Mengele en Argentine : des documents des services secrets dĂ©voilent la complicitĂ© silencieuse d’un État

Plus de soixante-dix ans aprĂšs la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux documents des services de renseignement argentins jettent une lumiĂšre crue sur l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire contemporaine. Selon ces archives dĂ©sormais rendues publiques, les autoritĂ©s argentines ont su pendant des annĂ©es que Josef Mengele – le mĂ©decin SS surnommĂ© “l’Ange de la mort” d’Auschwitz – vivait librement sur leur territoire.
Source : https://www.kikar.co.il

Loin de tenter de le capturer ou de le remettre Ă  la justice internationale, ces documents rĂ©vĂšlent que les responsables politiques et sĂ©curitaires ont tout simplement choisi de dĂ©tourner le regard. Une dĂ©cision que certains historiens qualifient dĂ©jĂ  d’“omerta d’État”.


Une entrée en Argentine sous identité réelle

Les documents dĂ©classifiĂ©s indiquent que Mengele a pĂ©nĂ©trĂ© en Argentine en 1949, en utilisant un passeport italien. Ce dĂ©tail n’était pas un secret absolu : les agents argentins savaient, selon ces nouvelles archives, qu’il s’agissait de Josef Mengele, criminel nazi recherchĂ© par les AlliĂ©s pour ses expĂ©riences meurtriĂšres sur des jumeaux, enfants et prisonniers Ă  Auschwitz.

Pire encore : en 1956, Mengele se serait prĂ©sentĂ© lui-mĂȘme Ă  l’ambassade de la RĂ©publique FĂ©dĂ©rale d’Allemagne Ă  Buenos Aires pour obtenir une copie de son acte de naissance. Lors de cette dĂ©marche, il a utilisĂ© son vrai nom. Une occasion en or de dĂ©clencher une procĂ©dure d’extradition
 qui n’a jamais Ă©tĂ© saisie.

Le rĂ©sultat est stupĂ©fiant : mĂȘme lorsqu’il s’est exposĂ© volontairement, aucune autoritĂ© n’a agi.


Une vie presque normale en banlieue de Buenos Aires

Les archives rĂ©vĂšlent que le bourreau d’Auschwitz a passĂ© des annĂ©es relativement tranquilles dans des quartiers pĂ©riphĂ©riques de la capitale argentine. En 1959, il a mĂȘme Ă©pousĂ© l’épouse de son propre frĂšre, toujours sous sa vĂ©ritable identitĂ©. Cette mĂȘme annĂ©e, l’Allemagne de l’Ouest avait officiellement demandĂ© son extradition.

Mais un juge argentin rejeta la demande, prĂ©textant des irrĂ©gularitĂ©s administratives. Quelques semaines plus tard, averti ou simplement prudent, Mengele prit la fuite vers le Paraguay, puis le BrĂ©sil, oĂč il mourut en 1979, noyĂ© aprĂšs un malaise en mer.

Son corps n’a Ă©tĂ© identifiĂ© qu’en 1985, six ans aprĂšs sa mort.


Pourquoi l’Argentine a-t-elle dĂ©tournĂ© le regard ?

Les spĂ©cialistes de l’AmĂ©rique latine rappellent que l’Argentine de l’aprĂšs-guerre se voulait un havre pour de nombreux fugitifs nazis. Le rĂ©gime du prĂ©sident Juan PerĂłn entretenait une fascination certaine pour l’Allemagne, combinĂ©e Ă  un anticommunisme virulent, ce qui conduisit Ă  une vĂ©ritable filiĂšre d’exfiltration des criminels nazis. Adolf Eichmann avait lui aussi trouvĂ© refuge en Argentine avant d’ĂȘtre capturĂ© par le Mossad en 1960.

Les nouveaux documents montrent une systĂ©matisation de cette attitude : les autorités n’ont pas seulement laissĂ© faire, elles ont activement ignorĂ© les avertissements, afin de maintenir un climat politique qui favorisait l’accueil d’EuropĂ©ens – y compris ceux ayant commis les pires crimes du XXe siĂšcle.

Pour les familles des victimes, cette rĂ©vĂ©lation ravive une douleur ancienne : l’impression d’une injustice jamais rĂ©parĂ©e et d’une protection d’État accordĂ©e Ă  l’un des pires tortionnaires nazis.


L’impact du dĂ©voilement : un choc pour la sociĂ©tĂ© argentine

La publication de ces archives n’est pas le fruit du hasard. Elle intervient dans un contexte politique oĂč le prĂ©sident argentin Javier Milei affirme vouloir “faire face au passĂ© avec honnĂȘtetĂ©, sans chercher Ă  le maquiller”. Cette dĂ©marche s’inscrit dans une volontĂ© plus large de transparence, qui implique d’ouvrir des dossiers longtemps conservĂ©s sous scellĂ©s.

Pour la communautĂ© juive d’Argentine, l’une des plus importantes au monde hors IsraĂ«l et États-Unis, ces rĂ©vĂ©lations constituent un choc profond. Beaucoup soupçonnaient depuis longtemps que les autoritĂ©s avaient couvert la prĂ©sence de Mengele, mais l’existence de preuves officielles produit un effet Ă©motionnel dĂ©cuplĂ©.

Des organisations mĂ©morielles rappellent que Mengele n’a jamais exprimĂ© la moindre repentance. Il continuait, mĂȘme aprĂšs la guerre, Ă  minimiser son rĂŽle, affirmant que les dĂ©cisions prises Ă  Auschwitz “ne relevaient pas de lui”.


Entre mémoire et responsabilité : une page encore ouverte

L’affaire Mengele rĂ©vĂšle une question restĂ©e en suspens pendant des dĂ©cennies : un État peut-il, au nom de sa souverainetĂ©, protĂ©ger un individu responsable d’expĂ©riences mĂ©dicales, de tortures et de milliers de meurtres ? Les archives montrent que l’Argentine a rĂ©pondu “oui” pendant prĂšs de quinze ans.

Ce silence volontaire a empĂȘchĂ© une justice universelle de s’exercer, tout en permettant Ă  un criminel de guerre de vivre librement jusqu’à sa mort naturelle. L’absence de procĂšs, de confrontation, de tĂ©moins entendus, est une blessure toujours ouverte.

Les historiens espĂšrent que ces documents permettront au moins de complĂ©ter la vĂ©ritĂ© historique et de rappeler aux gĂ©nĂ©rations futures que l’impunitĂ© n’est jamais totale : mĂȘme tardivement, elle finit par ressurgir au grand jour.


Conclusion : un rappel brutal sur la fragilité de la justice internationale

L’histoire de Josef Mengele repose dĂ©sormais sur une certitude : il aurait pu ĂȘtre jugĂ©, arrĂȘtĂ©, confrontĂ© Ă  ses crimes. Mais un pays a choisi de fermer les yeux. Cette rĂ©vĂ©lation, tardive mais cruciale, rappelle Ă  quel point la justice internationale demeure vulnĂ©rable aux choix politiques des États.

Le dĂ©voilement de ces archives n’efface pas les victimes, mais il les replace au centre du rĂ©cit. Et il oblige l’Argentine Ă  se confronter Ă  un passĂ© que beaucoup auraient prĂ©fĂ©rĂ© enterrer avec l’Ange de la Mort lui-mĂȘme.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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