Il était surnommé « le cerveau de Bibi » : son absence fragilise désormais la diplomatie israélienne, de Washington à Téhéran

Cinq semaines après la démission de Ron Dermer de son poste de ministre des Affaires stratégiques, le vide qu’il a laissé au cœur de la machine politico-sécuritaire israélienne est devenu impossible à ignorer. À Jérusalem comme à Washington, responsables israéliens et américains décrivent une période de flottement, marquée par une perte de repères sur plusieurs dossiers cruciaux, au premier rang desquels la relation avec les États-Unis. Cette absence intervient à un moment particulièrement sensible, alors que le Premier ministre Benyamin Netanyahou se prépare à une rencontre décisive avec le président américain Donald Trump à Mar-a-Lago.

Pendant plus d’une décennie, Ron Dermer a été bien plus qu’un ministre ou un diplomate. Il était l’homme de confiance absolu de Netanyahou, son émissaire officieux, sa « main longue » à la Maison-Blanche. Surnommé « le cerveau de Bibi », Dermer incarnait une extension directe du Premier ministre à l’étranger. Quiconque dialoguait avec lui savait qu’il parlait, de fait, avec Netanyahou lui-même. Ce lien personnel et politique, forgé sur des années de collaboration étroite, permettait à Dermer de mener des initiatives diplomatiques sensibles, souvent en court-circuitant les canaux institutionnels classiques.

Le style de gouvernance centralisé de Netanyahou s’est parfaitement accommodé de ce duo. Dermer gérait les dossiers les plus explosifs dans un cercle restreint, parfois en marginalisant d’autres acteurs de l’appareil d’État. Cette méthode, critiquée par certains, s’est révélée efficace dans des contextes où la discrétion et la rapidité primaient. Aujourd’hui, aucun autre responsable israélien ne dispose de cette combinaison unique d’accès direct, de crédibilité internationale et de connaissance intime des rouages américains.

Après le 7 octobre, l’influence de Dermer s’est encore renforcée. Il a pris en charge le dossier du « jour d’après » à Gaza, dirigé l’équipe de négociation sur les otages, piloté les contacts avec les Émirats arabes unis et d’autres États arabes, et joué un rôle central dans les discussions ayant conduit à la guerre de douze jours avec l’Iran. Il a également été l’un des architectes des négociations inédites avec la Syrie après la chute du régime Assad. Son départ a brutalement interrompu cette continuité stratégique.

Contrairement aux attentes initiales, Dermer ne s’est pas reconverti en émissaire spécial informel. Des obstacles juridiques, mais aussi une volonté manifeste de se détacher réellement de l’appareil gouvernemental, ont mis fin à cette hypothèse. Les conséquences sont concrètes. Les négociations avec la Syrie ont été suspendues, puis ont cédé la place à une ligne plus dure, portée par le ministre de la Défense Israel Katz. Au Liban, le dossier a été confié à l’ambassadeur à Washington et à un haut responsable du Conseil de sécurité nationale, sans que cela ne compense pleinement la perte d’influence.

À Gaza, Netanyahou a nommé l’homme d’affaires Michael Eisenberg pour superviser la mise en œuvre de l’accord de fin de guerre. Mais malgré des similitudes idéologiques, Eisenberg ne bénéficie ni de la proximité personnelle, ni du poids politique, ni de la reconnaissance dont jouissait Dermer à Washington. Résultat : les émissaires de Trump, Jared Kushner et Steve Witkoff, ont commencé à s’adresser directement à Netanyahou, parfois plusieurs fois par semaine, accentuant la personnalisation extrême de la relation bilatérale.

Sur le dossier iranien, l’absence de Dermer oblige Netanyahou à s’appuyer davantage sur le Mossad et sur des conseillers intérimaires, dans l’attente de la nomination d’un nouveau conseiller à la sécurité nationale. Or, Dermer était l’un des rares à pouvoir articuler une vision stratégique cohérente entre Jérusalem et Washington sur ce sujet existentiel.

À Washington, Ron Dermer était une institution. Admiré ou détesté, il était respecté. Sa relation avec Donald Trump était exceptionnelle et s’est encore approfondie lors du second mandat du président américain. Aucun acteur actuel de l’entourage de Netanyahou ne semble capable de reproduire ce lien. Désormais, le Premier ministre devra s’impliquer personnellement, bien davantage encore, dans chaque aspect de la relation avec les États-Unis, au risque d’une surcharge politique dans une période déjà explosive.



Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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