalisé en septembre 2025 auprès de 396 psychologues, révèle un paradoxe dramatique :

  • 37 % souhaitent revenir dans le système public ;
  • 40 % affirment que le nouvel accord salarial renforce leur volontĂ© de revenir ;
  • mais 84 % de ceux qui ont effectivement postulĂ© n’ont pas Ă©tĂ© acceptĂ©s, faute de postes ouverts.

Le constat est accablant : l’État a augmenté les salaires, mais n’a pas créé les postes nécessaires.

Le Dr Yuval Hirsch, psychologue clinicien et l’un des leaders du Forum, l’explique sans détour : « L’accord salarial a été un tournant. Avant, être psychologue dans le public relevait presque du bénévolat. Aujourd’hui, la rémunération est enfin décente. Mais à quoi bon ? Ils veulent revenir, et personne ne les recrute, car il n’y a pas de budget pour les postes. » Il souligne que la plupart des répondants sont des experts chevronnés, dont la moitié exercent depuis plus de 15 ans. « Nous perdons un capital humain immense. »

Selon les estimations du Forum (faute de données officielles complètes), Israël souffrirait d’un manque de plus de 1 500 psychologues cliniciens dans les hôpitaux et les services publics. Le pays ne disposerait que de 675 postes pour un besoin réel d’environ 2 200. Dans le domaine de la psychologie médicale, la situation est encore plus dramatique : 165 postes existants pour un besoin estimé à 1 800.

Dans les faits, les conséquences sont immédiates : les psychologues actuels doivent prendre en charge des volumes de patients sans précédent. « Chacun fait le travail de deux personnes », explique un responsable. « C’est une fatigue structurelle. Et cela risque de pousser encore plus de professionnels vers le secteur privé. » Beaucoup témoignent déjà ne plus avoir une seule heure disponible pour de nouveaux patients, même dans leurs cliniques personnelles.

La crise est d’autant plus inquiétante que les semaines et mois à venir risquent de voir affluer une vague massive de troubles psychologiques post-traumatiques : victimes des attaques du Hamas, soldats revenus du front, familles endeuillées, enfants exposés à la violence des derniers mois. « Nous sommes à l’aube d’une épidémie silencieuse », prévient Hirsch. « Des milliers d’Israéliens ne pourront plus travailler, certains glisseront vers les addictions, et il n’y a pas de structure prête à les accueillir. »

L’État a promis des avancées. Le ministère de la Santé affirme que :

  • les caisses de santĂ© ont recrutĂ© « des centaines de nouveaux professionnels » ces deux dernières annĂ©es ;
  • les hĂ´pitaux ont Ă©largi leurs Ă©quipes ;
  • plus de 1 000 nouveaux internes sont actuellement en formation ;
  • et que « des postes dĂ©diĂ©s » seront rĂ©clamĂ©s dans le budget 2026.

Mais sur le terrain, ces annonces sont jugées insuffisantes. Le Forum rappelle qu’il n’existe toujours aucun plan pluriannuel définissant le nombre de psychologues nécessaire par habitant — une norme pourtant appliquée dans de nombreux pays. Le modèle utilisé par le ministère de l’Éducation, lui, date de 35 ans et ne reflète plus la réalité contemporaine.

Autre problème : dans certains hôpitaux, même les postes existants ne sont pas attribués à des psychologues, mais redirigés vers d’autres professions en raison de contraintes internes, aggravant encore les disparités entre établissements.

Le secteur privé, de son côté, est également saturé. « Je n’ai plus une seule heure disponible », témoigne un psychologue interrogé. « Personne ne veut envoyer des patients en crise émotionnelle payer 400 ou 500 shekels la séance. Ce serait trahir notre mission. »

Pour les experts, la solution est claire : un investissement massif, immédiat, financé par l’État, afin de doubler le nombre de psychologues dans le système public. « On ne peut plus attendre », prévient le Dr Hirsch. « C’est l’une des plus grandes crises sanitaires que le pays connaîtra. Si le gouvernement ne réagit pas maintenant, la détresse psychologique deviendra un problème national irréversible. »


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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