Un échange d’une rare virulence a opposé ce lundi deux figures centrales du gouvernement israélien, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et le ministre de la Justice Yariv Levin, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi sensible par la Commission ministérielle de la législation. Malgré l’opposition frontale de Ben Gvir, la commission a approuvé la proposition de Levin visant à garantir la présence d’un avocat lors des interrogatoires de mineurs et de personnes en situation de handicap.
Selon le texte validé, tout mineur aura droit à la présence d’un défenseur pendant son interrogatoire, à l’exception des personnes soupçonnées d’infractions sécuritaires. La mesure s’appliquera également aux personnes en situation irrégulière, un point qui a cristallisé la colère du ministre de la Sécurité nationale, lequel y voit un affaiblissement dangereux des capacités de la police et une menace directe pour la sécurité des citoyens israéliens.
Au cours du débat, Ben Gvir a violemment attaqué Levin, l’accusant de proposer une loi qui « met en danger les habitants d’Israël » et qui permettrait, selon lui, à des clandestins impliqués dans des crimes graves — y compris des meurtres et des viols — de bénéficier de la présence d’un avocat dès la salle d’interrogatoire. « Un infiltré est comme un terroriste. Comment peut-on lui accorder un tel privilège ? », a-t-il lancé.
La riposte de Levin n’a pas tardé. Il a accusé Ben Gvir de s’opposer par principe à toute réforme juridique et de chercher désormais à bloquer le texte par crainte d’un rejet par la Cour suprême. Dans une pique particulièrement mordante, Levin a reproché à son collègue de « défendre des méthodes d’interrogatoire illégales » au lieu d’exiger que la police fasse toute la lumière sur l’affaire très controversée de la procureure militaire en chef.
L’échange est rapidement monté en intensité, Ben Gvir reprochant à Levin de légiférer en fonction de ce que la Cour suprême serait prête à accepter. « Si vous raisonnez ainsi, vous n’auriez jamais dû proposer la réforme judiciaire », a-t-il rétorqué. Malgré cette confrontation ouverte, la proposition a été adoptée à la majorité, avec le soutien des ministres Kisch, Karhi, Elkin et Silman, Ben Gvir restant isolé dans son opposition.
Dans les rangs de la coalition, certains responsables ont exprimé leur malaise, estimant que Levin « surprend négativement » et s’interrogeant sur la logique consistant à calibrer une loi en fonction des réactions attendues du parquet ou de la Cour suprême. L’entourage du ministre de la Justice a immédiatement répondu à ces critiques, qualifiant les propos de Ben Gvir d’« absurdités » et affirmant que le texte vise à mettre fin à des pratiques abusives ayant conduit, par le passé, à des aveux forcés.
Selon le ministère de la Justice, la première étape de la loi se concentrera exclusivement sur la protection des mineurs et des personnes vulnérables, afin d’empêcher toute pression illégitime ou intimidation durant les interrogatoires, en particulier à l’encontre de populations défavorisées et sans réseau de soutien. À terme, Levin envisage d’élargir ce dispositif à l’ensemble des interrogatoires, afin d’éviter des dérives comparables à celles observées dans certaines enquêtes très médiatisées, y compris celles visant le Premier ministre.
Au-delà du contenu juridique, cet épisode révèle une fracture idéologique profonde au sein du gouvernement entre une approche sécuritaire dure et une vision axée sur les garanties procédurales et l’État de droit. L’adoption du texte en commission marque une victoire tactique pour Levin, mais le bras de fer politique avec Ben Gvir est loin d’être terminé.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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