À l’été 2021, au moment où les forces américaines et internationales quittaient précipitamment l’Afghanistan, le pays basculait à nouveau sous le joug des talibans. Pour des centaines de femmes – juges, artistes, sportives, étudiantes – le retour du régime islamiste signifiait une menace immédiate contre leur vie. C’est à ce moment-là que deux Israéliennes, la journaliste Dana Hermann et la réalisatrice Roni Aboulafia, se sont retrouvées au cœur d’une opération de sauvetage aussi improbable que périlleuse, aujourd’hui racontée dans le film documentaire Day Trip – L’évasion d’Afghanistan, diffusé sur la chaîne publique israélienne.
Dana Hermann connaissait bien l’Afghanistan. Pendant près de vingt ans, elle y avait travaillé comme journaliste, rencontrant et interviewant de nombreuses femmes devenues, avec le soutien occidental, des figures de la société civile afghane. Lorsque les talibans sont revenus au pouvoir, ces femmes l’ont contactée en masse. Leurs messages étaient simples et désespérés : « Aide-nous à partir ». Certaines se cachaient déjà, d’autres changeaient de domicile chaque nuit. Toutes savaient que leur nom figurait sur des listes.
Très vite, Hermann a compris qu’il ne s’agissait pas d’un appel symbolique mais d’une course contre la montre. Avec Roni Aboulafia, elle a monté en urgence un réseau improvisé de soutiens : amis, militants, juristes, ONG, et même un mécène juif canadien, Sylvan Adams, qui a accepté de financer l’opération. Deux missions d’exfiltration ont été organisées dans un chaos total : la première a permis de sauver 42 femmes, la seconde 125, soit 167 Afghanes au total.
Les obstacles se sont multipliés. Les femmes n’avaient souvent ni passeport ni documents officiels. Les talibans interceptaient parfois les convois, frappaient les hommes, exigeaient des pots-de-vin. Les itinéraires changeaient sans cesse. À un moment, la seule option viable n’était plus l’aéroport de Kaboul, saturé et dangereux, mais un passage terrestre vers le Tadjikistan. Les femmes voyageaient en bus, voilées, munies d’un simple sac, espérant ne pas être démasquées.
Le film s’attarde sur plusieurs destins emblématiques : une juge, première femme à exercer dans son district ; une ancienne championne d’équitation, enfermée chez elle depuis la prise de pouvoir ; une chanteuse devenue célèbre dans une émission télévisée ; et surtout les jeunes filles de l’équipe afghane de robotique, déjà connues à l’international. Toutes racontent la même peur : être exécutées ou réduites au silence pour ce qu’elles sont.
La question de leur destination finale a posé un dilemme moral et politique. Israël aurait été, logistiquement, la solution la plus simple. Des contacts ont été pris au plus haut niveau de l’État, et l’idée a été examinée. Mais elle a finalement été rejetée par le ministère de l’Intérieur de l’époque. Les femmes ont donc été orientées vers le Canada, pays prêt à les accueillir et à leur offrir un avenir, notamment dans l’éducation et la technologie.
Aboulafia reconnaît que filmer une telle opération n’allait pas de soi. La priorité était de sauver des vies, pas de « faire un film ». Beaucoup de scènes cruciales n’ont jamais été captées : l’instant où certaines ont jeté leur burqa après avoir franchi la frontière, l’effondrement physique et nerveux une fois en sécurité. Le récit se construit donc par fragments, messages, images tremblées, témoignages indirects – à l’image de cette mission improvisée, menée dans l’urgence.
Une chose revient dans toutes les voix des femmes sauvées : peu leur importait que leurs sauveteuses soient israéliennes. « Pour elles, nous étions simplement des Occidentales venues aider », explique Hermann. Aujourd’hui encore, beaucoup craignent des représailles contre les membres de leur famille restés en Afghanistan. Le film ne se présente ni comme une leçon de morale ni comme un manifeste politique, mais comme le témoignage brut d’un moment où l’inaction aurait signifié la mort.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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