« Je suis fatigué de lutter pour être un bon Juif » : le rav Yossef Yitzchak Jacobson dévoile la vérité du combat intérieur

Il y a dans les paroles du rav Yossef Yitzchak Jacobson une franchise rare, presque déstabilisante : « Je suis fatigué de lutter pour être un bon Juif. Dites-moi que c’est normal ». Ce cri, lancé dans une vidéo devenue virale sur les réseaux religieux, touche un point sensible de l’expérience spirituelle contemporaine : la sensation d’être dans une guerre intérieure permanente, de chuter, de culpabiliser, de se demander si l’on est vraiment à la hauteur. Dans son cours dédié à la paracha Vayichlaḥ, le célèbre maggid hassidique — l’un des conférenciers les plus suivis du monde orthodoxe anglophone — décortique cette fatigue, non pour la condamner, mais pour l’éclairer. Et pour beaucoup, cette parole arrive comme un soulagement, presque une permission d’être humain.

Le rav Jacobson décrit d’abord ce que tant ressentent en silence : cette lutte quotidienne contre des pensées sombres, contre l’impression de ne jamais être assez bon, contre la voix intérieure qui répète que l’on n’avance pas assez vite. À ses yeux, cette lutte n’est pas un signe d’échec mais un élément constitutif de la vie religieuse. L’homme n’est pas défini par ses chutes, mais par son mouvement, par ce qu’il tente malgré tout. « Être constamment en guerre, c’est épuisant », reconnaît-il. Mais, ajoute-t-il, c’est précisément dans cette guerre que se révèle la grandeur de l’homme.

Dans la vidéo relayée par Kikar HaShabbat, il pose une question que beaucoup n’osent pas formuler : pourquoi les autres semblent-ils si sereins alors que moi, je me bats encore ? Cette comparaison sociale, aggravée par l’ère numérique, crée l’illusion que la paix intérieure des uns confirme la défaillance des autres. Mais Jacobson brise cette illusion : personne n’est paisible tout le temps. Même les tsaddikim, même les figures les plus admirées, ont traversé des tempêtes intérieures. L’apparence extérieure ne dit rien du tumulte caché. Le judaïsme, rappelle-t-il, n’a jamais exigé de l’homme qu’il soit parfait ; il lui demande seulement de rester en chemin.

Pour expliquer ce paradoxe, il revient sur les deux noms du patriarche Yaakov : Yaakov et Israël. Yaakov est celui qui trébuche, celui qui lutte contre ses peurs, celui qui doute. Israël est celui qui affronte, qui se relève, qui refuse d’être défini par sa fragilité. L’existence humaine oscille constamment entre ces deux pôles. L’épuisement n’est pas la preuve que l’on est faible, mais la preuve que l’on est engagé dans un processus. Le rav Jacobson insiste : ce n’est pas la victoire qui sanctifie l’homme, c’est le combat lui-même. Une idée profondément enracinée dans la tradition hassidique, qui a toujours valorisé le mouvement plus que l’état, l’effort plus que le résultat.

Sa parole résonne particulièrement dans une génération marquée par la pression morale et émotionnelle. Selon plusieurs études menées en Israël et aux États-Unis après la pandémie — notamment par le Pew Research Center et divers instituts de psychologie spécialisée dans le religieux — la fatigue spirituelle et la culpabilité chronique sont devenues des phénomènes fréquents chez les croyants pratiquants. L’idéal religieux, perçu comme un sommet inaccessible, devient parfois source de souffrance. Les rabbins et éducateurs rapportent un nombre croissant de personnes se sentant « déconnectées », persuadées que leurs chutes les rendent indignes. C’est précisément ce poids que Jacobson tente d’alléger.

Sa démarche n’a rien d’une indulgence facile. Il ne minimise pas les exigences de la Torah. Il ne propose pas de renoncer à la lutte, ni à la discipline, ni au travail sur soi. Mais il en modifie le sens : le combat n’est pas une punition, mais un lieu de croissance. La fatigue n’est pas un verdict, mais le signe que l’on avance. Le véritable danger, dit-il, n’est pas de tomber, mais de cesser d’essayer. Or c’est souvent la culpabilité, plus que la faute elle-même, qui fait abandonner la personne. En réhabilitant l’imperfection comme une composante normale du chemin, Jacobson ouvre une brèche dans un système où trop de gens étouffent sous le poids du perfectionnisme religieux.

Il évoque également la nécessité de regarder la réalité en face : personne ne peut se maintenir en état de ferveur constante. Les maîtres hassidiques l’ont toujours enseigné : l’âme connaît des élans et des retraits, des moments d’inspiration et des moments de confusion. Le rav Jacobson s’inscrit dans cette lignée en rappelant que la question de la sincérité ne se mesure pas à l’absence de luttes, mais à la manière dont on les traverse. La victoire n’est jamais permanente, mais la dignité se trouve dans le recommencement.

La force de son message est aussi sociale. Dans une époque où chacun masque ses failles derrière une image lissée, reconnaître publiquement la fatigue spirituelle devient un acte libérateur. Cela redonne de la place à la vulnérabilité, et donc à l’authenticité. En cela, Jacobson parle à un public beaucoup plus large que celui des cercles religieux : il parle à tous ceux qui tentent, qui chutent, qui se relèvent. Qui cherchent la vérité dans une vie faite d’imperfections.

Sa vidéo, largement partagée, incarne peut-être l’une des évolutions majeures du judaïsme contemporain : une spiritualité moins centrée sur la performance, davantage centrée sur l’humain. Un judaïsme qui n’abandonne pas la rigueur, mais qui intègre la fragilité comme partie intégrante du service divin. Et c’est précisément cette vérité, simple et forte, qui fait de son message un phénomène si puissant.


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