À l’occasion de la Journée nationale de reconnaissance aux blessés des guerres d’Israël, les discussions autour de la loi d’exemption du service militaire pour les blessés de Tsahal et les victimes d’attentats ont pris un tour particulièrement tendu. Plusieurs blessés et familles endeuillées ont dénoncé ce qu’ils qualifient de « faillite morale profonde ». Un père endeuillé a crié que « dans les cimetières, ils ne peuvent pas faire entendre leur voix », tandis que des échanges vifs ont eu lieu entre un rabbin et une députée au sujet des transports publics et de la place des femmes.
Alon Kaminér, considéré comme l’un des blessés les plus gravement touchés depuis le début de la guerre, a pris la parole devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense. Kaminér, 28 ans, qui a perdu ses deux mains, une jambe et un œil lors de l’explosion d’un engin piégé à Rosh Hanikra, a raconté : « Je suis parti me battre pour défendre les Juifs et j’ai été blessé après une semaine. Ma grand-mère est une survivante de la Shoah, et je me suis dit dans ma tête : nous mourrons mais nous ne les laisserons pas gagner. » Il a ajouté qu’en ce jour dédié aux blessés, il voulait rappeler les souffrances de ses camarades blessés physiquement et psychiquement. À ses yeux, les droits dont jouit le peuple juif en Israël doivent s’accompagner d’obligations équivalentes.
Kaminér a souligné que considérer la société haredi comme un bloc homogène entièrement consacré à l’étude était une erreur. Il a exprimé un immense respect pour les véritables étudiants de yeshiva, tout en demandant de ne pas ternir leur réputation avec ceux qui n’étudient pas réellement. Selon lui, l’absence de mécanismes de contrôle dans la proposition de loi du président de la commission, Boaz Bismuth, ouvre la porte aux abus. « Il manque des empreintes digitales et un contrôle extérieur pour déterminer qui étudie vraiment. Qui peut dire qui est un étudiant de yeshiva et qui ne l’est pas ? » a-t-il demandé. « Celui qui n’étudie pas doit aller à l’armée et contribuer à la construction de l’État. Nous ne sommes plus dans les temps anciens : il faut recruter parce que l’armée le demande. »
Le rabbin Ohad Taharlev, père endeuillé et directeur de la Midreshet Lindenbaum, a également pris la parole. Il a rappelé que son fils avait étudié la Torah pendant deux ans avant son service militaire et avait prévu de retourner en yeshiva ensuite. « On me dit : ‘Nous craignons comment nos enfants reviendront’. Le mien n’est jamais revenu », a-t-il dit avec émotion. Selon lui, étudier la Torah et servir dans l’armée ne doivent pas être perçus comme contradictoires. « Étudier sans servir, c’est une mitzvah qui vient avec une transgression. Vos enfants reviendront plus grands, avec une crainte accrue du Ciel. Les filles engagées dans l’armée restent religieuses, étudient la Torah et sanctifient le nom de Dieu. Il ne peut pas y avoir une partie enterrée au mont Herzl et une autre non. »
Taharlev a insisté sur ce qu’il considère comme une faute morale majeure. Il a déclaré être venu exprimer la voix de son fils et de ceux qui, enterrés dans les cimetières militaires, ne peuvent plus parler. « L’Histoire ne nous pardonnera pas. Les jours où l’on pouvait encore repousser cette question sont révolus. »
Au cours des échanges, un débat animé a éclaté entre le rabbin Yonatan Reis et la députée Meirav Cohen. Reis a affirmé qu’il existait plusieurs conceptions de l’égalité, évoquant la décision de la Cour suprême concernant les bus séparés. Il a expliqué que, pour des raisons religieuses, sa fille devait se lever une heure plus tôt parce qu’elle ne pouvait pas s’asseoir à côté d’hommes dans les transports. Cohen lui a répondu qu’Israël était un pays libéral régi par des règles communes, et qu’il fallait s’y conformer.
Hananya Ben Shimon, blessé d’attentat et membre de l’organisation de réservistes « Épaule contre Épaule », a témoigné qu’après sa blessure il avait suivi une rééducation puis était retourné au service de réserve. Il a dénoncé le fait que la loi ne prenait pas en compte les étudiants de yeshivot de la mouvance sioniste-religieuse. Il a raconté que son frère, grièvement blessé par un missile antichar, était retourné étudier dans une yeshiva hesder un mois plus tard. Selon lui, la proposition actuelle crée une distinction dégradante entre « une Torah et une autre », et il a critiqué les propos parus dans une publication du parti Shas évoquant des femmes religieuses se servant de la Torah. « Mais qui êtes-vous pour utiliser la Torah comme un outil ? » a-t-il lancé.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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