Disparition mystérieuse d’un officier libanais : l’ombre de l’affaire Ron Arad refait surface

La disparition inexpliquée d’un officier libanais dans la vallée de la Bekaa a ravivé, ces derniers jours, l’un des dossiers les plus sensibles et les plus douloureux de l’histoire israélienne : celui du navigateur capturé Ron Arad, dont le sort demeure inconnu près de quatre décennies après sa chute en territoire ennemi. Les nouveaux éléments rapportés par la presse libanaise et saoudienne ont relancé une vague de spéculations régionales, mêlant services de renseignement, Hezbollah et souvenirs encore brûlants de la guerre du Liban.

Selon le quotidien libanais Ad-Diyar, l’officier Ahmad Shukur aurait disparu après avoir été attiré dans une zone précise appelée Al-Sunuwaru, à proximité de son village natal de Nabi Sheet, dans l’est du Liban. Les enquêteurs auraient identifié une activité de son téléphone portable durant exactement 37 secondes avant que tout signal ne disparaisse, suggérant une opération rapide, maîtrisée et ciblée. Cette donnée, jugée cruciale, alimente l’hypothèse d’une interception planifiée plutôt que d’une simple disparition volontaire.

Des sources proches de l’enquête indiquent que Shukur aurait ensuite été déplacé vers le nord, possiblement via des routes secondaires menant à la région du mont Hermon, zone montagneuse et stratégique, connue pour ses passages clandestins et ses activités de contrebande. Il aurait été accompagné par un membre de la famille Al-Qassab, elle-même connue des cercles sécuritaires libanais. À ce stade, deux scénarios sont étudiés : soit Shukur aurait quitté la région de son plein gré avec des intermédiaires, soit il aurait été victime d’un enlèvement soigneusement orchestré.

C’est toutefois une autre révélation qui a mis le feu aux poudres. Le quotidien saoudien Asharq Al-Awsat a rapporté, citant une source sécuritaire libanaise, que l’opération aurait été menée par deux individus détenteurs de la nationalité suédoise, dont l’un serait d’origine libanaise. Les deux seraient entrés au Liban par l’aéroport international Rafic Hariri seulement deux jours avant la disparition. L’un d’eux aurait déjà quitté le pays, tandis que le second serait introuvable, nourrissant la suspicion d’une couverture d’agent de renseignement opérant sous une fausse identité.

Les autorités libanaises affirment que l’enquête repose sur l’analyse de caméras de surveillance et de données de communication, qui auraient permis de reconstituer partiellement le trajet de Shukur avant sa disparition. Officiellement, aucune accusation n’a été formulée, mais dans les cercles politiques et médiatiques libanais, le mot « enlèvement » circule de plus en plus ouvertement.

Ce dossier prend une dimension explosive en raison du passé familial de Shukur. Selon plusieurs sources concordantes, sa famille entretient des liens anciens avec le Hezbollah. Son frère, Hassan Shukur, aurait été un militant actif de l’organisation et aurait trouvé la mort à la fin des années 1980 lors d’une opération israélienne contre des bases du Hezbollah. Plus troublant encore, Hassan Shukur aurait appartenu au groupe dirigé par Mustafa Dirani, figure centrale du dossier Ron Arad, longtemps soupçonné d’avoir détenu le navigateur israélien après sa capture en 1986.

D’après ces mêmes sources, Ron Arad aurait été transféré, à un moment donné, dans une maison appartenant à des proches de cette famille à Nabi Sheet, avant de disparaître définitivement. Ces affirmations, jamais pleinement corroborées, ont alimenté pendant des années les efforts du renseignement israélien pour retrouver sa trace, vivante ou non.

En Israël, les autorités se gardent de tout commentaire officiel sur la disparition de Shukur. Toutefois, dans les milieux sécuritaires, l’affaire est suivie de près. Chaque élément nouveau lié à des figures ou à des réseaux ayant gravité autour du dossier Ron Arad est considéré comme potentiellement significatif, même des décennies plus tard. Le cas illustre à quel point ce dossier reste ouvert, sensible et chargé d’une dimension nationale et émotionnelle profonde.

Au Liban, cette disparition ravive également les divisions internes. Certains médias proches du Hezbollah dénoncent une « manipulation étrangère » et accusent implicitement le Mossad, tandis que d’autres voix appellent à la prudence, soulignant l’absence de preuves formelles. Une chose est certaine : dans une région où chaque disparition peut devenir un acte géopolitique, le cas d’Ahmad Shukur dépasse désormais le cadre d’un simple fait divers.

Près de quarante ans après la capture de Ron Arad, son nom continue de hanter les équilibres fragiles du Liban et d’Israël. La disparition d’un officier libanais, dans un village déjà marqué par cette histoire, rappelle que certaines affaires ne se referment jamais vraiment au Moyen-Orient.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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